lundi 28 mai 2018

SKYWARD #2, de Joe Henderson et Lee Garbett


Skyward a été un de mes coups de coeur le mois dernier et j'étais curieux de voir si la série allait poursuivre sur ses excellentes bases. Or, non seulement le scénario de Joe Henderson continue de développer l'intrigue à toute vitesse mais Lee Garbett rivalise d'énergie pour la mettre en images.


Juste après que son père lui ait annoncé avoir trouvé un moyen de rétablir la gravité sur Terre vingt ans après sa disparition, Willa Fowler refuse de croire à ce miracle mais le croit devenu fou après avoir passé tout ce temps enfermé chez lui, à refuser de chercher un nouveau travail.


Au boulot, Willa raconte cet échange à une collègue qui lui reproche sa dureté : elle a bien connu Nathan Fowler et, comme lui, le "G-Day", elle a perdu beaucoup de ses proches. Mais la conversation entre les deux femmes est interrompue par l'apparition à la télé de Roger Barrow, ancien collègue du père de Willa, qui a fait fortune dans le commerce d'équipements onéreux pour lutter contre l'absence de gravité.


Willa décide alors de rencontrer cet homme d'affaires, pensant qu'il pourra aider son père à sortir de sa réclusion et à retravailler, même si sa collègue assure que Barrow n'est qu'un égoïste. Quoi qu'il en soit, pour l'atteindre, Willa devra accéder aux rues huppées de Chicago où il donne une réception en présence du Maire.
  

Une fois sur place toutefois, les videurs refusent de la laisser entrer mais elle se défend et, en rusant, avec l'aide d'Edison, Willa réussit à s'infiltrer dans la fête, munie de chaussures magnétisées. Il lui faut encore passer outre l'assistant de Barrow pour lui parler en se présentant comme la fille de Nate Fowler.


Barrow accepte de s'entretenir avec elle... Mais Willa ignore qu'elle vient de tomber dans un piège car l'affairiste recherche son père depuis vingt ans pour l'éliminer car il craint qu'il ne trouve un moyen de rétablir la gravité, et donc de ruiner son business !

Skyward s'est distingué par sa légèreté, non seulement vis-à-vis de la situation de départ (l'absence de gravité) mais aussi par l'énergie positive que dégage son héroïne. Et pourtant ce deuxième épisode s'ouvre par une scène glaçante qui ramène le lecteur à la réalité du postulat de l'histoire en montrant des corps et des véhicules flottant en orbite au-dessus de la Terre, attirés dans l'espace depuis le "G-Day". De quoi rappeler efficacement que dans le monde de la série, même si plus rien ne vous cloue au sol, il convient de garder les pieds sur Terre.

Cette piqûre de rappel place le lecteur dans une position distincte de celle de Willa, qui ignore (préfère ignorer) ce fait, et s'étend à la suite du récit où on a souvent un peu d'avance sur elle, pressentant les ennuis dans lesquels elle plonge.

Image Comics a eu la bonne idée d'ajouter aux vingt pages de l'épisode une petite interview des auteurs, ce qui nous permet de les connaître mieux (et au passage d'apprécier que le monde est petit...). Joe Henderson fait ses premiers pas dans les comics mais il n'est pourtant pas étranger à ce média puisqu'il fut le showrunner de la série Lucifer (sur la Fox)... Précisément adaptée de la bande dessinée éponyme écrite par Holly Black et dessinée par... Lee Garbett. Le néo-scénariste a "pitché" son histoire à Image Comics puis téléphoné au dessinateur en lui demandant d'abord s'il connaîtrait un artiste intéressé pour la réaliser. Mais Garbett a été séduit par le projet et, parvenu à la fin de sa prestation sur Lucifer, a décidé de se lancer dans cette aventure en creator-owned.

L'expérience de Henderson à la télévision se ressent dans la manière dont il conduit ce nouvel épisode : après avoir le mois dernier les bases de son intrigue, il progresse d'un bond en soulignant la caractérisation de ses personnages - la relation difficile et douloureuse entre Willa et son père, sa complicité avec Edison - et en créant un rebondissement - l'apparition de Roger Barrow, dont le passé commun avec Nate Fowler est à la fois un espoir et une menace pour Willa.

Le scénario laisse intelligemment le lecteur opérer les déductions (pourquoi Barrow veut-il éliminer Nate ? Parce qu'il a fait fortune avec des équipements contre l'absence de gravité et qu'il craint que Fowler ne ruine cela en trouvant, comme il le prétend à sa fille, remédier à cette situation). S'il est toujours périlleux de donner de l'avance au lecteur car l'héroïne peut alors donner le sentiment d'être moins vive que nous, on accordera du temps à Henderson pour juger de la manière dont il gère l'avantage qu'il nous procure.

Lee Garbett et son coloriste Antonio Fabela (qui collaborent ensemble depuis Lucifer) ont établi, à l'évidence, la cohérence de l'univers de la série en amont car rien n'est laissé au hasard. Les planches conservent une tonicité grisante et on a droit à quelques moments efficacement évocateurs (comme la descente, digne d'un saut à l'élastique, dans les rues de Chicago). Justement, une bonne partie de l'action se déroule dans les quartiers huppés (qui sont aussi les bas quartiers de la ville ironiquement dans ce monde inversé) et tout y apparaît plus artificiel, avec les éclairages, les vêtements des personnages, par rapport à l'insouciance fataliste du haut de la cité.

En s'invitant dans la bourgeoisie de Chicago, Willa détone de manière comique (voir son entrée dans la réception, marchant de façon maladroite avec des chaussures magnétisées). Son enthousiasme, traduit par une expressivité habilement forcée par le trait vif de Garbett, tranche avec les mines patibulaires des physionomistes ou les mondanités convenues des invités. Il est évident qu'elle n'appartient pas à cette élite et cela est remarqué, ce qui introduit une menace perceptible par le lecteur avant même qu'on sache clairement les mauvaises intentions de Barrow vis-à-vis de Nate Fowler.

En seulement deux épisodes, Skyward nous aura introduit dans un contexte surprenant et captivant, avec des protagonistes bien campés, et une dose de suspense addictif. De quoi attendre la suite avec confiance.

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