mercredi 4 janvier 2023

THE NICE HOUSE ON THE LAKE #12, de James Tynion IV et Alvaro Martinez


Sorti la semaine dernière, j'avoue avoir eu la flemme d'écrire la critique du dernier numéro de The Nice House on the Lake de James Tynion IV et Alvaro Martinez. Mais est-ce vraiment le dernier numéro ? La réponse est dans la question : non. Et après une parution vraiment très longue et usante, j'avoue que cela a provoqué ma frustration.



Je ne vais pas spoiler le contenu de cet épisode, et d'ailleurs je vais tâcher pour ces critiques de 2023 d'être loquace dans cette aprtie, conscient que, souvent, n'en dis trop et que, pour ceux qui attendent la vf, ce n'est agréable de lire une analyse qui dévoile trop l'histoire.


Dans le cas particulier d'un dernier épisode, c'est d'autant plus pénible de subir ce qu'on appelle "le coup de l'ouvreuse".  Mais The Nice House on the Lake s'avère surtout, peut-être pas déplaisant, mais très frustrant à ce niveau, car la fin est reportée.


C'est le seul secret que je m'autorise à divulguer : non, la mini-série écrite par James Tynion IV et dessinée par Alvaro Martinez ne se conclut pas avec ce douzième épisode. Il s'agit en fin de la fin d'un "Cycle Un". Et, comme je le dis parfois quand je suis agacé, ce n'est pas ce que j'avais acheté, encore moins que ce que les auteurs avaient promis.


On pourrait me rétorquer que Tynion IV et Martinez n'avaient pas non plus dit le contraire, mais rien, dans leurs propos ni dans les communications de DC Comics, ne laissaient entendre que The Nice House... compteraient plus de douze numéros et que l'histoire se développerait sur plusieurs Cycles.

Pour tout dire, même si cela peut paraître exagéré, je trouve le procédé malhonnête. Surtout que The Nice House... a connu une publication très étalée : pour rappel, elle a commencé en Juin 2021. Alors, certes, il ne s'agit pas d'une dérive éditoriale comme on en voit chez Image Comics où certaines séries sont en stand-by pendant des mois, voire des années, souvent sans un mot des auteurs ou de l'éditeur. Mais provenant de DC, c'est tout de même un peu contrariant car ce n'est pas dans leurs habitudes.

Et puis le DC Black Label au sein duquel The Nice House... a été proposé s'est fait une spécialité des mini-séries en huit, dix, douze épisodes. DC avait convaincu Tynion IV de publier cette histoire chez eux alors que le scénariste avait déjà envie d'aller voir ailleurs (chez Substack en l'occurrence), mais sa popularité représentait une perte pour l'éditeur qui voulait continuer à l'exploiter, et le scénariste voulait absolument que Alvaro Martinez desssine The Nice House... et l'artiste était sous contrat d'exclusivité avec DC.

Jusqu'au onzième épisode, tout laissait croire que l'histoire serait résolue dans un dernier numéro, qui plus sollicité avec une pagniation double (40 pages). Or, quand on arrive à la fin, et qu'un carton indique "End of Cycle One", je ne me suis senti trompé. Je ne sais objectivement pas si j'ai envie de lire une suite, même si évidemment Tynion IV et Martinez ont accompli un travail remarquable, que dans l'ensemble cette histoire a été captivante, et que ce qui pourrait arriver ensuite est prometteur.

Mais si c'est pour embarquer dans douze nouveaux épisodes, publiés de la même manière, et s'achevant avec l'annonce d'un Cycle 3, non. Car The Nice House... a des défauts et présente des difficultés non pas insurmontables mais pénibles.

La première concerne sa partie graphique. Alvaro Martinez a changé de style avec cette mini-série, se passant d'encreur et collaborant étroitement avec la coloriste Jordie Bellaire pour aboutir à un résultat visuel à la fois étonnant et complexe, audacieux et exigeant. Je le dis sans détour : je préférai quand Martinez était encré par Raul Fernandez (sur Detective Comics et Justice League Dark), qui accomplissait un travail formidable. C'était certes plus classique et rien ne dit que visuellement The Nice House... aurait été aussi réussi avec Fernandez, mais cela aurait été certainement plus lisible.

Car le souci que j'ai eu tout au long de ma lecture, pour le dessin, c'est pour identifier les personnages. Le casting de la série est fourni avec pas moins d'une douzaine de personnages, et hormis le premier épisode, rien ne vient nous rappeler qui est qui ensuite. Il faut soit avoir une bonne mémoire, soit prendre des notes (ce que j'ai fait et ça n'a même pas été suffisant). Le traitement graphique choisi par Martinez et Bellaire rend difficile d'identifier les protagonistes en dehors de quelques-uns, et encore grâce à des astuces simples (couleurs de peau, de cheveux). Cette confusion dessert beaucoup le projet.

En fait, je me demande si les responsabilités ne sont partagées car Tynion IV écrit aussi, pour Image Comics, une série (ongoing celle-ci), The Department of Truth, illustrée par Martin Simmonds (et quelques guests sur des épisodes stand-alone). Or Simmonds a également un graphisme très exigeant, avec une utilisation des couleurs très spéciale. J'avais lu les premiers épisodes avant de laisser tomber tant c'était pénible. Mais je m'interroge du coup sur la volonté de Tynion IV à demander à ses dessinateurs un dessin exigeant, raccord avec l'ambiance de ses récits, mais plus difficile pour le lecteur habitué et préférant un graphisme plus classique.

