jeudi 27 septembre 2018

CAPTAIN AMERICA ANNUAL #1, de Tini Howard et Chris Sprouse avec Ron Lim


Je ne suis plus la série Captain America depuis la fin du run de Mark Waid, mais la parution de cet Annual #1 m'a convaincu de l'acquérir pour les dessins du trop rare Chris Sprouse. C'est l'occasion d'apprécier un récit détaché de l'intrigue en cours actuellement avec cette aventure qui replonge le lecteur dans la seconde guerre mondiale. Une époque chère à la scénariste Tini Howard.


Juillet 1944. Stutthof, Allemagne. Captain America et Bucky sont derrière les lignes ennemies et traversent de nuit une forêt. Des soldats les attaquent avec une grenade que Cap contre. Juste après son explosion, ils distinguent une femme décharnée, une mitraillette à la main. Mais elle s'enfuit quand elle voit qu'elle est repérée.


Captain America et Bucky la rattrapent et l'escortent jusqu'à une ferme en essuyant des tirs. A l'intérieur, ils sont présentés à celle qu'ils viennent de rencontrer, Marta Prybyzla, et ses deux compagnons d'infortune, Volya Sokolov et Iskra Czerniak. Volya a été persécuté pour son homosexualité et Marta a fait l'objet d'expérimentations dans le camp de concentration dont elle s'est échappée.


Captain America réfléchit à un moyen de les exfiltrer de cette zone dangereuse après qu'un sniper ait blessé Volya à la jambe. Il est décidé qu'ils partiront avant l'aube pour éviter les avions de la Luftwaffe. Iskra indique une tour d'où ils pourraient communiquer par radio avec les alliés pour des renforts.


Comme prévu, ils se mettent en route alors qu'il est encore nuit. Mais, dans la forêt, ils croisent une troupe de soldats allemands. Tandis que leurs trois compagnons vont se cacher, Bucky et Cap s'en débarrassent facilement. Puis ils gagnent la tour au sommet de laquelle ils grimpent et où Bucky active sa radio. Mais trois blindés les encerclent et le sturmhannführer Ernst Arbin pointent ses canons sur eux.
  

Heureusement, les renforts arrivent et anéantissent les tanks. D'un sous-marin sort "Dum-Dum" Duggan, membre des "Howling Commandos", qui prend en charge Volya, Iskra et Marta. Captain America et Bucky repartent eux en mission.

A la fin de cet épisode plus long qu'un numéro traditionnel (une trentaine de pages), la scénariste Tini Howard remercie Marvel de lui en avoir confié l'écriture (ne la connaissant pas, j'ignore son expérience dans ce domaine) et elle ajoute pourquoi cette histoire lui tenait à coeur.

Petite fille de déportés, elle tenait à rendre hommage à ceux qui périrent dans les camps en exaltant l'héroïsme des persécutés, juifs, homosexuels, etc. Dans ce cadre-là, Captain America était le véhicule idéale pour conjuguer le devoir de mémoire au divertissement.

Il est délicat alors de juger la valeur d'une telle production puisque critiquer la qualité du script pourrait sembler déplacé comparé au sujet. Pourtant, cela reste un travail de fiction, et il faut aller au-delà de ces pudeurs. Dès lors, sans manquer de respect à l'Histoire, on peut parler de l'histoire.

La rédaction d'un Annual autorise à se détacher de ce que la série consacrée au héros raconte au même moment. C'est une sorte d'exercice de style, même si parfois le scénariste peut l'associer à l'intrigue qu'il traite et en faire donc le prolongement exceptionnel. Ici, Howard a cependant choisi de se libérer et même de replonger dans le passé de Captain America, à son origine, avec un chapitre situé en 1944 en Allemagne.

Et il faut bien admettre que le résultat déçoit par son manque d'inventivité et d'émotion. Howard échoue à imaginer une histoire sortant des sentiers battus - Captain America et Bucky à la rescousse de trois échappés des camps de la mort - et suscitant notre empathie - les trois fugitifs sont des archétypes plus que des personnages (un homosexuel, une déportée ayant servi de cobaye). Ce qui suit leur rencontre n'est rien de plus qu'un périple nocturne, très bref, pour rallier une tour d'où ils pourront appeler des renforts, avec en route une brève bagarre contre des soldats et à la fin un sauvetage providentiel contre des tanks.

Tout cela manque de tension pour nous faire vibrer et tout parait trop artificiel pour réellement fonctionner. Il n'y a ni souffle ni personnalité dans ce récit, alors qu'il a quand même été voulu comme un témoignage. Ce n'est pas ennuyeux à lire, mais très quelconque. A vrai dire, les deux héros auraient pu se trouver à exfiltrer n'importe quel quidam dans cette région que ça n'aurait rien enlevé à la portée du message.

Quid du dessin ? Depuis son arrivée chez Marvel, Chris Sprouse a échoué à trouver vraiment sa place (ou l'éditeur à bien l'employer). Il a suppléé Brian Stelfreeze sur Black Panther, collaboré avec Jason Aaron sur une mini Thors durant Secret Wars (en étant à son tour aidé par Goran Sudzuka). Le co-créateur génial de Tom Strong (que DC n'a pas jugé utile de prévenir de son nouvel usage) n'a jamais eu droit à un titre régulier, il est un remplaçant de luxe.

La perspective de le voir dessiner Captain America était séduisante et il produit de belles planches, appuyé par son encreur attitré, Karl Story (et Scott Hanna). Mais Sprouse n'est visiblement pas inspiré par ce qu'on lui donne à illustrer. C'est un travail propre, sans bavures, soigné, mais qui ne lui permet pas de jouer avec le découpage, les enchaînements, les compositions (même s'il utilise les plongées/contre-plongées avec à propos). Dur de se passer d'un compère comme Alan Moore (ou même Peter Hogan) qui savait si bien exploiter les qualités de l'artiste.

Le temps de quelques pages (pour la scène où Cap et Bucky croisent une troupe de soldats dans la forêt en convoyant les trois fugitifs), Sprouse passe même la même à Ron Lim, dessinateur très moyen. Et la couverture, passable, semble témoigner du manque de motivation pour ce projet.

Les bonnes intentions ne suffisent pas à bien écrire, et un piètre script n'inspire jamais, même un excellent dessinateur. Cet Annual est une déception, une occasion manquée. Un gâchis. 

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