vendredi 26 août 2022

MINOR THREATS #1, de Patton Oswalt, Jordan Blum et Scott Hepburn


Voilà une mini-série qui m'a été conseillé. Je n'en attendais rien, et j'ai été conquis. Minor Threats est publiée par Dark Horse Comics et comptera quatre numéros. On la doit au comédien Patton Oswalt et à l'auteur Jordan Blum, avec le dessinateur Scott Hepburn. Ces "menaces mineures" sont des super-vilains de troisième zone engagés dans une mission à haut risque - mais ce n'est pas un remake de Suicide Squad.


Frankie alias Playtime a débuté sa carrière de super-vilaine aux côtés de sa mère, Toy Queen. Après plusieurs séjours derrière les barreaux et le départ de sa fiancée, elle décide de se ranger.


Elle décroche une place de barmaid dans un tripot fréquenté par des super-vilains lorsque, une nuit, l'un d'eux déboule avec son complice, gravement blessé par le super-héros the Insomniac.


Twilight City est en ébullition et la super-équipe de héros, le Continuuum, traque l'assassin du Kid Dusk, le sidekick d'Insomniac, tué par the Stickman.


Frankie a alors une idée et la partage avec quelques gredins : à eux les premiers de débusquer the Stickman et de le tuer avant que le Continuum ne mette leur quartier sans dessus-dessous.

Pour tout vous dire, je n'avais pas coché sur ma liste d'achats Minor Threats. J'avais déjà assez de lectures pour cette semaine (et en général), mais un ami, fan de comics indés, m'a prêté ce premier épisode en me le recommandant avec enthousiasme.

Et je me suis régalé avec ce premeir épisode de presque quarante pages, le premier d'une série de quatre. L'idée vient du comédien Patton Oswalt, connu entre autres pour avoir prêté sa voix à Rémy, le héros de Ratatouille (en vo) ou plus récemment à Pip le Troll (dans la scène post-générique de fin des Eternels). Fan de comics, Oswalt a beaucoup d'amis dans le milieu et il est devenu celui du scénariste Jordan Blum, qui a écrit la série animée Marvel's M.O.D.O.K., dans laquelle Oswalt donnait de la voix.

Ensemble, ils ont pitché cette histoire à Dark Horse Comics et se sont adjoints les services du dessinateur Scott Hepburn (qui a officié sur la série Drax chez Marvel en autres). Ou comment une bande de super-vilains de troisième zone vont s'unir pour sauver leur peau et leur quartier après qu'un justicier ait perdu son sidekick, assassiné par un criminel de haut niveau.

Le drame secoue Twilight City et ses bas-fonds où l'équipe à laquelle appartient the Insomniac se met à traquer d'éventuels coupables pour éviter que leur collègue ne tue the Stickman, le meurtrier. Les références sont donc sibyllines : le Continuum renvoie à une formation comparable aux Avengers ou la Justice League, the Insomniac et son partenaire Kid Dusk à Batman et Robin, the Stickman au Joker. Et le groupe que rassemble Frankie/Playtime serait l'équivalent de vilains de fond de placard chez un grand éditeur.

Mine de rien, Minor Threats, sous ses airs de comédie supér-héroïque, vise juste : on comprend que le Continuum veut trouver the Stickman avant the Insomniac moins pour éviter qu'il s'en débarrasse que pour protéger leur image de marque (c'est bien connu, les héros ne tuent pas). De son côté, le groupe agrégé par Playtime ne peut supporter que the Stickman ruine tous leurs projets, quels qu'ils soient (cela va de la volonté de Frankie de reprendre une vie normale après plusieurs séjours en prison à l'envie de certains de ne plus vivre dans l'ombre du Stickman ou de cesser d'être souffre-douleurs de super-héros).

D'une certaine manière, la mission que s'assignent Frankie et ses acolytes a une forme de noblesse puisqu'elle consiste à faire le bien en éliminant un authentique criminel, qui a franchi la ligne jaune. Et un parallèle passionnant se révèle avec the Insomniac qui a commencé à se venger en brutalisant à mort un pauvre bandit costumé n'ayant rien à voir avec la mort de Kid Dusk. C'est comme si Batman dépassait les bornes pour se venger du Joker. Est-ce que la Justice League couvrirait Batman ? Ou tenterait de l'arrêter comme le Joker ?

Le scénario de Patton Oswalt et Jordan Blum a quelque chose de rocambolesque, parodique et en même temps singulièrement profond, trouble. Les éloges sur la couverture de Taika Waititi incite à penser qu'il s'agit d'un divertissement coloré, délirant et léger. Mais quand on s'y plonge, c'est beaucoup plus équivoque et captivant. A voir comment cette intrigue va être développée.

Avoir fait appel à Scott Hepburn, qui a quelquefois joué les remplaçants-assistants de Chris Bachalo (notamment sur une série Spider-Man/Deadpool), est une excellente inspiration. Hepburn n'a pas un style photo-réaliste ni réaliste, ses personnages ont une anatomie exagérée et une expressivité outrancière, telles qu'on peut aussi en trouver chez des artistes comme James Harren, Sanford Greene ou Humberto Ramos.

Avec les couleurs vives de Ian Herring, l'univers de Minor Threats est solidement campé. Les décors traduisent la déchéance des bas quartiers bâtis sur le corps d'un kaiju tué par le Continuum et laissé sur place, au mépris des habitants les plus pauvres. Les costumes des super-vilains sont criards et grotesques, non pour les ridiculiser mais pour souligner leur peu de moyens financiers (pas de quoi se payer de super costards quand on est régulièrement envoyé en taule ou qu'on ne récolte que de maigres butins).

Mais ces losers ont quelque chose de sympathiques crapules, plus cools que les super-héros règnant sur Twilihgt City tels des dieux jugeant d'un regard sombre la plèbe de la cité. Ils se réunissent dans un troquet minable mais où on les accueille sans leur faire d'ennuis et ils se charrient volontiers sur leur carrière (Frankie est ainsi raillée parce qu'elle a été arrêtée par la police et non par un super-héros).

Scott Hepburn leur croque des trognes savoureuses, qui les rend attachants. Ainsi quand Frankie va voir sa mère, désormais âgée, celle-ci n'est pas une ancienne vilaine fatiguée mais une femme mûre qui rêve encore d'un gros coup et de récupérer son pistolet, conseillant à sa fille fauchée de braquer une banque. Le moblier de l'appartement de l'ex-Toy Queen est un réduit encombré très minutieusement composé par l'artiste.

Frankie est touchante dans ce mélange de lassitude et de détermination : elle veut tourner la page, se rabibocher avec sa fiancée Maggie, revoir sa fille (qu'élève son premier mari), mais finit par admettre que pour atteindre tout cela, elle doit faire le ménage elle-même et s'investir dans une mission suicidaire (trouver et éliminer the Stickman avant que the Insomniac ne mette le quartier à feu et à sang). Les rues qui mènent au bar où travaille Frankie et tout le quartier environnant est un payasage surréaliste, grouillant d'une faune bigarrée dans des immeubles décatis.

Grâce à son écriture fouillée et son imagerie fournie, Minor Threats cache bien son jeu : derrière la série B il y a un comic-book plus social qu'il n'y paraît et sous la parodie une critique acide des codes des comics super-héroïques, le tout au service d'une intrigue très prometteuse.

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