samedi 4 décembre 2021

THE HUMAN TARGET #2, de Tom King et Greg Smallwood


Wow ! Quel épisode ! Tom King et Greg Smallwood font très fort avec le deuxième numéro de The Human Target. Certes le précédent chapitre m'a déjà conquis, mais là, on atteint les cîmes. L'enquête de Christopher Chance pour identifier celui ou celle qui l'a empoisonné en pensant atteindre Lex Luthor prend un tour romantique absolument enchanteur. C'est beau, c'est superbement écrit : c'est jouissif.
 

Christopher Chance reçoit la visite à son bureau de Tora Olafsdotter alias Ice, membre de la Justice League International. Ils sortent discuter et se rendent sur une plage pour boire un verre. Désireuse d'aider, Ice est pourtant vite percée à jour par Chance.


Elle a en effet reçu un appel du Dr. Midnight qui l'a mise au courant de l'affaire sur laquelle enquête Chance et sur l'état de santé de ce dernier. Mais en vérité elle a voulu savoir où en sont ses investigations et innocenter sa meilleure amie, Beatriz da Costa alias Fire.


Chance suit Tora sur la plage car elle a envie de se baigner. Il dissimule mal son émoi en compagnie de cette belle femme, aimable et affable. Il saute à l'eau avec elle et l'écoute évoquer une ancienne bataille contre Overmaster, qui s'était allié à Lex Luthor et l'avait manipulée, elle, pour tuer ses partenaires.


Le drame avait pu être évité mais Guy Gardner, son fiancé et collègue au sein de la Ligue, voulut savoir ce qui s'était passé.  Fire, elle, promit de faire payer Luthor. Pourtant Ice répète que son amie n'aurait rien fait et offre à Chance de l'aider à rencontrer les membres de la JLI.

Juste après avoir lu cet épisode, Mardi dernier, alors j'étais sur Twitter, je tombe sur un message posté par un fan de The Human Target qui dit, en substance, que c'est sa lecture favorite actuellement et surtout qu'il ne voit aucun comic book capable de rivaliser avec la production de Tom King et Greg Smallwood.

Sur le coup, ce jugement me fait un peu sourire car je trouve qu'il y a beaucoup de choses très intéressantes, de grande qualité, à lire et à recommander en ce moment. Rien que cette semaine, il y a de quoi combler le geek avec du Kirkman/Samnee, Millar/Immonen, Ayala/Reis, pour citer trois équipes artistiques de haut vol. Si on remonte plus loin, on dispose en ce moment de comics par Gillen/Ribic, Lemire, Taylor/Redondo et j'en oublie sûrement. De quoi corriger ceux qui pensent que "c'était mieux avant" (sans jamais qu'ils précisent à quand se situait cet avant idéal).

Et puis j'ai passé ces derniers jours à rédiger les critiques de ce que j'avais lu avec parfois enthousiasme, parfois déception, la routine presque. Je gardais The Human Target #2 sous le coude, pour finir la semaine en beauté. J'aime bien faire ça, réserver un bel épisode pour conclure mes critiques hebdomadaires, histoire de laisser à ceux qui me suivent l'envie de se procurer telle ou telle série plutôt que de terminer sur une note plus maussade.

Mais ça permet surtout de jauger la série qu'on garde pour la fin. De voir ce qu'on en retient, de penser à la manière dont je vais en parler. Et dans ce processus de décantation s'opère (ou non) une confirmation, une révélation. Généralement, si c'est vraiment aussi bon que prévu, la critique s'écrit toute seule parce que ce n'est jamais difficile de communiquer son enthousiasme.

J'en reviens à ce twitto qui affirmait qu'il ne lisait rien de meilleur en ce moment. Et je le rejoins. The Human Target est une BD parfaite, de comic book idéal. C'est merveilleusement écrit par Tom King, peut-être ce qu'il a écrit de plus fin, de plus délicat, de plus sensible. Et c'est divinement dessiné par Greg Smallwood, dont j'ai l'impression que tout le monde découvre enfin le génie (et ça, ça me fait kiffer).

