samedi 28 janvier 2023

BATMAN : ONE BAD DAY - CATWOMAN, de G. Willow Wilson et Jamie McKelvie


Dernière sortie de la semaine et pas des moindres : Batman : One Bad Day - Catwoman. Il s'agit d'un récit complet de 64 pages écrit par G. Willow Wilson et dessiné par Jamie McKelvie, et qui fait partie d'une collection consacrée à la rogue gallery de Batman. Après le Sphinx, Mr. Freeze, Double-Face, Le Pingouin et avant Bane, Gueule d'Argile et Ra's Al Ghul (par Taylor et Reis), c'est donc au tour de la féline fatale d'être honorée. Et c'est une réussite.
 

Enfant, avec sa soeur Maggie, Selina Kyle a vu sa mère être obligée de vendre une broche précieuse à un prêteur sur gages pour payer le loyer. Depuis, elle est obsédée par l'idée de récupérer ce bijou, moins pour sa valeur financière que sentimentale. Et elle vient d'apprendre qu'il sera mis aux enchères.


Elle rencontre dans la salle d'exposition la conservatrice Vivian Page qui connaît la triste histoire de la broche. En remarquand Bruce Wayne parmi les acheteurs, Selina s'éclipse et procède au vol du bijou juste avant sa présentation. Elle appelle Maggie pour la prévenir mais sa soeur ne comprend pas pourquoi elle a pris tant de risques.


Selina décide de revendre la broche après l'avoir faite expertiser. Elle apprend alors que c'est une fausse. Mais comment a-t-elle atterri aux enchères ? Et qui a roulé Catwoman ?


Le principe de la collection Batman : One Bad Day, c'est d'offrir aux auteurs les plus prestigieux l'occasion de consacrer un récit complet d'une soixantaine de pages à un des vilains emblématiques de Batman.Selon la sensibilité de chacun, les récits se situent dans le passé ou le présent et Batman lui-même y tient un rôle plus ou moins important. Encore une initiative qui prouve que DC investit dans des projets qualitatifs, pour des formats atypiques - quand bien même le risque commercial est réduit avec Batman dans le titre.


En tout cas, l'opération a attiré des créateurs de premier plan, et pas seulement chez DC. Gerry Duggan (le scénariste actuel de X-Men) a signé un one-shot sur Mr. Freeze, et le duo Collin Kelly-Jackson Lanzing (les auteurs de Captain America : Sentinel of Liberty) sortira en Février leur histoire sur Geule d'argile. Côté dessinateurs, du beau monde aussi puisque Javier Fernandez a trouvé le temps (entre deux épisodes de King Spawn) de dessiner le numéro sur Double-Face, Matteo Scalera (entre deux projets avec Millar) celui sur Mr. Freeze, et il reste encore à découvrir ce qu'ont fait Xermanico et Ivan Reis avec Gueule d'argile et Ra's Al Ghul. Sans oublier les incontournables Tom King et Mitch Gerads qui on ouvert le bal avec le Sphinx.


On peut s'étonner de voir Catwoman, puisque c'est à son tour d'être au centre du jeu, dans cette rogue gallery, d'autant que le récit écrit par G. Willow Wilson (Ms. Marvel) se déroule au présent et qu'elle n'est plus une vilaine depuis belle lurette. Mais comment oublier Selina Kyle quand on évoque Batman ? Et puis ça change de tout ce casting très testéroné.

Wilson raconte une histoire classique avec tous les ingrédients qu'on attend d'une aventure avec Catwoman : il y a un casse, un bijou précieux (à plus d'un titre), des fourgues, une adversaire inattendue, et un tout petit peu de Batman (ce doit être un des one-shots où il est le moins présent). Alors qu'est-ce qui fait que ça vaut vraiment le coup ?

Déjà, si vous, comme moi, vous êtes un fan de la féline fatale et que vous cherchez quelque chose de bien à lire avec elle, vous serez statisfait. Depuis le début de l'ère Rebirth, Catwoman n'a pas été très gâtée : le run de Joelle Jones n'a franchement pas été bon. Celui de Ram V avec Fernando Blanco s'est achevé précipitamment, parasité par Fear State. Et Tini Howard avec Nico Leon ne m'a pas convaincu (peut-être aurai-je dû persévérer, mais bon...).

En vérité, le dernier scénariste à avoir bien traité Catwoman, de manière originale, reste Tom King dans son run sur Batman. Mais DC n'a semble-t-il jamais voulu enteriner sa volonté de faire de Batman et Catwoman un couple durable comme Lois et Superman, comme si l'éditeur (et les autres auteurs animant ces personnages) voulaient conserver à Selina Kyle son indépendance et la possibilité de la faire retomber du mauvais côté. Dommage, car justement l'ambiguïté du couple, le doute permament autour de Catwoman pimentaient la relation de BatCat.