Clairement, ce n'est pas/plus ma came. Déjà je trouve que Mitch Gerads récemment abuse de l'infographie (dans sa colorisation) mais là, des "expériences" post-Sienkiewicz comme Simmonds ou Martinez-Bellaire, c'est trop compliqué pour moi. Je ne veux pas lire de comics où je dois décrypter les images pour savoir qui est qui. Je ne demande pas non plus qu'on me rappelle tout le temps le nom des personnages, mais on doit pouvoir trouver un juste milieu.

The Nice House... est une BD spectaculaire sur le plan visuel et je pourrais en dire beaucoup de bien apr ailleurs (je crois n'avoit pas été pingre sur ce coup en critiquant les épisodes). Mais au bout du compte, j'en ressors un peu fatigué, avec le sentiment d'avoir été détourné de l'essentiel : la clarté, la lisibilité, des vertus cardinales pour moi.

Quant à Tynion IV, c'est un auteur sur lequel j'ai toujours autant de mal à me faire un avis définitif. Il n'est pas dénué de talent et s'est bien émancipé de Scott Snyder dont il a été longtemps la seconde main, celui que DC appelait pour boucler des scripts pour la star. Il a également pris un virage indépendant, en rejoignant la plateforme Substack et, avant cela, en signant un énorme carton avec Something is killing the Children (et ses spin-off).

De fait, cela rend The Nice House... encore plus singulier puisqu'il est évident que le projet n'était certainement pas prévu pour DC par Tynion IV. Même au sein du DC Black Label, il faut un peu "tâche" puisqu'il ne met pas en scène de super-héros, même de manière décalée. Je doute même qu'au temps de Vertigo il ait eu plus sa place. 

Pourtant, le bilan est mitigé. Au rayon qualité, malgré donc des délais entre les épisodes (surtout après les six premiers), je n'ai jamais songé à arrêter, ou attendre que ce soit fini pour écrire une critique qui reviendrait sur les épisodes publiés entre temps. C'est peut-être bête, mais c'est un signe de qualité, car parfois en s'embarquant sur douze épisodes, un moment de mou et vous êtes découragé, vous vous demandez si ça va se redresser, et surtout si vous aurez la motivation pour reprendre la rédaction des critiques de la mini-série.

Le récit est suffisamment riche en rebondissements pour assurer une lecture qui fidélise. Tynion parvient à mixer le story-driver et le character-driven de façon convaincante (malgré le fait, donc, qu'on puisse avoir du mal à toujours dire qui est qui et que, sans aucun doute, tout ça aurait pu êtr raconté avec un, deux ou même moitié moins de personnages). A mon avis, il y a sans doute un tiers de la série dispensable, c'est parfois un peu lent, trop décompressé. A la rigueur, dix épisodes maxi, ça passait très bien. Mais huit, ça aurait été parfait.

Toutefois, je serai plus réservé sur d'autres aspects, comme le fait que les personnages intègrent finalement trés vite leur situation. Tout comme leur manque de curiosité vis-à-vis de ce qui se passe au-delà de la maison. Comment peut-on raisonnablement comprendre qu'aucun d'eux ne tente une expédition au-delà des limites de la propriété pour ne serait-ce que vérifier que le reste du monde est totalement dévasté ?

La façon dont à mi-parcours Walter efface les souvenirs de ses invités pour tenter de rattraper ses erreurs de jugement m'a paru, avec le recul, une astuce narrative trop facile, et c'est aussi pour cela que je pense qu'avec moins d'épisodes The Nice House... aurait gagné en densité et en efficacité, en se dispensant de ce genre de tour de passe-passe.

Enfin, la chute de ce Cycle 1, sans rien spoiler, aurait pu ressembler au dénouement d'un épisode de La Quatriième Dimension ou Au-Delà du réel suffisamment flippant, en mettant à profit la pagination plus abondante de ce dernier épisode pour expliquer pourquoi dans les prologues de chaque numéro on voyait les invités dans un décor en feu. Mais le fait qu'un Cycle 2 soit annoncé (sans toutefois préciser quand sa publication débutera - sans doute dans le courant 2023, mais aussi certainement pas avant que Martinez ait dessiné assez d'épisodes d'avance) ruine l'effet parce qu'il est alors évident que Tynion IV va vouloir expliquer, résoudre.  Or, je pense que parfois ce genre d'histoire gagne à ne pas êtr trop explicitée et même à laisser le lecteur sur le cul, avec une chute ou un twist vertigineux ou angoissant.

Mais, sans vouloir être lourdingue, ça ne m'a pas convaincu ni convenu. Pour que j'ai envie d'un Cycle 2, il aurait fallu un cliffhanger plus dingue que celui-ci, et au-delà une écriture plus acérée et des dessins plus "faciles". Et donc que DC et les auteurs préviennent qu'il y aurait une suite. Pas suffisant pour gâcher ce que j'ai aimé dans The Nice House on the Lake, mais assez agaçant pour me rendre chafouin.

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