Le programme de la série est limpide, il a été présenté dans le premier épisode : Christopher Chance a été empoisonné à la place de Lex Luthor en jouant son rôle. Le poison employé provient d'une dimension visitée par la Justice League International, comme l'a découvert le Dr. Midnight. Chance a donc douze suspects : Ice, Fire, G'nort, Guy Gardner, Mister Miracle, Red Rocket, Captain Atom, Batman, Blue Beeetle, Booster Gold, Martian Manhunter, Black Canary. Et il lui reste douze jours à vivre et donc douze jours pour trouver son assassin.

Selon le principe un épisode = un jour, Chance va donc rencontrer à chaque épisode un suspect. Première de la liste : Tora Olafsdotter alias Ice. Elle vient directement à lui, même si on découvrira à la fin que Chance l'a habilement piégée pour cela. Ensuite ce sera le tour de Booster Gold, Blue Beetle, Martian Manhunter...

King adapte sa narration à la situation de Chance : pas de temps à perdre. Il montre donc au lecteurle trouble qui saisit d'emblée le héros en présence de Ice, un trouble qui ira croissant et mixe au néo-noir de la série un côté plus romantique (une constante dans les séries du scénariste qui adore ausculter les couples, de longue date ou en formation - Mr. Miracle et Big Barda, Batman et Catwoman, Adam et Alanna Strange, Wil Myerson et "la Gamine"...). On comprend parfaitement l'émoi de Chance car Greg Smallwood représente Tora comme une femme d'une grande beauté, aimable, sexy mais pas racoleuse.

L'osmose est telle entre le texte et les images que la lecture est exceptionnellement fluide. On tourne les pages avec un bonheur rare et en même temps on savoure chaque scène. Un ange passe. C'est le genre de BD qu'on lit avec des étoiles dans les yeux, des papillons dans le ventre et un sourire ravi aux lèvres. C'est extatique.

Le travail de Smallwood est presque humiliant pour tous les artistes actuelles tant il est accompli, abouti, techniquement bluffant et narrativement exemplaire. Tout est sublime, on a envie de vivre dans cette BD aux couleurs douces, on est amoureux de Tora, on envie Chance (ce qui est un exploit pour un type qui est condamné), on vibre aux révélations, on est captivé. A peine a-t-on terminé sa lecture qu'on n'a qu'une envie : relire ces trente pages.

C'est donc vrai que c'est ce qu'il y a de mieux actuellement dans les bacs. Je ne trouve pas de comics qui procurent un tel sentiment de plénitude. Tom King ne peut pas décevoir, agacer ici : il est dans son élément, c'est une sorte d'épiphanie : aucune autre de ses productions n'a atteint cet équilibre miraculeux, opéré cette synthèse des thèmes qui parcourent son oeuvre. C'est lumineux. Il y a une justesse dans les situations, les dialogues, la caractérisation qui donnent cette impression d'un auteur au sommet de son art, qui dose parfaitement ses effets, qui adore ce qu'il écrit, qui mène le lecteur par le bout du nez.

Vous me voyez comblé, mais c'est vrai que c'est exquis quand une série qu'on attendait est aussi bien que ce dont on rêvait. Je suis fan de King, même si j'admets qu'il s'écoute parfois un peu parler et sort peu de sa zone de comfort. J'adore Smallwood en ayant souvent enragé de son manque de reconnaissance alors que c'est un artiste complet, une sorte d'"artists' artist" à la Toth (ce dessinateur pour inités, révéré par ses pairs mais terriblement méconnu du public). J'adore le roman noir. J'aime la romance. Que tous ces ingrédients soient réunis et si bien mélangés, mitonnés, c'est un kif total.

Alors, oui, s'il n'y avait qu'une série à suivre en ce moment, malgré une offre à la fois pléthorique et quelques pépites indéniables, je choisirai et conseillerai The Human Target

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