jeudi 21 avril 2022

NIGHTWING #91, de Tom Taylor et Geraldo Borges


Je suis, je dois le dire, un peu chonchon après la lecture de ce Nightwing #91. Parce que, même si c'est une série qui est loin d'être désagréable à suivre, ce n'est pas/plus ce que c'était. Tom Taylor tourne un peu en rond et je perds un peu patience. Geraldo Borges fait ce qu'il peut, mais il ne vaudra jamais Bruno Redondo (qui signe cette belle cover). Bref, c'est pas ça.


Flash et Nightwing affrontent KGBeast et ses hommes qui ont tenté d'enlever Barbara Gordon. Les malfrats neutralisés, Nightwing dévérouille le téléphone de KGBeast et le remet à Flash.


Flash donne le téléphone à Barbara Gordon qui accéde à son répertoire et identifie le commanditaire de KGBeast. Elle remonte la piste jusqu'à l'Agente Funebre au Costa Rica.


Nightwing et Flash se rendent sur place pour confronter l'Agente Funebre, chef légendaire d'une organisation de tueurs à gages, qu'ils réussissent à neutraliser.
 

Nightwing a alors l'idée de diriger tous les tueurs de l'Agente Funebre dans un piège. Ce qui, quand l'opération est bouclée, parvient aux oreilles de Blockbuster, évidemment mécontent...

Nightwing est une série qui, à juste titre, je m'empresse de le dire, depuis sa reprise par Tom Taylor, a très bonne presse. Le héros créé par Marv Wolfman et George Pérez revient de tellement loin que c'est un plaisir et un soulagement de le savoir animé désormais par un auteur talentueux, qui l'apprécie visiblement. On ne dira jamais assez l'importance pour un personnage d'être écrit par un scénariste pour qui ce n'est pas un héros de plus.

Ceci étant dit, est-ce que ça suffit d'aimer un personnage pour bien l'écrire ? Evidemment que non, sinon, au lieu d'écrire des critiques de comics, je rédigerai un comic-book mensuel sur Nightcrawler pour Marvel et j'aurai un succès fou, les fans apprécieraient l'elfe des X-Men comme jamais auparavant et les commentateurs seraient tous élogieux.

Depuis le début de son run, Tom Taylor a eu à coeur de redonner à Nightwing un certain lustre, des objectifs, un statut. A son avis, il est un des héros les plus importants du DCU, et on ne peut guère le contredire car Dick Grayson a une longévité étonnante et le public l'apprécie. Qui plus est, il est passé du rôle de Robin le boy wonder de Batman à Nightwing le chef des New Teen Titans et je crois qu'on peut affirmer qu'il occupe, pour cela, une place que n'ont pas acquise Jason Todd (Red Hood) ou Tim Drake (Red Robin) ni même Damian Wayne (Robin).

Taylor ne cache guère non plus ses influences - ou s'il ne les revendique pas, le lecteur un peu connaisseur saura les identifier : un peu du Hawkeye de Fraction/Aja, du Daredevil de Waid/Samnee. Impression renforcée par la manière dont Bruno Redondo illustre ses scripts, avec inventivité (à défaut de vrai génie). Bref, le tableau est séduisant. Mais alors pourquoi ça ne marche pas autant que j'aimerai sur moi ?

Sans aller jusqu'à le comparer au naufrage actuel de Eternals de Kieron Gillen, je trouve que la série Nightwing connaît un peu la même descente. Après des débuts brillants et prometteurs, on assiste à des épisodes moins aboutis, dont on peine à cerner la fin, ou du moins qui traînent en longueur. L'arc actuel, qui a mis Dick Grayson dans le viseur de Blockbuster en raison de leurs projets opposés pour Blüdhaven, est symptomatique de ce malaise narratif.

En effet, Taylor multiplie les guest-stars au détriment non seulement de son héros, qui se trouve éclipsé par ces partenaires occasionnels, mais aussi de son histoire, qui s'étire péniblement. On a vu les Titans intervenir, puis Jon Kent, et maintenant ce #91 boucle un diptyque avec Flash (Wally West). Aucune de ces histoires avec des invités n'a été passionnante. Pire : aucune n'a fait avancer le schmilblick, et toutes ont malheureusement fait de Nightwing un héros assisté, flanqué de compères providentiels qui assurent ses arrières, se font un sang d'encre pour lui et l'empêche de s'imposer comme la vraie star de son propre show. Un comble !

Imaginez si cela se produisait dans la série Batman et qu'on voit se pointer à chaque épisode un de ses amis de la Justice League pour le dépanner. Ce serait agaçant, horripilant. C'est pourtant l'effet produit par tous les copains de Nightwing qui s'invitent dans la série. Où veut en venir Taylor ? Si c'est pour rappeler, alors qu'il n'y a plus de série régulière avec les Titans, que ceux-ci sont toujours en activité et conservent des liens avec leur chef historique, c'est un effort louable certes, mais c'est trop présent dans la série Nightwing. Si c'est une manoeuvre de Taylor à l'adresse de son éditeur pour lui confier une relance d'une série Titans, bon, qu'il en parle avec les gens concernés, sans encombrer la série Nightwing.

Je ne dis pas que c'est insoutenable, mais ça commence à me courir sur le haricot. Je veux lire les aventures de Nightwing, avec au minimum Barbara Gordon/Oracle, pas un simili Nighting team-up with.... Comme tout indique que Taylor veut atteindre le 100ème épisode pour livrer un numéro mémorable, et sans doute ensuite partir sur une nouvelle histoire, je vais patienter jusque-là, tout en espérant ne pas m'ennuyer, au minimum. Mais ça a intérêt à valoir le coup, sinon gare !

Au dessin, Geraldo Borges boucle sa prestation. On sent bien qu'il fait des efforts, qu'il fait de son mieux, et dans l'ensemble, ce n'est pas déplaisant. Mais c'est un dessinateur qui n'a rien de renversant, et qui parfois est juste passable. Par exemple, sa manie de texturer le costume de Flash comme s'il était plastifié n'est vraiment pas belle.

Son découpage est le plus souvent très classique, sans inventivité. Lorsqu'il tente un effet de mise en scène, c'est très plat (comme décomposer les mouvements de Flash lorsqu'il désarme KGBeast). Lorsqu'il tente une double page pour l'affrontement entre Nightwing et l'Agente Funebre, le combat manque de punch (et Taylor appuie malencontreusement sur la voix-off pour désamorcer tout suspense en rappelant les modifications apportées au costume de Dick par Mr. Terrific).

En fait, Borges ressemble à beaucoup d'artistes actuels que les éditeurs lancent dans le bain alors qu'ils semblent n'avoir pas achevé leurs études. Ils semblent se former sur le tas, et tant pis si c'est au détriment de la série. La gestion des fill-in est globalement, actuellement, désastreuse, les editors sont nuls à ce niveau, incapables d'aligner deux dessinateurs de niveau à peu près égal sur un titre. A la place, on préfère lancer des mini-séries qui occupent, ironiquement, des dessinateurs plus solides. Or des dessinateurs sous-"exploités" et doués, il y en a, et je pense qu'ils seraient ravis de prêter main forte à leurs collègues quand ceux-ci éprouvent le besoin de souffler.

Bref, Nightwing est dans une position d'équilibriste : jamais désagréable à lire, mais pourtant depuis quelques épisodes maintenant en dessous de son potentiel affiché précédemment. Moi, je me suis fixé une échéance. Je souhaite vivement que Tom Taylor et Bruno Redondo me convainquent de tenir jusque-là - et au-delà.

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