jeudi 16 décembre 2021

ETERNALS #8, de Kieron Gillen et Esad Ribic


La deuxième partie du deuxième arc de Eternals montre des faiblesses inédites dans le projet de Kieron Gillen. Le scénariste chosit toujours de se concentrer sur un petit groupe et de diviser son récit en deux, ce qui révèle un mécanisme peu captivant. Visuellement aussi, la série souffre car Esad Ribic se montre très léger sur les décors. Alors début du déclin ? Ou panne provisoire avant le rebond ?
 

Sachant qu'ils doivent leur résurrection à la mort des humains, les Eternels ont du mal à se faire à l'idée. Phastos met en garde Kingo et Ikaris contre leurs habitudes guerrières. Ikaris décide de consulter un Déviant pour apprendre à se battre différemment.


De son côté, à Olympia, Thanos ressucite Druig en ayant pris soin d'effacer partiellement sa mémoire. Conduit auprès du scientifique Domo, le titan fou tente de se faire extraire la bombe que Phastos a placé sur lui - en vain. Druig lui suggère alors un moyen de pression contre Phastos.


Cependant, à Lemuria, Tolau, l'amant Déviant de Thena, lui révèle que sa dégénérescence a débuté et qu'elle est irréversible. Il date le début de son affliction à la récente visite de Kro. Thena entend bien alors réclamer des comptes au leader des Déviants qu'elle soupçonne d'avoir provoqué ce mal.


Alors que Kro dîne avec Sersi, il doit expliquer à Thena que la dégénérescence touche tous les Déviants. Sersi se retire pour retrouver le Valet de Couteaux qu'elle remercie d'avoir intimidé Ikaris. Il s'éclipse en mentionnant Thanos et Sersi comprend alors que le titan a changé de statut...

Entendons-nous bien : Eternals est une excellente série, parmi ce que Marvel publie de meilleur actuellement, et je le reconnais volontiers car l'éditeur ne propose plus tellement de titres qui me convainquent. Mais, c'est terrible, quand une série vous habitue très vite à l'excellence, on devient exigeant avec elle.

Ainsi après un premier arc fabuleux, qui s'est achevé sur un twist génial (je pése mes mots), je trouve que les deux premiers épisodes de ce Hail Thanos sont moins convaincants, qu'ils peinent à décoller. 

Kieron Gillen saura sans doute m'épater à nouveau, c'est un scénariste intelligent, qui parâit avoir beaucoup d'idées, une vision pour les Eternels, et même moyens, ces deux épisodes sont meilleurs que le film dont je vous parlais récemment. Il y a une ambiance, des personnages intrigants, du potentiel.

Mais c'est difficle à cerner, c'est comme si quelque chose empêchaît tout ça d'être aussi intense que prévu, comme si ce nouvel acte patinait. Gillen se concentre toujours sur le même groupe d'Eternels quand j'espérai qu'il introduise de nouveaux éléments connus (en particulier Makkari et Ajak - même si ces deux-là ont été présents dans des n° hors série publiés entre les deux arcs). En avoir déplacé la majorité à Lemuria pour négocier la paix avec les Déviants est accrocheur, mais pour l'instant, ces pourparlers sont hors-champ et c'est frustrant. Du coup, Thena, Ikaris, Kingo et Phastos semblent chercher à quoi s'occuper.

Et sur ce point, tous ne sont pas traités de la même manière. Gillen ne cache pas sont intérêt pour Ikaris et c'est vrai que c'est original de suivre ce guerrier-né, cette "flèche", devoir apprendre à se battre différemment maintenant qu'il sait que, s'il meurt, il ne pourra renaître qu'au prix d'une vie humaine. Kingo, tout aussi bagarreur, est dans le même cas, mais bizarrement Gillen ne lui accorde pas la même attention, comme s'il l'embarrassait. Gilgamesh a, lui, disparu de l'image et c'est dommage car sa caractérisation promettait beaucoup. Et Sprite est passé on-ne-sait-où.

De même avec les dames, Gillen ne semble pas savoir comment donner la même importance à Thena et Sersi. Cette dernière apparaît peu et tardivement, pour révéler une nature manipulatrice (on découvre qu'elle a marchandé avec le Valet de Couteaux pour qu'il déconseille fermement à Ikaris de révéler le secret des Eternels à la famille de Toby Robson) : on va voir où ce subplot mène, mais j'espère là aussi que ce ne sera pas remis aux calendes grecques. En revanche, l'amour de Thena pour le Déviant Tolau, dont la dégénérescence physique a commencé (annonçant aussi son déclin mental) et les soupçons qui pèsent sur Kro (le chef des Déviants) sont très rapidement désamorcés, dans une scène expédiée - comme si ses paroles ne souffraient aucun doute et que Thena les acceptait d'un bloc (il ne fait cependant aucun doute que Kro n'a rien à avoir avec l'affliction des Déviants, mais, pour le coup, j'aurai apprécié que le morceau soit plus disputé par Thena).

Enfin, il y a tout ce qui se passe avec Thanos, devenu le nouvel Eternel Prime. C'est peut-être avec lui que Gillen se montre le plus inspiré car il dépeint le titan comme une créature à la fois brutale et sournoise, aux prises avec un problème que seul Phastos peut règler mais pour lequel il doit faire pression sur l'Eternel. Comme sa récente élection s'est produite à l'insu des Eternels et que Phastos souffre de soucis mentaux depuis son retour, la situation s'annonce explosive et donc le prochain épisode va certainement être plus palpitant et mouvementé.

D'ici-là, il faudra croiser les doigts pour que Esad Ribic ait retrouvé un peu de tonus et de goût de l'effort car, franchement, il signe son épisode le plus faible depuis le début. En cause : principalement, la pauvreté des décors. 

Matthew Wilson, le coloriste, a dû cravacher pour meubler avec des camaïeux les arrière-plans tant ils sont vides ou à peine esquissés. Tout semble englouti dans une sorte de brume et on ne peut décemment se satisfaire de quelques colonnes et de dérisoires ornements pour situer l'action. Les seules fois où Ribic force un peu, c'est pour représenter le laboratoire de Domo, mais ce n'est pas fou non plus.

Mais hélas ! l'artiste est aussi léger à plusieurs occasions sur les personnages, pourtant son point fort. Plus il cadre de loin, moins il précise les traits des visages : ce ne serait pas terrible s'il devait figurer une foule, mais quand dans une case seuls trois personnages, par exemple, sont là, c'est quand même embêtant. Comme Ribic ne s'encre pas, et laisse le trait de son crayon préservé, dans le meilleur des cas, des effets de volume et de texture sont appréciables. Mais cette fois, on a surtout le sentiment de voir des dessins un peu lâches, un peu trop bruts, comme quand on examine la chevelure noire de Sersi et qu'on distingue, très nettement, plusieurs strates de coups de crayons qui leur donnent une apparence tout sauf soyeuse comme c'est sensé être le cas.

Il y a dans cet épisode une impression de laisser-aller, de bâclé. Pas un épisode pour rien, mais trop morcelé, frustrant. Je choisis d'y voir un faux pas. J'espère que la suite me donnera raison.

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