samedi 21 août 2021

NIGHTWING #83, de Tom Taylor et Bruno Redondo


Ce quatre-vingt-troisième numéro de Nightwing marque la fin du premier arc sur la série par Tom Taylor et Bruno Redondo. Comme tous les Bat-titles, le mois prochain, Dick Grayson sera emporté par la tourmente Fear State. Comme pour Catwoman, les deux auteurs soignent leur sortie tout en laissant la porte ouverte à des développements accrocheurs. En tout cas, cette reprise du titre est une réussite qui fait plaisir à lire.


Blockbuster et les forces de police de Blüdhaven à sa porte, Melinda Zucco livre une dernière révélation à Dick Grayson en lui expliquant qu'elle est une agent du FBI infiltrée pour faire tomber ceux qui contrôlent le grand banditisme en ville.
 

Nightwing attire Blockbuster sur le toit de l'immeuble où réside Melinda qu'il a ligotée pour ne pas griller sa couverture. Sachant qu'il ne pourra fronter son adversaire dans son état, Nightwing lui fausse compagnie en neutralisant un hélico de la police qui lui tire dessus.


Après deux jours de repos (durant lesquels Red Robin a veillé sur la ville à sa place), Dick Grayson consulte le Dr. Leslie Thompkins, les Titans, Lucius Fox et enfin Superman pour avoir leur avis et leur soutien pour le grand projet qu'il a imaginé pour Blüdhaven.
 

Puis il organise une conférence de presse au cours de laquelle il expose le programme de réhabilitation qu'il va financer avec la fortune léguée par Alfred Pennyworth. Parmi ceux qui le regardent à la télé, le tueur Heartless entend bien l'empêcher de concrétiser ce plan...

Depuis six mois que Tom Taylor et Bruno Redondo ont repris en main Nightwing, c'est un un air frais qui souffle sur une série qui a connu bien des déboires depuis l'ère Rebirth chez DC. Mais désormais, tout cela paraît loi, effacé, par la foi qu'ont les auteurs dans ce personnage, pour lequel ils ont encore beaucoup à raconter.

Je crois vraiment au lien entre les auteurs et les personnages : il faut sinon leur témoigner du respect, en tout cas avoir quelque chose à dire à leur sujet pour accomplir quelque chose de beau et de grand. C'est un rendez-vous quasiment amoureux où on mesure la sincérité d'un narrateur. Quand l'étincelle jaillit, le lecteur la reconnaît, et c'est ce qui s'est passé avec Nightwing, Tom Taylor et Bruno Redondo.

Le scénariste aurait pu choisir n'importe quel héros vu le succès qu'il rencontre chez DC (notamment grâce à son adaptation du jeu vidéo Injustice et les "Elseworlds" DCeased). Mais il jeté son dévoulu sur Dick Grayson car il croyait vraiment qu'il s'agissait d'un personnage essentiel, aussi important que Superman, Batman Wonder Woman. Sa longévité parle pour lui, mais ça ne fait pas tout.

J'ai souvent pensé en lisant ce premier arc au Daredevil de Mark Waid avec Paolo Rivera puis Chris Samnee parce qu'il y a là le même esprit bondissant, cette volonté de conjuguer le divertissement à quelque chose d'intelligent. Nightwing n'est pas un héros hanté comme Daredevil, il n'a pas ce rapport obsessionnel à la religion, il a traversé des épreuves néanmoins, parfois au niveau éditorial il a failli passer à la trappe (Dan Didio ne l'aimait pas et insistait pour le tuer à chaque event, pour provoquer un choc dans la franchise Batman).

Mais déjà, lors des New 52, où durant l'event Forever Evil, quand il a été donné pour mort aux yeux du monde, Tom King et Tim Seeley avec Mikel Janin avaient su réinventer le personnage en super-espion dans la série Grayson. Lors du reboot de Rebirth, malgré la présence de Seeley, le retour de Dick en Nightwing a manqué de pep's, puis a complètement sombré à la suite d'une péripétie dramatique dans le Batman de Tom King.

Il aura donc fallu Tom Taylor pour sauver le soldat Grayson, en lui rendant son panache, son entrain, en le basant à Blüdhaven, avec une héritage (spirituel et financier), une mission. Cette mission, on en découvre la teneur dans cet épisode et elle donne au héros une dimension sociale, politique même inattendue mais bienvenue. D'un coup, il ne s'agit plus d'un justicier en costume mais d'un justicier tout court, avec un plan à long terme. Les défis qui l'attendent son nombreux mais Taylor, là encore, ressemble à Mark Waid sur Daredevil : il dispose ses pions avec application, des pions qui ressemblent à ceux qu'on trouve dans DD (Blockbuster en avatar du Caïd, Heartless en potentiel néo-Bullesye, Barbara Gordon dans le rôle de la girlfriend fûtée comme le fut Kirsten McDuffie).

Et tout ça est exécuté avec une impeccable élégance car Bruno Redondo aussi évoque les artistes du Daredevil de Waid, avec son trait clair, comme Paolo Rivera, et son dynamisme, comme Chris Samnee. Sur ce point aussi, je crois à la connection qui s'établit naturellement entre un artiste et un personnage, comme s'ils étaient destinés l'un à l'autre. Et Redondo était fait pour Nightwing.

Regardez simplement la couverture de ce numéro : c'est une merveille. La composition avec le découpage des mouvements, l'énergie qui s'en dégage, le phylactère qui annonce le discours final de Dick Grayson dans l'épisode, tout ça ne doit rien au hasard, c'est le travail d'un dessinateur qui a cerné le propos de l'histoire et la personnalité du héros,

Mais les pages intérieures ne sont pas en reste. La manière dont Redondo met en scène l'action, les acrobaties est un régal permanent, il joue avec le flux de lecture, la distribution des plans, leur enchaînement, c'est d'une fluidité remarquable. Il signe des doubles pages fournies et toujours à bon escient. Il aime les plans larges mais sans oublier de soigner les décors, et l'expressivité des personnages est toujours juste. Et Adriano Lucas colorise cela avec une palette à la fois identifiable, nuancée et précise.

On pourra tout au plus chipoter que ce premier arc n'a fait "que" mettre en place ce dont Taylor a besoin pour l'avenir. Mais cette phase d'exposition est si bien ouvragé qu'on serait mesquin de la critiquer. Redondo va avoir le temps de souffler puisqu'il ne dessinera que les couvertures des n° tie-in à Fear State - dont je ne sais pas encore si je les lirai. Mais le futur s'annonce radieux et palpitant pour Nightwing, peut-être plus qu'il ne l'a jamais été auparavant.

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