vendredi 24 décembre 2021

NIGHTWING #87, de Tom Taylor et Bruno Redondo


Nightwing #87 est un pur exercice de style. Ce qu'a imaginé Tom Taylor et dessiné Bruno Redondo n'a absolument aucune valeur puisque ce qui est raconté dans cet épisode est anecdotique. Mais il s'agit de faire plaisir et d'impressionner le fan tout en assumant pour les auteurs une réalisation spectaculaire. On ne boudera donc pas son plaisir, même si un peu plus de substance aurait été appréciable.



Alors qu'il rentre, à pied, chez lui, Dick Grayson reçoit un appel de Barbara Gordon qui l'avertit que sa tête est mise à prix. Il essuie en effet rapidement les tirs nourris de malfrats, en pleine rue, au milieu de civils innocents. Dick se change en Nightwing et rejoint son appartement visité par les gangsters.


Sa chienne Haley est enlevée et Nightwing, après avoir rossé quelques fripouilles, part à sa poursuite. Oracle annonce à son partenaire qu'elle vient en renfort tandisq qu'un passant prête sa moto à Nightwing pour qu'il suive la camionnette des ravisseurs.


En franchissant un pont de Blüdhaven, Nightwing est averti par Batgirl qu'elle se trouve sur le toit de l'immeuble voisin où les kidnappeurs se rendent. Il la rejoint et se partage la mission de neutraliser les vilains.


Ceci fait, grâce à un traceur dans le collier de la chienne, Nightwing localise Haley qui est menacée par le chef des malfrats. Batgirl le désarme mais l'animal tombe par la fenêtre. Nightwing se jette pour la rattraper. La police arrive pour arrêter le gangster ligoté par Batgirl.

Les références qui sautent aux yeux depuis que Tom Taylor et Bruno Redondo ont repris Nightwing sont à trouver du côté de Marvel quand l'éditeur publiait des séries exceptionneles comme Daredevil par Mark Waid et Chris Samnee et Hawkeye par Matt Fraction et David Aja. Il était donc logique et quelque part inévitable que comme leurs glorieux aînés, Taylor et Redondo s'attèlent à un épisode spécial construit comme un défi narratif et esthétique.

Mais, autant le dire tout de suite, Nightwing #87 n'atteint jamais le niveau d'un Hawkeye #11 (l'épisode du point de vue de Lucky the pizza dog) ou des meilleurs chapitres du tandem Waid/Samnee. Pourquoi ? Parce que, simplement, ce qui y est raconté n'aura aucun impact sur la suite et surtout échoue totalement à suciter une quelconque émotion.

On lit cet épisode en ne cessant jamais de se demander quel est son objectif sinon d'en mettre plein la vue sans rien offrir de plus. Tom Taylor a conçu son affaire comme un hors-série qui aurait en vérité plus eu sa place dans une revue anthologique que comme un chapitre à part entière de sa série.

Dick Grayson est maintenant devenu une sorte de néo-Bruce Wayne, plus riche que ne l'esst actuellement son ancien mentor, mais qui présente la particularité de vouloir s'occuper de Blüdhaven différemment de Batman avec Gotham. Autrement dit, en mettant sa fortune au service de la collectivité au lieu de sa croisade contre le crime organisé. C'est approprié puisque Dick Grayson a toujours été un garçon positif, lumineux et altruiste, à l'opposé de ténébreux Bruce Wayne.

Inévitablement, cela lui attire des ennuis et c'est ce que veut montrer, platement, le scénario de cet épisode où la tête de Dick Grayson et non de Nightwing est mise à prix car les projets du jeune homme contrarient la pègre qui préfère continuer à profiter des miséreux de Blüdhaven plutôt que de voir la cité amélioré par un bon samaritain.

Des gangsters se mettent donc à tirer en pleine rue, au milieu d'une foule d'innocents badauds, sur Dick tandis que d'autres forcent la porte de son domicile et kidnappent sa chienne Haley. Et voilà Dick puis Nightwing courir après le toutou, bientôt aidé par Barbara Gordon. Oracle/Batgirl. Au terme d'une course-poursuite finalement assez terne et brève, menée par des fripouilles sans envergure ni génie (ils n'ont visiblement préparé aucun plan, agissent comme des idiots), les gentils gagnent et récupèrent l'animal et les bandits sont punis et livrés à la police. Et c'est tout.

Survendu depuis des semaines par DC et les auteurs sur les réseaux sociaux, le pitch de ce numéro laisse pantois par sa minceur et son néant dramatique. Ce n'est pas nul, mais ça ne vaut objectivement pas grand-chose et ça n'a pas dû prendre beaucoup de temps à Tom Taylor pour l'écrire (ou alors il écrit lentement).

La véritable attraction est donc le dessin de Bruno Redondo puisque tout l'épisode (hormis la première et dernière pages, qui sont des splash) est composé de doubles pages simulant une séquence continue avec une décomposition de l'action à l'intérieur de plans uniques mais qui, mis bout à bout, forme une sorte de poster. L'editor de la série, Jessica Chen, s'est même amusée à se prendre en photo couchée à côté des planches alignées pour bien nous prouver à quel point c'est trop ouf.

Mais pour que l'expérience ait été encore plus percutante, il aurait fallu : 1/ que DC consente à publier cet épisode également comme une seule planche dépliable - un procédé cependant certainement trop coûteux - ; 2/ que Redondo ne se contente pas de dérouler l'action sur des plans en façade affreusement numérisés. 

Le fait de découper plusieurs actions sur une même image est un jeu graphique qui ne date pas d'hier (Botticelli a peint des tableaux ainsi), et des artistes de comics extraordinaires en ont tiré des morceaux de bravoure autrement plus vertigineux (comme JH Williams III dans Promethea ou Frank Quitely dans The Multiversity : Pax Americana). Redondo a juste poussé le curseur en dessinant tout l'épisode de cette façon. Mais il aurait pu aller plus loin en jouant sur la profondeur de champ, les valeurs de plan, les compositions.

Hors, ici, tout est désespérement plat, on se croirait dans un vieux jeu d'arcade avec Nightwing se déplaçant sur des niveaux, sans aucun relief (à une exception près). C'est joli et ça épatera le lecteur qui apprécie l'épate, mais pour qui relira la tête froide ce numéro de cirque, c'est juste ça, un numéro de petit malin qui a voulu faire croire qu'il était aussi fort que David Aja (mais qui ne l'est pas car Aja n'a jamais oublié que la forme devait sublimer le fond).

Le pire est sans doute que cet exercice voulait renforcer la représentation des capacités acrobatiques d'un héros monte-en-l'air comme Nightwing. Or, il n'a jamais paru aussi peu aérien qu'ici. C'est une erreur visuelle flagrante : pour suggérer l'agilité, il ne faut surtout pas l'enfermer dans une posture formelle, mais au contraire lui donner un espace approprié, un découpage ad hoc. Sans ça, c'est trop plaqué.

Allez, la série s'en remettra. Mais on saura maintenant à quel niveau il faut réellement placer Taylor et Redondo : des petits malins roublards et pas des cadors, car ils n'arrivent pas à la cheville de ceux à qui ils se mesurent.  

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