jeudi 29 octobre 2020

X OF SWORDS, CHAPTER 11 : STASIS #1, de Jonathan Hickman, Tini Howard, Pepe Larraz et Mahmud Asrar

 

Comme l'a annoncé l'editor Jordan White, X of Swords : Stasis est un turning point, un épisode qui marque un basculement dans cette saga. Les dix épisodes précédents nous ont présentés les enjeux du crossover et les champions de Krakoa (même s'il en manque un). Ce nouveau chapitre nous introduit aux champions d'Arakko dans un format long (une quarantaine de pages), avec à la clé un coup de théâtre final (un peu convenu toutefois). Jonathan Hickman refait équipe avec Tini Howard au scénario et Pepe Larraz avec Mahmud Asrar au dessin.


Saturnyne convoque les représentants de royaumes de l'Outremonde en session extraordinaire. A l'ordre du jour : le droit de passage à accorder entre les divers territoires. Une majorité vote contre, et certains sont déjà passés outre, comme Arrako qui a conquis Dryador.


Pour règler cette question, Saturnyne a donc organisé le tournoi entre les champions d'Arakko et de Krakoa, les premiers voulant étendre leur empire jusqu'à la Terre. Jamie Braddock, installé par Apocalypse sur le trône d'Avalon, annonce l'arrivée des Krakoans.


Les quatre cavaliers d'Apocalypse, qui ont rompu avec leur père, et l'Invocateur visitent plusieurs combattants dans les provinces d'Arakko pour les convaincre d'affronter les champions de Krakoa. Ils obtiennent des récompenses au terme du tournoi pour certains.


Les neuf champions de Krakoa débarquent dans l'Outremonde, au sein de la citadelle de Saturnyne. Celle-ci les accueille et les invite à rejoindre leur chambre individuelle en attendant de rencontrer leurs challengers. Chacun reçoit une carte de tarot siggérant leur destin dans ce tournoi.


Ces cartes provoquent des réactions variées. Mais Apocalypse est troublé par ce qu'il voit et va réclamer des comptes à Saturnyne. Il la suit à son dernier rendez-vous de la journée, auprès d'Annihilation, leader d'Arakko, qui révèle à Apocalypse sa véritable identité...

Je vais me répéter mais ce qui m'épate le plus depuis le début de cette saga, c'est sa lisibilité. Avec un casting aussi fourni, une mythologie établie aussi dense, on pouvait penser que le déroulement de l'histoire serait complexe. Or, c'est exactement l'inverse qui s'est produit, à commencer par l'enjeu du récit : un tournoi qui doit décider du destin de Krakoa convoîté par les survivants d'Arakko.

Nous avons pu lire jusqu'à présent dix épisodes, précédés de deux prologues, qui ont permis de présenter les champions désignés par Saturnyne, la maîtresse de l'Outremonde où se déroulera le tournoi, via une prophétie cryptée. Les différents scénaristes ont déployé des trésors d'ingéniosité pour proposer neuf combattants mutants (dont un non-mutant) relativement surprenants, mais surtout animés par des motivatiosn diverses. S'il y a parmi ces élus, des personnages convenus (comme Wolverine, Magik, Cable), d'autres sont vraiment surprenants (Cypher, Tornade), et d'autres encore n'ont accepté le défi que poussés dans leurs retranchements (Captain Britain). L'un dans l'autre, on est quand même agréablement cueillis par le déroulement de cette première partie : si tout n'est pas parfait, d'un point de vue scénaristique ou visuel, l'ensemble tient bien la route et déjoue quelques attentes.

On peut légitimement questionner la méthode à l'eouvre dans ce Stasis qui répéte ce procédé (présentation de champions de Arakko) mais en "seulement" une quarantaine de pages. De fait, ces personnages sont plus sommairement introduits et le principe conducteur semble d'avoir surtout misé sur l'impact visuel plutôt que sur le profil psychologique. 

Mais aurait-on gagné quelque chose à développer une nouvelle dizaine d'épisodes pour présenter ces Arakki ? Pas sûr. En procédant de la manière choisie par Jonathan Hickman et Tini Howard, on peut penser, raisonnablement, qu'ils ont voulu conserver un certain mystère sur les adversaires des mutants de Krakoa. Trop en dire à leur sujet, ç'aurait été exposer leurs faiblesses, et donc dévoiler au lecteur comment les X-Men allaient sûrement les vaincre. A l'exception notable de Solem, qui a eu droit à une exposition conséquente dans Wolverine #6 (X of Swords, chap. 3) et X-Force #13 (X of Swords, chap. 4), on ignore bien les points faibles (tout comme les points forts d'ailleurs) des méchants de l'histoire. Et ça, ma foi, je trouve que c'est malin.

L'autre bon point, ç'aurait été, de la part de Marvel, de garder intact le sort de plusieurs X-Men engagés dans le tournoi. Hélas ! l'éditeur n'a jamais brillé par son intelligence tactique et on sait donc déjà, en consultant les solicitations de Décembre et Janvier, que certains mutants de Krakoa survivront déjà. Dommage car ça tue complètement le suspense de leurs duels à venir (alors qu'il aurait si simple de publier des couvertures "redacted" noires).

Mais au-delà de ces considérations éditoriales et narratives, que faut-il retenir de Stasis ? L'épisode se découpe en trois temps : d'abord Saturnyne convoque les représentants des royaumes de l'Outremonde pour réglementer les droits de passage de l'un à l'autre. Un vote négatif sanctionne la question, de manière logique quand on sait que Arakko a conquis Dryador et veut obtenir de traverser le territoire de Saturnyne pour s'emparer de Krakoa. Mais la reine de l'Outremonde a organisé un tournoi pour décider de ce projet. Jamie Braddock, installé par Apocalypse (et l'équipe d'Excalibur) sur le trône d'Avalon, annonce l'arrivée des champions mutants. Et Apocalypse, avec son épée Scarab, ouvre un portail pour accéder à l'Outremonde, après avoir prévenu ses alliés des risques qu'ils encourent dans cette dimension parallèle et de l'enjeu du tournoi.

