mercredi 21 octobre 2020

CATWOMAN #26, de Ram V et Fernando Blanco

 

La reprise en main de Catwoman par Ram V est décidément spectaculaire. Ce scénariste réussit en deux épisodes à peine à renouer avec ce que je préfère : du rythme, du charme, des personnages forts, une intrigue solide, une ambiance polar. C'est un pur régal que les dessins de Fernando Blanco servent à merveille. Sans aucun doute un des meilleurs comics actuels, surtout chez DC.

Doublé par Catwoman, le Pingouin veut sa revanche et même plus que ça : il engage donc le Père Vallée, un tueur à gages pour supprimer la voleuse. Cependant, la féline fatale patrouille dans Alleytown pour reconnaître son territoire avant de retrouver Leandro, son informateur.



Celui la renseigne sur le grand banditisme du quartier. D'un côté, Khadym, de l'autre Vilos Nahigian ; deux dealers. Nahigian est en affaires avec Trish "Pit" Rollins, qui trafique des armes, et bénéficie de la protection de Rich Kollak, un flic corrompu. Catwoman décide d'attaquer Nahigian.


L'agent Hadley, fraîchement muté depuis Villa Hermosa à Gotham, arrive dans un garage où la police a été appelée après un affrontement. Catwoman y a laissé des traces. Mais Hadley apprend par un contact au FBI que le Père Vallée est en ville, sans savoir quelle est sa cible.


Catwoman rencontre "Pit" Rollins et lui propose de s'allier contre Nahigian. Pour cela, la voleuse compte subtiliser sa drogue qu'il réceptionne dans les docks. Rollins attend d'avoir la drogue pour accepter d'aider Catwoman.


Mais, évidemment, comme le pense Leandro, Rollins appelle aussitôt Nahigian après le départ de  Catwoman. Elle avait prévu cela. Mais elle ignore encore que le Père Vallée sait où elle habite avec sa soeur Maggie...

Je n'ai que du bien à dire de ce deuxième épisode écrit par Ram V. Cet auteur a tout compris à la série et à son héroïne. Il avait déclaré en interview, avant la sortie du #25 que son modèle était le run de Ed Brubaker (avec Darwyn Cooke puis Cameron Stewart) et il faut reconnaître qu'il s'inscrit parfaitement dans les pas de ces illustres devanciers.

J'avais trouvé un peu dommage que cette reprise démarre avec un récit attaché à l'arc Joker War de Batman. Mais Ram V a été malin, d'abord en rendant cette référence compréhensible, même pour ceux qui ne suivent plus la série désormais dirigée par James Tynion IV, et ensuite en exploitant ce qu'il a installé pour une intrigue désormais indépendante (quand bien même la couverture de l'épisode affirme qu'il s'agit d'une histoire explorant les "dommages collatéraux" de la guerre du Joker).

La prouesse est d'autant plus éblouissante que, dans ce #26, Ram V bombarde le lecteur d'informations en les rendant parfaitement claires. Catwoman s'est donc à nouveau installée dans le quartier malfamé de Alleytown et elle prétend y servir de guide à des jeunes sans repères. Mais son absence ne lui permet d'appréhender seule et vite ce territoire et elle s'en remet à Leandro pour l'affranchir.

Le lecteur est donc dans la même situation que Catwoman : il doit s'informer et absorber plusieurs éléments pour s'y retrouver. On découvre donc les noms et positions des gangsters de Alleytown. Une double page suffit à Ram V et Fernando Blanco pour cartographier les forces en présence. Un art de la synthèse assez remarquable pour être noté.

Parfois ce qui m'agace dans les séries sur les héros en solo, c'est un supporting cast un peu envahissant, comme si la vedette du titre n'était pas suffisante. Je ne parle pas des adversaires qui pimentent ses aventures mais de figures périphériques qui prennent trop de place. Ce défaut, par exemple, est visible chez Kelly Thompson, qui profite trop souvent de ses séries pour caser des seconds rôles qu'elle apprécie et de fait transformer sa BD en team-book qui ne dit pas son nom comme dans Captain Marvel.

Sur ce point, Ram V est très rigoureux et pourtant il y a du monde à table. Le cas du détective Hadley, reliquat du run de Joelle Jones, est éloquent. Le scénariste ne s'en est pas débarrassé mais il l'a installé de manière intelligente dans son propos, tiraillé entre une évidente attirance pour Catwoman et son devoir de flic nouvellement muté à Gotham : de fait, il enquête tout de suite sur une affaire en relation avec Selina Kyle. Leandro, l'indic de Catwoman est aussi judicieusement employé. Et Maggie Kyle n'est pas oubliée, même si encore discrète. Le Père Vallée, ce tueur engagé par le Pingouin, présente un profil singulier (il ne porte pas de costume de super-vilain) mais suffisamment inquiétant pour qu'on croit à la menace qu'il incarne.

Visuellement aussi, Catwoman est à la fête avec Fernando Blanco. Cet artiste connaît son affaire et anime le récit avec brio. Son découpage est varié dans ses effets et sobre à la fois, il enchaîne sans difficulté des planches classiques et ponctue l'épisode de doubles pages somptueuses, avec un nombre abondant de vignettes superbement composées.

Assumant dessin et encrage, Blanco impose un trait un peu gras qui a pour conséquence d'économiser les détails. Ce qui ne signifie pas qu'il va trop vite sur les décors et les ambiances. Chaque lieu est facilement identifiable et suffisamment orné pour qu'on apprécie l'effort du dessinateur. La manière dont, par exemple, il représente le cabaret de "Pit" Rollins est un modèle du genre : comme Blanco sait que son "morceau de bravoure" se situe dans un flashback plein d'action avec Catwoman au premier plan, il doit mettre à profit le nombre de pages qui lui reste pour que le lecteur cerne cet endroit de façon rapide et mémorable. Un bout de scène, un coin de salon suffisent alors à cet artiste accompli pour nous familiariser avec ce cabaret où on remettra certainement les pieds sans être dépaysé.

Il est certain que la façon dont Blanco s'empare de Catwoman rappelle Darwyn Cooke (par le dynamisme de la mise en scène) et Cameron Stewart (pour ce mélange de féminité et d'agressivité), mais il s'approprie le personnage, son cadre, sans que la comparaison ne lui soit défavorable. C'est le meilleur des mondes, qui évoque de bons souvenirs tout en ayant sa propre personnalité.

Il y a quelque chose d'épatant à voir tout ça tenir en une vingtaine de pages. La qualité du scénario et des dessins est indéniable, mais c'est surtout la compréhension du titre, de ses fondamentaux qui réussissent à subjuguer. Cela, seuls des auteurs intelligents et talentueux y parviennent en s'investissant dans une série qu'ils ne traitent pas comme un job provisoire, une vulgaire commande. 

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