D'ailleurs, dans les deux scènes où G. Willow Wilson confronte Bat et Cat, la scénariste joue divinement cette partition avec un Batman qui a conscience qu'il ne peut tenir en laisse Catwoman et y prend visiblement du plaisir. Il sait que c'est pour cela, comme cela qu'elle lui plait et qu'il lui plait. Il y a une sorte de malice, de tension sexuelle entre eux deux qu'il est inutile d'exacerber car le lecteur est complice et s'en régale.

Wilson agrémente son intrigue, qui se passe quasiment en temps réel (à l'exception d'un flashback), d'une quête personnelle pour Catwoman puisque la broche qu'elle vole, puis cherche à revendre à une valeur sentimentale - et même historique. Le bijou a en effet été monté par des orfèvres français durant l'Occupation nazie.

Lorsque le récit déraille et que Catwoman comprend qu'elle a été doublée, l'identification et les motivations de l'adversaire rendent le tout plus trouble et roublard, pour aboutir à une scène de combat où on aurait apprécié que Wilson explique la force physique étonnante du Forger. Mais c'est la seule réserve que j'émettrai. Tout ce qui précéde, avec la localisation du bijou, son vol, le passage chez le fourgue, la révélation de la duperie, tout cela est un vrai plaisir à lire. Le rythme est soutenu, la caractérisation de Selina est parfaite (avec ce savant dosage d'espiéglerie et de détermination) : ça, c'est la Catwoman que j'aime.

Alors qu'il s'est fait discret depuis la fin de The Wicked + The Divine (écrit par Kieron Gillen, chez Image Comics), même s'il travaillerait depuis de longs mois sur un creator-owned, Jamie McKelvie fait son grand retour au dessin avec ce one-shot. Et qui de mieux pour croquer Catwoman que cet artiste si élégant ?

Il y a une chose qui me déplait chez McKelvie, c'est son traitement des décors, trop infographiés, trop froids, mais le résultat dans son ensemble fait passer la pilule. L'artiste assume dessin, encrage et colorisation, et on sent qu'il s'est vraiment investi dans le projet, que ce n'est pas un boulot qu'il accepté pour le chèque, entre deux autres jobs.

Il représente Selina comme une femme très belle, ça va de soi, mais surtout avec le souci de la rendre crédible en tant que Catwoman. Pour être une monte-en-l'air pareille, il la dote d'un corps ferme, légèrement sculpté, musclé, on devine qu'elle fait de l'exercice, qu'elle s'entraîne, notamment quand elle apparaît dans une robe du soir échancrée qui laisse voir justement des parties de son anatomie trahissant une pratique sportive.

Ce genre de détails crédibilise tout le reste, quand elle se glisse dans des conduits d'aération où elle rampe, ou quand elle désarme et neutralise deux gardiens sur un toit en accomplissant des cabrioles et en les frappant de manière précise et efficace. Pour autant, Catwoman n'est pas Black Widow, cette ballerine formée comme une machine à tuer, et son affrontement contre le Forger démontre qu'elle est en difficulté contre un adversaire dont elle a ignoré qu'il pouvait être aussi coriace. Elle prend alors des coups et même si Wilson et McKelvie épargnent Catwoman en le l'esquintant pas trop, elle se paie un sacré oeil au beurre noir.

Les décors, donc, sont très infographiés et ne se départissent jamais d'une froideur certaine. McKelvie renonce à les texturer pour singifier des traces d'usures ou à les coloriser de telle sorte qu'ils paraissent moins lisses. Le dessinateur privilégie la lisibilité en toute circonstance, c'est louable, mais un peu dommage car c'est sans doute ce qui manque à ses images.

La chose est d'autant plus remarquable que, quand il s'agit du costume de Catwoman, McKelvie utilise des effets de trame, ce qui donne une apparence proche du cuir qu'on connaît au personnage mais aussi d'une couche supplémentaire, plus résistante, plus conforme à un habit de cambrioleuse, d'acrobate, de super-vilaine.

La qualité des expressions sur les visages, du langage corporelle, et un découpage rigoureux (McKelvie ne déborde jamais du cadre, il y a toujours ce côté propre, sage, classique chez lui) contribuent à une lecture qui se s'éparpille pas, mais rend justice au script, et aboutit à une forme très raffinée, étudiée.

C'étair le vrai seul numéro de la collection qui me tentait et je n'ai pas été déçu. Mieux : cela m'a donné envie de jeter un oeil sur quelques autres (et comme dans les prochaines semaines la quantité de critiques va baisser - notamment en raison de l'absence de titres X, ne suivant ni le crossover X-Men/Captain Marvel, ni l'event Sins of Sinister), je tâcherai de vous proposer des critiques sur d'autres One Bad Day.

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