dimanche 20 novembre 2011

Critique 283 : MARVEL LES GRANDES SAGAS 10 - FANTASTIC FOUR, de Mark Waid, Mike Wieringo et Paul Smith

Ce 10ème et dernier album de la collection "Marvel les grandes sagas" est consacré aux Fantastic Four. Paninicomics a bien fait les choses (sauf en ce qui concerne la couverture affreuse, signée Neil Edwards) puisque c'est l'histoire Impensable (Unthinkable en vo, Fantastic Four #67-70 + 500, publiés en 2003) écrite par Mark Waid et dessinée par Mike Wieringo qui a été choisie (plus deux petits bonus dessinés par Paul Smith).
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Le Dr Fatalis se trouve, incognito, à Cassamonte, Georgie, où il consulte plusieurs diseuses de bonnes aventures. C'est ainsi qu'il se souvient de son premier amour, Valeria, qu'il avait choisi de quitter, après une jeunesse où sa famille gitane avait été persécutée, pour partir étudier les sciences en Amérique. La suite est connue : il rencontre Reed Richards et il est défiguré lors d'une expérience. Cet accident alimentera l'éternel ressentiement entre le monarque de Latvérie et le leader des Quatre Fantastiques.
De sa défunte mère, Fatalis a hérité l'intérêt pour la magie et aujourd'hui, il sacrifie Valeria, lors de leurs retrouvailles, pour se venger des FF. L'ignoble Docteur ne va pas ménager les héros, se servant de la petite Valeria (il a accouché Sue Richards un an auparavant), expédiant Franklin en enfer, torturant l'équipe, et, pour finir, marquant Reed dans sa chair...
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Cet arc narratif est un classique de la série et, peut-être, le sommet du run de Mark Waid et Mike Wieringo. La vraie vedette du récit est Fatalis, qui a rarement été aussi odieux et terrifiant : le premier épisode, prologue de la saga, ne montre d'ailleurs que ses ennemis dans une image, en flashback, et se clôt sur une scène abominablement glaçante. Ce grand vilain qu'est le Dr Doom (en vo) et qui a été depuis si malmené, par des scénaristes incapables de l'exploiter correctement, retrouve dans les mains de Waid toute sa puissance maléfique.
Le reste est à l'avenant et on souffre vraiment avec (et pour) les Fantastiques. La trame aboutit en vérité à l'affrontement personnel de Fatalis et Reed Richards, deux génies que leur orgueil perd : comme Waid l'avait rappelé dans le premier épisode de son run, Mr Fantastic est hanté par l'échec de la mission spatiale au cours de laquelle il a été, avec ses amis et sa femme, transformé ; de la même manière, la haine de Fatalis vise autant les autorités qui persécutèrent sa famille (et par extension le peuple gitan) que Richards qu'il estime responsable de sa défiguration. En fin de compte, ce qui sépare Fatalis et Richards les unit aussi et en fait deux belligérants aussi liés que Daredevil et le Caïd.
Waid ne néglige pas les autres membres de l'équipe, et se sert de leurs relations de manière très habile : ainsi ouvre-t-il le deuxième épisode par une énième dispute entre la Chose et la Torche, moment humoristique et léger, qui renforce l'intensité dramatique des séquences suivantes. Quant à Sue Richards, sa maternité est remise en avant pour souligner qu'elle est sans doute la plus mûre du groupe (Ben et Johnny se comportant comme des garnements et Reed perdant son calme dès qu'il comprend que la magie déployée par Fatalis le dépasse). Encore une fois, le soin apporté à la caractérisation par le scénariste est épatante.
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Aux dessins, Mike Wieringo livre une prestation à la hauteur de cette histoire très sombre : on pourrait précipitamment penser que son style peu réaliste et plutôt naïf, voire cartoony, ne se prête pas à ce registre. Or, au contraire, cela produit un constrate remarquable et renforce l'aspect angoissant.
Des scènes a priori innocentes comme celle où la petite Valeria joue avec des cubes et où Fatalis entre mentalement en contact avec elle ou lorsqu'elle prononce son premier mot, produisent un effet percutant aussi bien pour les personnages que pour le lecteur.
Le découpage est simple mais très dynamique et dans le dernier chapitre, "Ringo" se permet même des doubles pages explosives pour traduire la rage avec laquelle les héros prennent leur revanche.
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Pour boucler ce recueil, Paninicomics a eu la bonne idée d'ajouter deux back-ups (de quatre et six pages), toujours écrites par Waid, et dessinées cette fois par Paul Smith : la première montre comment Sue Richards suscite progressivement et malicieusement la jalousie de Reed, accaparé par ses recherches, et la seconde met en scène un bref voyage dans le temps entre l'Invisible et Alyssa Moy (personnage que réutilisera Mark Millar dans son run), le premier amour de Reed.
Le résultat est plein d'humour et surtout magnifiquement illustré par un artiste que j'aurai adoré voir animer ces personnages plus longuement. Paul Smith est un magicien trop méconnu, dont la carrière n'aura jamais eu le retentissement qu'elle mérite.

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La collection des "grandes sagas" est à présent terminée. Même si elle a souvent proposé des récits qui n'étaient pas parfaits pour apprendre à découvrir les héros Marvel, elle aura au moins proposé deux véritables incontournables avec l'album de Daredevil (l'arc Renaissance, de Miller et Mazzucchelli) et celui des FF.

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