jeudi 6 février 2020

DAREDEVIL #17, de Chip Zdarsky et Jorge Fornes


L'arc "Trough Hell se poursuit avec ce septième chapitre - une longueur étonnante pour une série qui, depuis sa relance par Chip Zdarsky, nous a habitués à plus de concision. Et cela se sent : Daredevil traîne un peu les pieds avec ce dix-septième épisode mi-figue, mi-raisin. Y compris visuellement parce que Jorge Fornes a du mal à se démarquer de ses influences...


Après avoir, avec Elektra, détourné de l'argent des Stromwyns, Matt va à la rencontre de la mère de Joey et Leo Cassara. Elle sait qu'il a, en tant que Daredevil, tué son fils aîné, mais lui pardonne car il s'en repent sincèrement et que son rejeton était un mauvais garçon irrécupérable.


Cependant, Hammerhead continue de faire le ménage dans Hell's Kitchen en terrorisant tous ceux susceptibles de s'allier avec le Hibou. Ses méthodes déplaisent à Izzy Libris qui a acheté ses hommes et se venge en l'abattant. Wilson Fisk se remet de son côté, chez lui, loin du chaos.


Lorsque Foggy Nelson apprend par quel moyen Matt a reversé l'argent à des oeuvres caritatives du quartier, il le congédie en lui reprochant d'avoir troqué son masque de justicier pour celui de voleur. Matt décide alors de rompre avec tous ses proches, afin de les préserver des conséquences de ses actes.


Il lui faut approcher directement les Stromwyns pour connaître leur plan au sujet de Hell's Kitchen et s'invite à un bal masqué qu'ils organisent. Ils nient toute implication dans l'inaction de la police et la guerre des gangs.


Matt échappe aux gardes des Stromwyns qui quittent la soirée en décidant de recruter un professionnel pour éliminer Daredevil : Bullseye. Matt, lui, reçoit un appel de Mindy Libris : sa fille, Belle, a été enlevée par le Hibou.

Ce que raconte Chip Zdarsky depuis le début de cet arc à rallonge est loin d'être inintéressant : l'ambition de son récit est réelle et rebat les cartes de la série de manière accrocheuse. On y observe Daredevil/Matt Murdock en train de modifier totalement ses méthodes pour être plus efficace contre des ennemis très puissants (les jumeaux Stromwyns), qui opèrent loin des ruelles.

Mais prétendre qu'on ne trouve pas le temps un peu long serait mentir. d'abord parce que, tout simplement, voici douze épisodes qu'on n'a plus vu Daredevil. C'est là une chose vraiment curieuse et culottée que de proposer une série sans le héros qui lui donne son nom. Zdarsky a été intelligent pour justifier la retraite du justicier tel qu'on le connait. Mais le fan espère quand même le retour du diable rouge et on ne voit plus trop ce qui l'en empêche dès lors que Matt a enfilé un autre masque, repris ses activités clandestines, quand bien même sous d'autres couleurs et sans utiliser son alias.

C'est d'autant plus frustrant que, si à l'origine de la retraite de Daredevil, il y avait la menace, émise par Spider-Man, que si Matt ne cessait pas sa double vie, la communauté super-héroïque se liguerait contre lui pour le livrer aux autorités (à cause de la mort, quand bien même accidentelle, de Leo Cassaro), depuis ce point a été escamoté. On ne saurait croire que Spider-Man ou d'autres ignorent que cet acrobate vêtu de noir et vu en compagnie d'Elektra est Daredevil. Suffit-il de changer de look pour être laisser en paix ? Zdarsky ne répond pas à cette question et entretient un doute qui joue contre son entreprise.

Enfin, l'épisode précédent se terminait sur un fait surprenant : Elektra se rappelait à nouveau que Matt était Daredevil (une info effacée des mémoires de tous grâce à l'Homme Pourpre durant le run de Charles Soule pour annuler l'outing officialisé du héros durant le run de Mark Waid). Comment est-ce possible ? On aurait aimé là aussi une réponse dans ce numéro mais Zdarsky n'en fait rien et remet à plus tard.

Tel quel, le bilan n'est pas fameux, mais pourtant je ne veux pas donner l'impression que c'est un ratage. Zdarsky aligne plusieurs scènes brèves et intenses comme pour préparer quelque chose : d'abord Matt visite plusieurs personnes qui réagissent diversement à ses actions (la mère des frères Cassaro, Foggy Nelson, Soeur Elizabeth), ensuite la partie concernant la guerre des gangs de Hell's Kitchen connaît des rebondissements (exécution de Hammerhead, enlèvement de la fille de Mindy Libris), enfin il y a la rencontre directe entre Matt et les Stromwyns.

Il paraît clair qu'on s'achemine vers un affrontement imminent entre Matt et le Hibou, cependant que les Stromwyns décident de se débarrasser du justicier (moins pour sa capacité de nuisance que pour lancer un avertissement, comme ils l'ont fait en infligeant une correction à Wilson Fisk). Sur ce dernier point, l'évocation du retour de Bullseye me laisse perplexe vu que la dernière fois qu'on l'a vu dans la série, il était dans un sale état. Et puis bon, Bullseye, c'est comme les Dalton dans Lucky Luke, je préfère quand on le voit avec parcimonie. Elektra, Bullseye, Daredevil, tout ça renvoie à Miller, une référence assumée par Zdarsky, mais un gros risque pour prétendre égaler des épisodes entrées dans les annales des comics. On verra.

L'épisode est de nouveau dessiné par Jorge Fornes et c'est l'autre raison pour laquelle je suis réservé sur ce numéro. J'aime bien cet artiste et je préfère que ce soit lui qui joue les suppléants à Checchetto qu'un autre. Mais il n'empêche qu'il est impossible de lire ses planches sans constamment avoir en tête les dessinateurs qui l'inspirent, en l'occurrence David Mazzucchelli et aussi, cette fois, David Aja.

Le souci, c'est que Fornes n'est ni Mazz' ni Aja, quand bien même il copie le trait du premier à l'époque de Born Again et les découpages du second dans Hawkeye (c'est flagrant dans la scène où les sbires du Hibou se présentent devant les époux Libris pour enlever leur fille). Etudier les maîtres est toujours enrichissant mais encore faut-il les digérer ensuite pour faire exister son propre style et cela, Fornes ne semble pas en mesure de l'accomplir.

C'est un élève appliqué, à la limite du plagiaire, ce qui installe une distance préjudiciable entre le lecteur et l'objet de sa lecture. On voit peu Fornes, mais trop ceux qu'ils imitent. Alors ça reste agréable car mieux vaut lire quelque chose qui veut approcher Mazzucchelli et Aja que Rob Liefeld, mais ça parasite trop la lecture pour y voir autre chose que de la reproduction.

Tout ça me laisse donc un sentiment très mitigé. Je pense que Zdarsky a le ressort nécessaire pour rebondir et à terme vraiment relancer Daredevil avec le retour de DD dans son mensuel. En revanche, il ne faudrait pas trop tarder. Et compter sur Marco Checchetto pour l'illustrer.

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