dimanche 12 décembre 2021

LES ETERNELS, de Chloe Zhao


J'ai enfin vu Les Eternels et, après avoir bien tourné autour du pot, je me lance dans sa critique. Il faut dire que la tâche n'est pas aisée car si le fan du MCU a envie de défendre le film après y avoir beaucoup cru, d'un autre côté l'objet est loin d'être convaincant. Et si le vrai problème de long métrage de Chloe Zhao résidait dans le simple fait qu'il ne s'agit pas vraiment des Eternels ?


5000 av. J.C. Dix Eternels - Ajak, Ikaris, Sersi, Druig, Makkari, Phastos, Thena, Kingo, Sprite et Gilgamseh - débarquent en Mésopotamie pour repousser une attaque des Déviants contre les humains. C'est le point de départ de la mission de ces surhommes pour accompagner l'évolution de l'humanité et éradiquer de la surface de la Terre ces monstres dont le dernier périra en 1521. Le groupe des Eternels se sépare alors, miné par des tensions internes.


De nos jour. Sersi et Sprite vivent en colocation à Londres. Sersi travaille au Musée d'Histoire Naturelle et a une relation amoureuse avec un humain, Dane Whitman. Lorsqu'ils sont attaqués par un Déviant, Ikaris resurgit et repousse le monstre. Sersi révèle sa vraie nature à Dane et décide de partir consulter Ajak au sujet de cette agression. Avec Sprite et Ikaris, elle part dans le Sud-Dakota et ils trouvent Ajak assassinée.


Sersi devient le contact des Eternels auprès du Céleste Arishem, leur créateur, qui lui dévoile le secret de leurs origines et de leur mission : ils sont des êtres artificiels qui en favorisant l'évolution et la croissance de l'espèce humaine devaient permettre l'émergence de Tiamut, un autre Céleste, endormi au coeur de la Terre, activée par l'énergie des hommes.. Cela signifie donc la fin prochaine de la planète qui sera compensée par la création d'un autre, dans un cycle perpétuel.


Sersi informe Sprite et Ikaris et ils vont à la rencontre de Gilgamesh et Thena, en couple, puis de Druig, devenu le chef d'une commuauté humaine dans la jungle. Là, une nouvelle attaque des Déviants, menée par leur chef Kro, cause la perte de Gilgamesh, qui se sacrifie pour Thena. Puis l'équipe va demander l'aide de Phastos, qui vit avec un homme avec lequel il a un enfant. Face à l'urgence de la situation, il accepte de les aider.
 

Ralliant la cachette de leur vaisseau, le Domo, dans lequel s'est installée Makkari, les Eternels élaborent un plan consistant à unir leurs pouvoirs pour former le Grand Esprit, une force suffisante pour affronter un Céleste et peut-être en empêcher l'émergence. Mais Ikaris s'oppose à ses amis et leur révèle avoir tué, en la livrant aux Déviants, Ajak, qui doutait du plan d'Arishem. Il est prêt à éliminer tous ceux qui se dresseront contre la volonté de leur créateur. Kingo préfère repartir et Sprite se range aux côtés d'Ikaris, qu'elle a toujours aimé en secret.


Mais les autres ne renoncent pas et pendant que Druig et Phastos collaborent sur le moyen de former le Grand Esprit. Pour occuper Ikaris, Thena et Makkari l'affrontent au pied d'un volcan d'où doit sortir Tiamut. Kro s'en mêle, espérant profiter du chaos de la bataille pour s'emparer des pouvoirs des Eternels comme il a absorbé ceux de Ajak et Gilgamseh. Druig augmente les pouvoirs de Sersi, grâce au Grand Esprit, qui pétrifie le volcan pendant que Thena tue Kro et que Phastos et Makkari immobilisent Ikaris. Celui-ci, désespéré, s'envole et plonge dans le soleil. Avec l'énergie du Grand Esprit qu'il lui reste, Sersi fait de Sprite une mortelle, comme elle le souhaite puisqu'elle a conservé l'apparence d'une enfant.
 

