dimanche 20 mai 2018

KICK-ASS #4, de Mark Millar et John Romita Jr.


Si certains, comme je l'ai lu (et y ai répondu), croient encore que cette nouvelle version de Kick-Ass n'est qu'une reproduction paresseuse de la précédente, cet épisode achèvera de les corriger. Tout en comblant les fans du concept, car c'est bien de cela, en vérité, qu'il s'agit : Mark Millar et John Romita Jr. travaillent un concept - celui de la justice masquée dans un contexte où la violence et le crime semblent pourtant déjà avoir gagné. Alors, ce mois-ci, les auteurs dynamitent tout ça et livrent un chapitre explosif.


Patience Lee est entre les mains de Violencia et sur le point d'être démasquée devant Hoops, le commanditaire du tueur, et Maurice, son beau-frère. Elle résiste en jetant ses dernières forces dans la bataille mais son adversaire, plus fort et vicieux, continue de la dominer.


Lorsqu'il lui offre d'épargner le policier passé à tabac contre sa vie, elle refuse, non par égoïsme, mais parce qu'elle ne pas pouvoir faire confiance au malfrat. En revanche, elle a repéré autour d'elle les moyens de s'enfuir : en chipant le briquet d'un de ses assaillants, elle met le feu à des ballons gonflés à l'hélium.


L'explosion qui s'ensuit déclenche un incendie et dans la confusion la plus totale, Patience et le policier blessé en profitent pour sortir du hangar où ils sont retenus en même temps que leurs geôliers. Elle vole une voiture et s'éloigne mais Violencia se jette sur le capot.


Violencia menace Patience avec un pistolet. Pour s'en débarrasser, elle fonce dans la vitrine d'une concession automobile. Elle laisse au policier le soin de l'appeler en appelant des renforts puis prend la poudre d'escampette.


Pour justifier ses blessures, elle raconte à ses parents avoir été victime d'un accident de la route, ayant détruit sa voiture. Sa soirée difficile fait réfléchir Patience aux risques qu'elle prend et les conséquences potentielles pour ses proches - d'autant que sa soeur Edwina appelle de l'hôpital où Maurice, gravement brûlé, a été admis. Hoops, lui, va contacter un certain Mr. Solo afin de se débarrasser définitivement de Kick-Ass, quitte à y mettre le prix fort.

C'est l'épisode de John Romita Jr. : il est indéniable que Mark Millar l'a écrit spécialement pour son acolyte dont il connaît la force pour animer les scènes d'action et les 3/4 du numéro en regorge. Le résultat est spectaculaire et rappelle à quel point le dessinateur, placé dans de bonnes conditions, est un artiste puissant, sans beaucoup d'équivalent actuel.

Chaque coup porté, chaque déflagration, chaque course-poursuite sont intensément communiqués graphiquement avec pourtant un découpage très simple. Peu de cases, pas d'angle de vue excentrique, mais une manière de diriger le regard du lecteur pour l'immerger complètement dans l'action, lui faire ressentir le point de vue de l'héroïne.

La scène d'ouverture où Violencia s'amuse sadiquement et brutalement à la fois avec Kick-Ass concentre l'art magistral de Romita Jr. dans cet exercice. Il enchaîne plusieurs cases qui occupent toute la largeur de la bande pour montrer le mouvement, les esquives du tueur puis les coups habilement portés pour faire mal à sa victime, prouver sa supériorité tactique et physique. Quand il revient à des vignettes au format plus réduit (deux par bandes), c'est pour pointer l'héroïne en position de faiblesse, en plongée, recroquevillée sur elle-même, à terre, en souffrance. Une sobriété imparable.

Puis il enchaîne avec une séquence remarquable : Kick-Ass trouve un moyen, simple et impressionnant, de s'échapper avec le flic tabassé par les malfrats, vole une voiture, et doit se débarrasser de Violencia qui s'y agrippe. Millar y ajoute une pointe d'humour, jubilatoire car le méchant morfle à son tour et parce que l'héroïne accomplit une manoeuvre habile. Toute la vitesse de ces pages est grisante.

Dans sa dernière partie, Millar fait retomber la tension accumulée. C'est l'heure de réfléchir à ce qui vient de se passer. Patience Lee trouve un moyen d'expliquer les blessures qu'elle porte mais surtout dresse le bilant de son action, maladroite, confuse, précaire, dangereuse. Malgré son expérience militaire, qui lui donne un avantage au combat, elle constate ses faiblesses tactiques et mesure les conséquences potentielles pour ses proches. Cette prise de conscience frappe la jeune femme comme le lecteur qui acte la fragilité de Patience, la chance de la débutante qu'elle a minimisée à tort après ses premiers succès faciles.

En concluant l'épisode sur l'état dramatique de Maurice et le plan de Hoops, les ennuis de Kick-Ass sont loin d'être clos. Si, comme c'est l'usage chez Millar (et comme dans les précédents tomes de la série), l'arc narratif compte six numéros, alors les deux prochains actes promettent un dénouement en forme d'apothéose.  

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