Ensuite, il y a le coeur de l'épisode : la présentation des champions d'Arakko. Jordan White a raconté en interview que leur création s'était faite de manière très spontanée, avec Pepe Larraz pour visualiser les idées des scénaristes. Ainsi le spectaculaire Pogg Ur-Pogg, géant à quatre bras et à la tête de crocodile, où il a été demandé au dessinateur d'imaginer un monstre impressionnant, matérialisé en quelques minutes lors d'une réunion. D'autres Arakki avaient été montrés dans des épisodes de X-Men, comme L'Epée Blanche, Solem, Isca l'imbattable, l'Invocateur, Mort, Guerre ou Annihilation. Mais les nouveaux à apparaître dans cet épisode marquent immédiatement les esprits : j'ai été, pour ma part, saisi par Redroot la forêt ou Bei la lune de sang, dont les designs sont excellents. Et les motivations parfaitement décrites dans des scènes intenses aux dialogues inspirées (mention pour Redroot).

Ce qui frappe surtout, c'esst qu'on a affaire à de vrais adversaires, très impressionnants, qui devraient donner du fil à retordre aux héros. Ce ne sont pas de simples vilains spectaculaires, pour faire le nombre ou en mettre plein la vue avant de se faire trucider. Il est certain qu'il va y avoir des morts des deux côtés (et je mise déjà sur quatre X-Men susceptibles d'être vaincus et supprimés, ce qui serait déjà conséquent).

Enfin, la dernière partie voit l'arrivée des X-Men dans la citadelle de Saturnyne. En quelques pages rapides et puissantes, Hickman et Howard établissent une ambiance tendue, entretenue par Saturnyne (la marionnettiste de ce théâtre mais qui ne maîtrise cepandant pas complètement les belligérants qu'elle a dressés les uns contre les autres - c'est le sens de la phrase placée en exergue de l'épisode). Son mépris envers Captain Britain, son dédain face à Wolverine, sa malice à l'adresse d'Apocalypse sont des moments savoureux. La scène où chacun trouve une carte de tarot dans sa chambre va donner matière à phosphorer sur le destin de chacun, surtout quand on associe ces vignettes à l'interprétation de ces cartes par la mutante Tarot (qui indique que le titre des cartes n'a pas qu'un seul sens).

Et puis il y a le coup de théâtre final, avec la révélation de la véritable identité de Annihilation. J'ai, je dois le dire, trouvé ce rebondissement assez convenu. En effet, comme j'ai toujours pensé que l'Invocateur ne disait pas toute la vérité quand il avait évoqué la chute d'Arakko (dans X-Men #12), je m'attendais à ce qui a été en somme confirmé par la dernière page de Stasis. Toutefois, je me demande à présent comment celle qui se cache le masque de Annihilation va jouer sa partition dans la suite de X of Swords. Et puis reste un vrai mystère en suspens : qui sera le dixième épéiste au service de Krakoa (pour l'instant, ils ne sont que neuf) ? Faîtes vos jeux !

Visuellement, ce numéro est une nouvelle fois superbe. Pepe Larraz dessine la deuxième et troisième partie de l'épisode et il produit des planches splendides, parcourues par un souffle épique, une intensité jubilatoire. Les premières pages qui nous emmènent dans les royaumes de l'Outremonde donnent une idée très significative de l'imagination débordante de l'artiste pour varier les décors et donner à voir des environnements inattendus, avec des personnages étranges et majestueux. La manière dont il représente Saturnyne est un modèle du genre : si on peut se plaindre qu'elle ressemble beaucoup à Emma Frost (la blonde glaciale et dominatrice), il lui confère une allure supérieure qui traduit sa puissance et son arrogance.

Les scènes à Arakko et le recrutement des champions du camp adverse sont elles animées par Mahmud Asrar. Après avoir succédé à Leinil Yu sur X-Men, il a à nouveau la lourde charge de suivre Larraz et il le fait avec succès. Il s'empare de personnages qu'il n'a pas designés avec aisance et compose des images fortes, variées, qui transcende un exercice classique en vrai morceau de bravoure. Son trait expressif sert à merveille les sentiments qui agissent les Arakki, dont on comprend qu'ils ne sont pas tous là pour défendre leur nation mais pour des intérêts plus personnels, égoïstes.

Enfin, Larraz revient pour conclure l'épisode et prouve, si besoin était, que quand il tient les manettes, le récit prend instantanément une ampleur indéniable. L'arrivée des X-Men, la nervosité qui traverse leurs rangs, l'accueil que leur réserve Saturnyne, tout cela est admirablement découpé. Mais le meilleur est à venir quand on lit les saynètes où chacun trouve la carte de tarot sur son lit, leurs réactions (drôles ou graves). Et puis le dialogue entre Apocalypse et Saturnyne est un pur régal, plein de sous-entendus, avec un découpage extraordinaire (notamment lorsque l'ascenseur de Saturnyne descend dans les fondations de sa citadelle pour rejoindre Annihilation).

Sans préjuger de ce qui va se dérouler dans les onze prochains épisodes, on peut déjà dire que l'Acte I de X of Swords aura été une grande réussite. Ce crossover démesuré a quelque chose d'assez incroyable de maîtrise. Après la déception de l'event Empyre, c'est une source de satisfaction. Et à l'heure du reconfinement, c'est un divertisssement bienvenu.

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