Thena, Druig et Thena quittent la Terre à bord du Domo. Mais Arishem punit Sersi, Sprite, Kingo en les enlevant et leur ôtant la mémoire.

Deux scènes supplémentaires surviennent durant le générique de fin :

- Eros, le frère de Thanos, s'invite à bord du Domo pour prévenir les Eternels de la dernière action d'Arishem et de la menace qui pèse sur la Terre qu'il va continuer d'observer pour juger si ses habitants sont dignes de continuer à vivre.

- Dane Whitman se met en tête de retrouver Sersi et s'arme de l'Epée d'Ebène, une arme maudite appartenant à sa famille. Mais quelqu'un, dans l'ombre, le met en garde sur sa décision de s'en servir.

Depuis la fin de la Phase 3 du MCU, avec Avengers : Endgame et Spider-Man : Far From Home, Kevin Feige, le grand manitou des films Marvel, a la lourde responsabilité de produire de nouveaux longs métrages susceptibles de remplacer dans le coeur des fans les exploits des Avengers. Comment pérenniser un tel succès sans les champions du box office ? Et en composant avec les séries sur Disney+ ?

Car, en plus, désormais, tout fait partie de la continuité, films et séries. Si une nouvelle menace au long cours semble se dessiner avec Kang et le Multivers, le catalogue Marvel est suffisamment riche pour proposer de nouveaux héros et donc de nouvelles histoires au public. Si Black Widow a déçu, parce qu'au fond son passé n'avait plus guère d'intérêt (en dehors de nous présenter Yelena Belova, sa remplaçante - qui vient de resurgir dans la série Hawkeye), et si Shang-Chi était déconnecté de l'ensemble, il restait Les Eternels, en attendant les retours de Spider-Man (No Way Home), de Doctor Strange (In the Multiverse of Madness), de Thor (Love & Thunder), des Guardians of the Galaxy (Vol.3), de Ant-Man and the Wasp (Quantumania).

Créés par Jack Kirby, ces héros ne sont pas des premiers rôles, même si l'éditeur vient de leur redonner un comic-book (par ailleurs excellent). Depuis 1976, ils restent méconnus comme si les scénaristes ne savaient pas comment els intégrer à la continuité. Neil Gaiman, en 2008, avait, avec le dessinateur John Romita Jr, corrigé ça, si bien que sa mini-série fournissait un récit idéal pour être adapté au cinéma.

Et c'est là que le bât blesse avec le film de Chloe Zhao ! Car, avec ses co-scénaristes (Patrick Burleigh, Ryan et Kaz Firpo), c'est comme si elle n'avait lu ni Kirby ni Gaiman. Les Eternels qu'elle met en scène n'ont plus grand-chose à voir avec les personnages des comics. Elle cite des éléments de leur mythologie, mais en modifie profondément d'autres, ce qui aboutit à des héros abatardis, hybrides. Pour les connaisseurs, c'est une expérience bizarre, déstabilisante. Pour les néophites, ce sera un long métrage à la fois accessible et maladroit. Personne en tout cas ne peut être pleinement satisfait.

Pour rappel, les Eternels ont bien, comme dans le film, été créés par les Célestes, des géants à la puissance incommensurable qui sont aussi des laborantins cosmiques, pratiquant des expériences sur des formes de vie. En découvrant la Terre et les premiers hommes, ils donnent naissance aux Eternels et les Déviants, des anges et des démons. Dans le film, les Eternels sont réduits à l'état de quasi-robots programmés pour éradiquer les Déviants, qui représentent une anomalie pour les Célestes parce qu'ils peuvent évoluer et donc contrarier leurs desseins.

En changeant la conception des Eternels, Zhao et ses scénaristes gâchent l'énorme potentiel de ses personnages et de leur histoire Paradoxalement, à côté de cela, elle respecte le fait que les Eternels finissent par passer inaperçus au milieu des humains, certains d'entre eux doutant des plans des Célestes, de la mission qu'ils leur ont assignés. Mais le récit se dispense d'expliquer clairement comment des Déviants, censés avoir tous été éliminés depuis 1521, resurgissent et que leur chef, Kro, soit capable désormais d'absorber les pouvoirs des Eternels qu'ils tuent pour gagner en puissance et en savoir.

