mardi 8 novembre 2011

Critique 280 : MYSTERY SOCIETY, de Steve Niles et Fiona Staples

Mystery Society est une mini-série en cinq épisodes écrite par Steve Niles et dessinée par Fiona Staples, publiée en 2010 par IDW Publishing.
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Nick Hammond et Anastasia Collins sont amants et décident après avoir gagné à la loterie de se servir de leur fortune pour enquêter sur les histoires secrètes que nous cacheraient les autorités. Pour cela, il leur faut recruter des renforts et Nick s'introduit dans la Zone 51 (où a eu lieu l'affaire Roswell, le crash supposé d'une soucoupe volante) pour y libérer deux fillettes jumelles, détenues depuis une cinquantaine d'années.
Pendant que Nick s'échine avec les militaires sur place, Anastasia fait connaissance avec Samantha Brooks alias Secret Skull, une ghoule désireuse d'intégrer leurs rangs. Puis c'est au tour d'un curieux robot contenant le cerveau de Jules Verne de proposer ses services.
Cependant, l'équipée de Nick, qui a ramené les jumelles, oblige le groupe à peine formé à prendre la fuite car l'armée prétend que l'aventurier a tué le Général Powell - et son fils est désormais aux trousses de la Mystery Society.
Nos héros se séparent : d'un côté, Secret Skull et Verne partent à la recherche du crâne d'Edgar Allan Poe, récemment volé (et qui, au cours d'un rituel, pourrait révèler des oeuvres inédites du célèbre romancier et poéte) ; de l'autre Nick met Anastasia et le jumelles à l'abri avant de se rendre à l'armée pour mieux prouver son innoncence.
La légende du crâne de Poe est-elle vraie ? Et Nick parviendra-t-il à laver son honneur ?
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Il y a des bandes dessinées dont la lecture procure une véritable euphorie parce que leur histoire va à toute allure, est narrée avec une bonne humeur contagieuse, que ses héros sont irrésistiblement sympathiques, et dont le seul regret qu'elle laisse est qu'elle ne compte pas davantage d'épisodes. Mystery Society appartient à cette catégorie, comme Agents of Atlas (de Jeff Parker et Leonard Kirk) ou Nextwave (de Warren Ellis et Stuart Immonen).
Cette mini-série de seulement cinq épisodes joue beaucoup sur la connivence avec le lecteur amateur de séries télé, comme Chapeau melon et bottes de cuir (période John Steed-Emma Peel) et de romans à énigmes (comme L'introuvable de Dashiell Hammett, avec les détectives Nick et Nora Charles). Si vous êtes amateur de ce genre de productions, ce comic-book est parfait pour vous. Sinon il réserve quand même un excellent moment.
Ce mix d'éléments empruntés aux récits d'aventures, d'étrange et d'humour pince-sans-rire a donc pour premier mérite de ne pas embarquer le lecteur en terrain balisé tout en ayant l'efficacité des meilleurs comics. C'est surtout le produit des efforts d'un scénariste et d'une artiste sur la même longueur d'ondes, chacun ayant d'abord en tête de valoriser le travail de l'autre : Niles en bâtissant une histoire énergique, Staples en la sublimant par son dessin inventif.
La manière dont Steve Niles, auteur spécialisé dans les comics horrifiques, a construit son projet est audacieuse et même risquée : en effet, Mystery Society se lit quasiment comme si c'était une série déjà en cours depuis un moment. Il prend donc le parti que le lecteur est en terrain connu et fait d'ailleurs dire à Nick qu'il n'y a rien de plus ennuyeux que la relation des origines. Cette même démarche lui fait démarrer l'histoire quasiment par la fin et les évènements nous sont rapportés dans un long flashback, seul l'épilogue nous transporte dans ce qu'il est advenu de l'équipe après l'arrestation de son leader.
On est donc tout se suite plongé dans le vif su sujet, sans exposition fastidieuse, et ça va ensuite très vite, les péripéties se succèdant les unes aux autres, avec cavale, division du groupe, missions, rebondissements en cascade. Il peut être frustrant de ne pas voir certains aspects plus développés mais le rythme imprimé au récit emporte tout sur son passage et l'aventure est grisante, souvent drôle, donc finalement qu'importe : mieux vaut quelques bonnes ellipses que des explications qui ralentiraient l'ensemble sans forcèment lui assurer une plus-value.
Le point "faible" de Mystery Society est que son mystère central n'est certes pas très mystérieux, original, ni ne débouche sur une surprise finale renversante. Le dénouement est plus une pirouette qu'autre chose, mais on peut aussi la lire comme une profession de foi : Niles raconte une histoire qui raconte des histoires, qui repose en fait sur un leurre (la légende du crâne de Poe, le sort de Nick), le voyage importe plus que la destination, ou en d'autres termes, qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. 
Et ladîte faiblesse est largement compensée par la singularité de ses personnages : le couple Nick-Anastasia est une paire de grands gamins qui s'amuse à se faire peur, qui a misé et gagné et dépense désormais son argent dans une espèce de chasse au trésor naïve, infantile,  après avoir déliré en fumant un joint. Leurs compagnons ne manquent pas de piquant non plus : on y trouve une revenante, certes décharnée mais jolie qui se cache sous un masque d'Halloween, untuable puisque "déjà morte", et un robot qui abrite le cerveau de Jules Verne lui-même, émaillant ses répliques d'expressions (en français dans le texte) désuétes et fleur bleue, et aux gadgetss providentiels et savoureux. Quant aux jumelles, la vérité sur leur condition ménage elle un coup de théâtre vraiment inattendu et donnant tout leur sens à leurs pouvoirs.
Pour donner chair à tout cela, Niles use de dialogues enlevées, sarcastiques, qui confèrent du charme et de l'humour aux situations (voyez comment Secret Skull se débarrasse d'un policier, après un excès de vitesse où elle a été dépassée par des geeks se rendant au comic-con de Baltimore). 

Toutefois, ce serait mentir que d'attribuer le principal mérite de cette réussite au script quand on sait que Mystery Society est illustrée par la géniale Fiona Staples, sans qui cette bande dessinée n'aurait pas tant de personnalité.
Après avoir été révèlée par North 40, la dessinatrice fait encore des merveilles ici, affirmant une progression dans le storytelling et assurant encore une fois la réalisation de designs et de couvertures magnifiques (tous reproduits dans une galerie bonus à la fin de l'album).  
Staples prouve que son style, mélangeant à la perfection, un coup de crayon anguleux, un découpage inventif, et la technique digitale de la mise en couleurs, produit un résultat impeccable quand il est bien mixé. Ses planches possèdent un grain, une texture qui soulignent la mobilité des actions représentées. Ses personnages ont tous une allure immédiatement mémorable et son sens de la composition est étonnant et très dynamique même quand il s'agit de séquences plus intimistes.  

Mystery Society, c'est du champagne : ça pétille et c'est chic ! Join the club !

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