jeudi 7 novembre 2019

BATMAN UNIVERSE #5, de Brian Michael Bendis et Nick Derington


Bon sang que cette mini-série est jubilatoire ! C'est sans aucun doute ce que Brian Michael Bendis a écrit de mieux depuis son arrivée chez DC (même s'il ne démérite pas sur Superman), comme si le format l'inspirait. Ce pénultième épisode est de plus formidablement dessiné par Nick Derington dont la complicité avec le scénariste saute aux yeux. Epatant !

Laissé pour mort dans Crime Alley par Vandal Savage, Bruce Wayne est retrouvé par Alfred Pennyworth qui le conduit à la Batcave pour l'examiner. Sans séquelle apparente de son voyage au temps du far west, le dark knight se remet aussitôt sur la piste de l'Oeuf volé.


Préalablement appelé à la rescousse par Alfre, Nightwing débarque et offre son aide à son mentor qui vient de localiser la signature de l'Oeuf au large des côtes de Gotham. Le "dynamic duo" se reforme pour aller le récupérer.


Abordant le navire de Savage, Batman et Nightwing affrontent les ninjas qui lui servent de sbires et atteignent la salle des commandes où l'immortel brandit l'oeuf fièrement sans mesurer le danger. Il propose même à Batman de choisir où il veut mourir.


Mais Batman a compris que l'Oeuf n'était qu'un récipient et qu'il renfermait une source d'énergie puissante et instable : en l'occurrence un anneau de Green Lantern blanc qu'il libère en prononçant le serment du Green Lantern Corps. Savage voit l'objet lui échapper, impuissant.


Mais ce rebondissement provoque l'arrivée sur place du GLC qui vient arrêter Batman pour détention illégale d'un anneau. Néanmoins il est incapable de le leur remettre car l'anneau protège son hôte. Et pour ce faire, le téléporte à l'intérieur de l'anneau !

Batman Universe offre le meilleur de ce que Brian Michael Bendis peut imaginer et rédiger, comme s'il était émulé par le format limité du projet (six épisodes de trente pages chacun, sans la contrainte de la continuité, même si l'histoire peut parfaitement y trouver sa place). C'est drôle, mouvementé, merveilleusement caractérisé et rythmé, avec un regard frais sur un personnage octogénaire.

Si l'inspiration de Bendis connaît un certain émoussement depuis quelques mois sur ses séries liées à Superman, sans doute parce qu'il écrit trop de titres parallèlement (Young Justice m'a déçu et j'attends de voir ce que va donner la relance de Legion of Super Heroes, en attendant le dénouement d'Event Leviathan), en revanche Batman Universe est le projet sur lequel il s'amuse le plus et, même s'il a juré qu'il n'écrirait jamais un mensuel consacré à chauve-souris, force est d'avouer que le personnage lui convient mieux que tous les autres.

Batman résume le mieux, en effet, ce que Bendis sait développer : le street-level hero qui peut être confronté à des menaces bigger than life, un supporting cast solide, des intrigues tortueuses mais centrées sur le personnage principal et son environnement. Tous ces aspects-là paraissent, ramenés à Superman, plus forcés, comme si Bendis cherchait à faire rentrer un cube dans un trou rond ou à normaliser le kryptonien - ses récits en témoignent car la série Superman est devenue finalement plus cohérente que Action Comics (parasitée il est vrai par Year onf the Villain).

La logique de Batman Universe est ludique, c'est un peu celle du "marabout-bout de ficelle", un événement conduit au suivant, avec une sorte de McGuffin (l'Oeuf de Fabergé et ce qu'il contient). Les seconds rôles qui agrémentent l'histoire permettent à Bendis d'explorer le DC Univers et aussi d'entraîner Batman dans des zones improbables (mais évoquant ses aventures délirantes du "Silver Age"). C'est encore le cas ici, avec Nightwing en guest-star et des péripéties qui s'enchaînent sans faiblir.

Bendis est aussi de cette génération de scénaristes dont les réussites dépendent de l'artiste qui le soutient. Ainsi, après Alex Maleev, Stuart Immonen, ou Ivan Reis, c'est avec Nick Derington qu'il a trouvé le compagnon idéal pour ce projet.

Pour résumer leur complicité, il suffit de s'en remettre à une double-page étincelante dans ce numéro (voir la troisième image ci-dessus). Pour la composer, le scénariste a suggéré au dessinateur un croisement entre Wes Anderson et le film Batman de 1966 (où il y avait aussi une bagarre dans un sous-marin), en conseillant à Derington d'y aller franchement. Et l'artiste produit deux pages parfaites, qui pourraient synthétiser tout l'esprit de la mini-série, quelque chose d'esthétiquement très élaboré et fun à la fois.

Derington a mis longtemps à percer (après avoir joué les artistes fantômes sur Catwoman période Ed Brubaker, dans l'ombre de Cameron Stewart et Rich Burchett), se distinguant en cover-artist (Mister Miracle de King et Gerads), mais c'est désormais quelqu'un arrivé à maturité, avec une vision acéré, un style unique, capable d'enchaîner les épisodes exigeants, avec un degré de finitions impressionnant. Si après ça DC ne lui confie pas un boulot régulier, c'est à désespérer.

Le cliffhanger de cet épisode promet un dénouement, le mois prochain, à la hauteur de tout ce qui a précédé. On quittera cette mini-série en regrettant qu'elle n'ait pas duré plus longtemps : c'est le signe de son succès.  

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