COMANCHE : ET LE DIABLE HURLA DE JOIE... est le 9ème tome de la série, écrit par Greg et dessiné par Hermann, publié en 1981 par les éditions Le Lombard.
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Red Dust est de retour à Greenstone Falls et y rencontre Addison De Vega, un assureur venu de Boston avec son partenaire, Pickford. Depuis quelque temps, des incendies, apparemment accidentels, détruisent des ranchs, comme dernièrement celui des McClure, et De Vega fait signer des contrats aux fermiers pour les couvrir.
Le ranch du "Triple-6" est à son tour victime des flammes et De Vega trouve à proximité une flèche d'indien Pawnee. Mais Red et Tâche-de-Lune sont persuadés qu'il s'agit d'un coup monté par l'assureur. La dispute ne va cependant pas plus loin car un nouveau feu se déclare chez des voisins.
Clem-cheveux-fous resté au "6-6-6" surprend alors une discussion compromettante entre De Vega et Pickford qui le neutralisent et prennent la fuite.
Red et Tâche-de-Lune se lancent à la poursuite des deux hommes et découvrent rapidement qu'un troisième larron est de la partie : il s'agit d'une vieille connaissance du cowboy, Doc Wetchin, ancien complice de Russ Dobbs (le criminel que tua Dust jadis)...
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COMANCHE : LE CORPS D'ALGERNON BROWN est le 10ème tome de la série, écrit par Greg et dessiné par Hermann, publié en 1983 par les éditions Le Lombard.
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Après 21 jours de pluie continus, les terres de Greenstone Falls sont dévastées et les troupeaux décimés. En constatant les dégâts lors d'une patrouille à cheval, Comanche, Ten-Gallons et Red Dust découvrent le cadavre d'un nommé Algernon Brown, noyé après avoir été abattu de deux balles.
Le hasard veut que le nouveau médecin de la ville, Averell Colby, venu saluer Comanche à son ranch, reconnaît le nom de la victime, qu'il décrit comme un tueur. Le successeur du shériff Wallace, Ken Willard, nomme Red à son poste le temps qu'il aille à Laramie, d'où venait Brown. Mais un mercenaire abat le policier avant qu'il soit arrivé sur place et que Red ait eu le temps d'éviter ce nouveau drame.
Bon gré mal gré, le cowboy retourne à Laramie, où il n'a pas que de bons souvenirs (c'est là qu'il tua Russ Dobbs), mais il y retrouve "Bombardier" Cavendish, le boxeur, qui lui prête main forte pour son enquête. Il va ainsi apprendre une vieille histoire concernant une famille de notables locaux, révélant une usurpation d'identité, une vengeance tardive, et impliquant le Dr Colby...
N'ayant pu emprunter le tome 8 (Les Shériffs), j'enchaîne donc avec les épisodes 9 et 10 de la série, qui sont aussi les derniers réalisés en commun par Greg au scénario et Hermann aux dessins. L'artiste abandonna le titre à cause d'un emploi du temps surchargé à l'époque : en effet, il illustra en parallèle jusqu'en 1978 Bernard Prince et depuis 1977, écrivait et mettait en images sa propre production, Jérémiah (dont il signa huit albums d'affilée jusqu'en 83, année où il quitta donc Comanche, soit 11 albums toutes séries confondues en 6 ans !).
En relisant ces deux dernières histoires, un détail m'a frappé, que je n'avais pas remarqué auparavant (mais ça faisait aussi longtemps que je n'avais pas rouvert ces livres) : Greg utilise deux éléments naturels contraires au coeur de ses intrigues, le feu dans Et le diable hurla de joie..., l'eau dans Le corps d'Algernon Brown.
Dans le tome 9, le scénariste renoue avec un exercice qu'il apprécie et maîtrise parfaitement en mélangeant les motifs du western et ceux de l'enquête policière : de prime abord, on a affaire à une escroquerie à l'assurance montée par Addison De Vega (qui, autre fait amusant, vient de Boston comme le photographe Dan Morgan dans Furie Rebelle : à croire que cette ville ne produit que des individus peu recommandables...). Mais c'est plus compliqué et Greg en profite pour relier son histoire à un personnage déjà employé auparavant, le fameux Doc Wetchin, inoubliable complice de l'infâme Russ Dobbs (dans le tome 4). Il sera encore question de la terrible tuerie de Laramie dans le tome suivant d'ailleurs.
Le suspense est très efficace et bien malin qui devinera qui est le véritable coupable avant la fin. Certes, le scénario aurait pu se dispenser de quelques rebondissements (comme lorsque Red Dust perd temporairement la vue), un peu capillotractés, mais la traque du héros et de son ami Tâche-de-Lune dans un périmètre finalement réduit et un laps de temps très court (comme souvent dans la série) est riche d'un suspense intense.
Dans le tome 10, après les incendies criminels ravageant les ranchs de Greenstone Falls, c'est une sorte de déluge qui s'est abattu sur la région et l'a dévasté. Cela ne procure pas seulement au début du récit un air post-apocalyptique aussi réaliste que dans le Jérémiah d'Hermann mais aussi le contexte pour une histoire de meurtre tordue à souhait.
Greg a d'ailleurs un peu chargé la mule car il est vite difficile de suivre les fausses pistes, les coups de théâtre et les retournements de situations d'un récit là encore mené comme un polar au far-west. Il semble surtout que tout cela serve parfois de prétexte pour autre chose : ramener Red Dust en un endroit aussi traumatisant pour lui que pour le lecteur, Laramie, où se dénoua la traque de Russ Dobbs (dans le tome 4, Le ciel est rouge sur Laramie). Hélas ! la comparaison ne joue pas en faveur de ce 10ème épisode, beaucoup moins intense, directe et violent. Ce qui faisait la force de la série, c'était la simplicité de ses récits, et Le corps d'Algernon Brown se perd au contraire dans une histoire de famille, de folie, de vendetta, dont la conclusion est expédiée.
Pour la dernière fois donc, Hermann dessine la série et livre des planches magnifiques, avec la mise en couleurs somptueuse de Fraymond (alias Raymond Fernandez).
Qu'il s'agisse de mettre en scène les incendies dans Et le diable hurla de joie..., avec de larges plans dans des camaïeux de rouge, orange et jaune, qui font quasiment sentir la fournaise dévorant les ranchs, ou les terres submergées du Corps d'Algernon Brown, l'ambiance de ces récits est visuellement traduite de manière impressionnante : comme toujours, la maîtrise dont fait preuve Hermann pour représenter les grands espaces, les décors naturels, subjugue.
Mais quand l'action se déplace en ville, notamment lors du retour à Laramie, qui a bien changé depuis le duel entre Dust et Dobbs, la beauté des décors, avec notamment la propriété luxueuse des Brown, est intacte. Le génie réaliste de l'artiste, son goût pour les détails, et le parfait dosage entre ce qui constitue sa marque de fabrique (hachures fines, jusqu'à un pointillisme extrême) produisent un effet mémorable, qui inscrit Hermann dans la tradition des Giraud/Moebius et Franz.
Les personnages sont également savamment campés, et on notera avec quel soin le dessinateur leur donne des attitudes et expressions étudiées, des physionomies correspondant si justement à leurs rôles. Du grand art.
Greg (puis plus tard Rodolphe) écriront quelques tomes supplémentaires à la série, sans jamais renouer avec la magie de ce run initial. Le départ d'Hermann ne sera jamais compensé (Rouge le remplacera, sans éclat, dans ce style impersonnel, copié sur Giraud).
Mais cela ne doit pas faire oublier la qualité de ces épisodes et de ce western de haute volée, narrativement et graphiquement.
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