vendredi 29 avril 2022

KNIGHTS OF X #1, de Tini Howard et Bob Quinn


Et voici la dernière série de l'ère Destiny of X. Soyons clairs d'entrée de jeu : si vous n'avez pas lu Excalibur par Tini Howard et Marcus To, rattrapez votre retard (vous ne serez pas déçus !) ou passez votre chemin car Knights of X en est la suite directe. La scénariste investit le champ du récit chevaleresque encore plus franchement dans cette production entièrement située dans l'Outremonde. Pour l'accompagner, Bob Quinn succède bravement à Marcus To. Et le résultat est exaltant.


L'Outremonde est désormais régi par Merlin, qui y traque tous les mutants. Saturnyne a trouvé refuge chez Roma, fille de Merlin, à qui Betsy Braddock demande de l'aide en la renvoyant à Krakoa.


Sur l'île, elle recrute des renforts et leur explique que Roma les aidera à sauver des mutants s'ils partent quête d'un mystérieux artefact. Jubilé voit son retour dans l'Outremonde refusé in extremis.


Betsy tient à avoir dix compagnons d'armes. Il lui en manque encore deux mais Meggan la guide jusqu'à son ami Kylun aux prises avec Arthur et son armée.


La bataille bascule avec l'arrivée d'un combattant inconnu qui force Arthur à battre à retraite. Il se présente devant les neuf héros... Et son identité rend fou de rage Merlin depuis sa Citadelle Lunatique.

Excalibur s'achevait sur la décision unilatérale de Betsy Braddock/Captain Britain Prime de repartir dans l'Outremonde, dont l'accès avec Krakoa était coupé, pour y défendre Saturnyne et les mutants contre l'armée du roi Arthur sous la coupe de Merlin. Celui-ci, par le passé détrôné par la Majestrix Omniverselle, a repris sa place de régent et imposé un règne de terreur avec des complices de plusieurs royaumes.

Knights of X reprend les choses là où Excalibur les avait laissées. Donc il est impératif pour apprécier cette nouvelle série d'avoir lu la précédente, sans quoi vous risquez d'être perdus, ou du moins privés d'élements de compréhension déterminants. De ce strict point de vue, c'est le titre de l'ère Destiny of X le plus organiquement lié à celui écrit par sa scénariste auparavant durant Reign of X (ttout comme X-Men : Red est issu de S.W.O.R.D., quoique moins fortement).

Tini Howard s'impose donc comme l'auteur d'une seule vraie saga entamée depuis 2019, un run très conséquent donc. Complice privilégiée de Hickman durant X of Swords (dont elle avait eu l'idée avec lui), elle occupe une place à part dans la franchise X par son goût prononcé pour le récit fantastique, après avoir exploré le versant magique de cet univers. Cette fois, elle investit le registre de la geste arthurienne.

D'ailleurs le titre ne ment pas : on est bien présence de chevaliers et ils sont dix à l'issue de ce premier chapitre. Betsy négocie avec Roma, fille dissidente de Merlin, un retour express à Krakoa pour enrôler des renforts qui lui permettront de sauver des mutants dans l'Outremonde et de restaurer Saturnyne sur son trône. En échange, Roma exige de Betsy qu'elle s'engage avec ses futurs compagnons d'armes dans une quête dont elle ne lui révèle pas tout de suite l'objet. Ce qui fera craindre à un des personnages la perspective d'un nouveau tournoi (comme celui de X of Swords).

Pour l'essentiel, le casting reprend des héros ayant déjà participé aux efforts d'Excalibur : Gambit, Bei Lune Rouge, Rictor, Shatterstar, Meggan Braddock, Shogo. Mais Howard y ajoute Rachel Summers (sans série fixe depuis l'arrêt de X-Factor), et avec laquelle Howard avait suggéré un début de romance avec Betsy lors du Hellfire Gala, et elle incorpore ensuite Kylun, personnage créé par Alan Davis quand il écrivait et dessinait Excalibur au début des années 90 - ça fait vraiment plaisir de revoir ces deux-là. En revanche, elle laisse sur Krakoa Jubilé, pourtant partante pour une nouvelle aventure, sans l'expliquer (mais peut-être sera-ce pour plus tard). Et le dixième chevalier est assez facile à deviner (mais je vous laisse y réfléchir jusqu'au prochain numéro)...

