mardi 16 janvier 2024

ECHO : les débuts de Marvel Spotlight

Ce qui suit ne contient pas de spoilers !

 

2007. Maya Lopez est victime d'un accident de la route qui lui vaut d'être amputée de la jambe droite et qui coûte la vie à sa mère Taloa. Sa grand-mère, Chula, ne pardonne pas à son père, William, ses mauvaises fréquentations et il part avec sa fille pour New York où il devient un des hommes de main de Wilson Fisk. Ronin tue William et Fisk prend Maya sous son aile, lui promettant de lui livrer l'assassin de son père. Formée au combat, elle a l'occasion d'affronter Daredevil, ce qui lui vaut l'admiration du Caïd.

 


Mais quand elle croise le route de Clint Barton, elle comprend que Fisk a sacrifié William. Elle tire à bout portant sur celui qu'elle considère comme son oncle et prend la fuite. De retour à Tamaha, dans l'Oklahoma, où elle est née, Maya s'assure la complicité de Biscuit, un ami d'enfance, et de Henry, son cousin, pour déclarer la guerre aux sbires du Caïd sans savoir qu'il a survécu.
 

Bientôt, Fisk resurgit dans la vie de Maya avec une offre : rentrer avec lui à New York pour devenir son héritière. Elle refuse et expose alors sa famille et ses proches à un conflit avec le Caîd tout en découvrant ses racines choctaw...


Maya Lopez est apparue pour la première fois dans les pages de Daredevil #9 en 1999 et a été co-créée par David Mack et Joe Quesada. Par la suite, Brian Michael Bendis, ami de Mack, utilisera l'héroïne cheyenne et sourde dans sa série New Avengers puis elle fera son entrée dans le MCU à la faveur de la série Hawkeye de 2021.

Aujourd'hui, Echo a droit à son propre show, mais il a connu une production difficile et une sortie en catimini. Disney + a choisi de mettre en ligne ses cinq épisodes d'un seul coup (comme c'est l'usage sur Netflix) : une curieuse façon d'inaugurer le label "Marvel Spotlight" qui a pour ambition de livrer ses séries moins dépendantes de la continuité et au contenu plus adulte, avec une violence plus prononcée.


Même si j'ai beaucoup apprécié Hawkeye, je sais que ce n'est pas le cas de grand-monde et donc on peut légitimement s'étonner que Maya Lopez ait eu droit à sa propre histoire. On peut s'en étonner d'autant plus que le personnage n'a rien de vraiment sympathique et que ces cinq épisodes ne vont pas changer le regard que les téléspectateurs porteront sur elle. Et pour peu qu'on soit curieux des coulisses, on apprendra que cette saison (qui n'appelle pas de suite et n'en aura certainement pas) a subi de nombreuses et profondes réécritures (comme en témoigne l'épisode 2 avec pas moins de six auteurs crédités !).

En considérant tout cela, Echo a tout de l'objet devenu encombrant et on peut douter que le résultat soit concluant. Effectivement, ce n'est pas tout à fait abouti, mais ce n'est pas non plus désastreux et c'est, en soi, un miracle. 


On appréciera d'abord l'effort porté pour rendre le personnage accessible à ceux qui n'ont pas suivi Hawkeye (et a fortiori dans les comics où elle figurait). On sait que David Mack a veillé au grain et a il semble que cela ait limité les dégâts. L'intrigue est minimale et le premier épisode sert avant tout à contextualiser ce qui suit : on a droit à un rappel des faits en bonne et due forme, depuis l'enfance de Maya jusqu'à sa tentative de meurtre contre Wilson Fisk, telle que déjà vue dans Hawkeye. Entre temps on la voit affronter Daredevil (une scène très courte, qui frustrera donc beaucoup ceux qui espéraient voir l'homme sans peur après l'affligeant She-Hulk et avant Born Again) puis s'expliquer avec Clint Barton (là encore des stock shots de Hawkeye plutôt adroitement intégrés).