Le script va et vient ainsi entre respect du matériau d'origine et réécriture à la truelle. Zhao a expliqué avoir écarté de la version finale du scénario deux personnages, mais sans dire lesquels. On peut présumer qu'il s'agit de Zuras, un Eternel Prime, père de Thena, dont elle a donné le rôle de guide à Ajak (ce n'est pas idiot puisque comme dans les comics Ajak communique avec les Célestes). Par contre, d'autres Eternels comme Kingo sont totalement remaniés, d'une manière peu inspirée (entre ses pouvoirs ridicules et son statut au sein des humains, rien de commun avec le héros des BD), et surtout Ikaris (le guerrier qui cache ici un méchant dévot des Célestes et prêt à éliminer quiconque se dressera contre le plan du patron). 

En permanence, le film gâche une bonne idée (Druig qui gagne en ambiguïté, Sprite frustrée par son apparence) par des mauvaises (le trauma de Thena qui tombe comme un cheveu dans la soupe et resurgit ensuite à intervalles réguliers pour susciter la crainte, la sous exploitation des rôles de Gilgamesh et surtout de Makkari). Les Déviants, qui, dans les comics, sont représentés sous la forme de monstres humanoïdes et barbares, font place ici à des chimères plus proches de bêtes sauvages et légendaires (à l'exception de Kro, allez savoir pourquoi), et entièrement en CGI (d'une laideur incroyable, ce qui est stupéfiant quand on sait le soin que nécessite ce genre de films et la compétence de Marvel dans ce domaine).

Depuis toujours, la question qui divise les cinéphiles à propos du MCU est sa compatibilité avec les cinéastes auteurs. Les précédents créés par Julie Taymor (débarquée de Thor 2) ou Edgar Wright (qui a abandonné, découragé, Ant-Man après 8 années de développement) ont beau avoir été compensés par les contributions de Taïka Waïtiti ou James Gunn ou les frères Russo, le malaise persiste parce que, chez DC/Warner, des réalisateurs aux styles marqués comme Christopher Nolan, Zack Snyder ou Patty Jenkins ont imposé des films plus stylés visuellement (même si cette impression doit être nuancée par la qualité effective des films).

Oscarisée pour son Nomadland, Chloe Zhao portait d'énormes espoirs sur ce plan-là. Mais la cinéaste convainc par intemittences. Nul doute qu'elle s'est investie dans ce projet (pour lequel elle a pris part à son écriture et a obtenu de tourner dans des décors naturels), mais elle échoue totalement à donner un souffle épique à son récit et surtout à persuader le public du charisme de ses interprètes.

Car, et c'est la cerise amère sur ce gâteau, le casting est majoritairement foireux. Richard Madden, Gemma Chan, Angelina Jolie et Salma Hayek sont cruellement inexpressifs et leur jeu est éteint. Kumail Nanjani est ridicule du début à la fin. Barry Keogan et Don Lee s'en tirent mieux mais leurs personnages sont trop en retrait ou écartés trop vite. Lia McHugh boude un peu trop et Lauren Ridloff est honteusement reléguée au second plan. Quant à Kit Harrington, s'il est acquis qu'on le reverra en Black Knight, il ne le devra pas à son talent de comédien. Enfin, je n'en reviens toujours pas que Harry Styles, ce chanteur pour midinettes, ait été choisi pour incarner Eros !

Les Eternels reviendront, nous assure-t-on à la toute fin du générique. Mais franchement, qui est pressé de les revoir ? Quant au MCU, outre les séries sur Disney+, il devrait retrouver des couleurs très vite avec Spider-Man : No Way Home. La preuve que c'est dans les classiques que se trouve le meilleur de cet univers ?

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