Ce qui frappe, ce sont plusieurs choses : d'abord, le rythme est vif. Tout au long de la trentaine de pages de ce premier épisode, on ne voit pas le temps passer, l'action est ininterrompue, la tension constante. C'est un changement notable après le tempo parfois plus irrégulier d'Excalibur. Ensuite, le mélange mutants-chevaliers, super-héroïsme-quête mystique fonctionne à merveille. C'est assez troublant de voir une série pareille éclore en même temps que, chez DC, paraît l'excellent Dark Knights of Steel, où Tom Taylor revisite le DCU dans un cadre médiéval. Perso, ça m'enchante parce que j'ai toujours adoré ces histoires de chevaliers, de table ronde, qui précédent le genre super-héroïque (et qui avait également beaucoup inspiré Fables sur la fin).

Howard est très à l'aise avec tout ça, et elle a été habile car en situant sa série dans l'Outremonde et avec les codes du genre chevaleresque, elle ne dépend plus du reste de l'univers mutant, de Krakoa, d'Arakko. Elle a patiemment préparé son terrain de jeu et gagné le droit d'y déplacer ses intrigues et ses personnages, dont certains sont confrontés à des états d'âme alléchants (Gambit semble contrarié que Malicia soit trop occupée chez les X-Men et part avec Betsy sans prévenir sa femme, Bei s'inquiète de laisser derrière elle Cypher, Meggan abandonne sa fille à Brian Braddock toute excitée par le frisson de l'inconnu, Shogo se trouve séparé de sa mère - Jubilé...).

Quant à l'objet de la quête, allez, vous ne m'en voudrez pas de vous le révéler car ça ne vous gâchera pas le plaisir : il s'agir du Siège Périlleux. Dans la légende arthurienne, il s'agissait du siège à la droite d'Arthur, destiné au plus pur des chevaliers de la table ronde - malheur à qui n'était pas digne de s'y asseoir. Dans l'univers Marvel, c'est un peu différent mais tout aussi terrible puisque le Siège Périlleux, apparu initialement dans Thor, désigne un artefact ouvrant un portail qu'on franchit pour une nouvelle vie dans une nouvelle réalité, pour le meilleur ou le pire.

Au dessin, Knights of X ne profite pas du talent de Marcus To, qui a porté Excalibur avec une impressionnante régularité. C'est dire si Bob Quinn, choisi pour lui succéder, avait la pression, d'autant que sa prestation sur l'éphémère Way of X ne m'avait guère épaté.

Heureusement, le coloriste Erick Arcienega reste fidèle au poste, ce qui assure à Knights of X une homogénité avec Excalibur. Mais surtout Bob Quinn prouve qu'il est digne de la promotion qu'on lui a accordée. Certes son style diffère de celui de To mais à l'arrivée, la copie est plus que concluante.

Le trait de Quinn flirte parfois avec celui d'un Humberto Ramos mais plus contenu. Les personnages sont expressifs et les compositions pleines d'énergie. Il gratifie le lecteur de planches superbes, souvent des splash-pages percutantes, où il place le casting fourni de la série sans que les personnages soient serrés comme des sardines dans leur boîte. Un exploit.

Comme le script n'est pas avare en actions spectaculaires, Quinn s'éclate visiblement à lui rendre justice, en ne se ménageant pas. Lorsque les chevaliers affrontent l'armée d'Arthur, on a droit à une séquence intense, très bien mise en scène. L'irruption du dixième chevalier montre bien que ce n'est pas un élément juste là pour faire le compte rond, Quinn s'évertuant à le représenter dans toute sa puissance, juste après une charge à dos de dragon par Betsy (jubilatoire).

Ma seule réserve concerne sa manière de dessiner Kylun, que Alan Davis avait doté d'une tête léonine, alors que Quinn l'humanise trop. On verra s'il corrige le tir ou s'il faut s'habituer à cette modification. Mais sinon, c'est impeccable, avec en prime de très beaux designs pour les habits des héros dans l'Outremonde. Bestsy voit son armure subtilement modifiée et je la préfère ainsi. Meggan renoue avec son justaucorps vert et noir (celui créé par Davis), Gambit a enfin un vrai bon look. Rictor n'a pas été modifié, ni Shatterstar, pas plus que Bei : ils n'en avaient pas besoin. Vraiment, ça a de la gueule.

J'ai été conquis par ce premier numéro et je ne regrette pas d'avoir lu, même avec du retard, Excalibur auparavant. Finalement, Destiny of X, à propos duquel j'étais circonspect, s'avère séduisant avec X-Men qui est sur une bonne lancée, X-Men : Red qui en impose, et ces Knights of X très emballants. En attendant le retour, imminent, des New Mutants de Ayala et Reis.

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