Puis ensuite l'action se déplace dans une bourgade de l'Oklahoma, Tamaha, berceau de la tribu indienne choctaw. Chaque chapitre s'ouvre de manière déroutante par un flashback mettant en scène une ancêtre de Maya, depuis Chafa une créature mythologique qui s'est incarnée dans notre dimension jusqu'à Taloa sa mère. Sans grande nuance, le message s'éclaircit à la fin : Maya est l'héritière d'une longue lignée de femmes fortes présentant chacune une qualité rare dont elle a reçue une part comme un lointain écho.

Etrangement, la série qui compte seulement cinq épisodes prend son temps et se montre avare en action. Il s'agit plutôt de ponctuations spectaculaires comme quand Maya piège une cargaison d'armes à destination des hommes du Caïd dans un train en marche la nuit. Ou alors quand elle rosse une bande de truands venus lui réclamer des comptes dans la patinoire de son cousin Henry. Ou encore une dernière fois à la fin quand elle confronte Fisk et ses sbires (un beau final, même si un peu trop vite expédié).

Le reste du temps, Echo prend surtout soin de traiter l'héritage indien de son héroïne et on notera le soin apporté au récit de cette généalogie, avec des costumes fidèles en tout point, le folklore abordé sans caricature, la sobriété concernant l'aspect fantastique. Et en fait on comprend à quoi fait penser cette série.

J'ai eu l'occasion l'an passé de dire tout le bien que je pensais de Shang Chi et la légende des dix anneaux, film que j'avais zappé à sa sortie avant de me décider à le visionner. Il me semblait que le MCU tenait là une alternative à exploiter pour se renouveler, en misant moins sur des enjeux démesurés que sur des personnages inattendus, solidement ancrés dans des recoins de l'univers Marvel inexplorés - une voie en vérité ouverte par James Gunn et sa manière d'adapter Les Gardiens de la Galaxie, d'autres outsiders.

Si Echo n'a ni les moyens de ces deux longs métrages et a visiblement posé des problèmes en production et post-prod', il suit les traces de Shang Chi avec son héroïne dure à cuire, obligée d'assumer ce qu'elle est, d'où elle vient, en s'imposant par la force contre une figure paternelle tyrannique (Xen Wenwu et Wilson Fisk sont tous les deux des hommes de pouvoir qui en abusent face à leurs enfants, naturels ou non).

Ce qui rend Maya Lopez plus difficile à cerner, c'est, non pas ses handicaps (son infirmité physique et sa surdité), mais son intransigeance et sa témérité avant qu'elle embrasse le passé de ses ancêtres. Toute la dichotomie entre son expérience de tueuse et le don de guérisseuse de sa mère lui donne une ambivalence intéressante, même si le format de la série (avec des épisodes n'excédant jamais les 40') mutile la nuance. Si le MCU ne traversait pas une sorte de crise existentielle, on aurait pu avoir une saison moins rapide, avec peut-être un épisode de plus ou des épisodes moins rapides (dont le dernier aurait grandement profité), et le personnage lui-même aurait pu avoir un futur.

C'est assez injuste pour Alaqua Cox, véritable révélation quand on pense qu'il s'agit de son premier rôle : sa présence, son charisme détonnent et elle s'impose sans jamais chercher à se rendre aimable - une vraie performance. Entourée de seconds rôles solides (parmi lesquels le vétéran Graham Greene, dans un rôle de camelot très malicieux), elle tient surtout admirablement le choc face à l'imposant Vincent d'Onofrio, toujours aussi flippant en Wilson Fisk, qui, dès qu'il apparaît, vous fait frissonner d'effroi.

Echo est donc une série un peu bancale mais non dénuée de qualités. Ses maladresses lui confèrent justement un côté brut de décoffrage, à l'image de son actrice principale. Ce show met aussi en lumière ce que les séries Marvel sur Disney + ont vraiment besoin, à savoir d'un showrunner et d'un investissement (financier et créatif) à la mesure de leur propos - sans quoi, de ce côté-là aussi, la déception des fans sanctionnera durement cette partie du MCU.  

Aucun commentaire: