jeudi 24 décembre 2020

CATWOMAN #28, de Ram V et Fernando Blanco


Alors que la série va connaître un hiatus de deux mois (j'y reviendrais), Ram V a décidé de laisser Catwoman à l'aube de ce qui ressemble à un nouvel arc narratif. Pour l'heure, Selina Kyle continue de marquer de son empreinte le quartier de Alleytown à Gotham, d'autant qu'elle a délibérèment provoqué les caïds en place. Fernando Blanco est là pour mettre ce scénario haletant en images, avec sa coutmière efficacité.


Informé par "Pit" Rollins des ambitions de Catwoman pour Alleytown, Nahigian Khadym, le baron de la drogue, envoie une bande de mercenaires armés pour détruire le Nid et tuer cette concurrente. Mais celle-ci a tout prévu, au point qu'elle peut s'occuper d'un autre dossier, ailleurs.


Ainsi intervient-elle sur les docks où Rollins doit accueillir des trafiquants de drogue. Catwoman élimine les gardes et met le feu à la cargaison. Puis elle surgit dans la salle des négociations et congédie les dealers pour avoir une explication avec Rollins.


Grâce à la formation qu'elle leur a donnés, les vagabonds de Alleytown, tous ces gamins à l'abandon, sont en mesure de défendre le Nid. Ils ont préparé des pièges et neutralisent les mercenaires avant l'arrivée de la police à laquelle ils les livrent.


Khadym grillé, Rollins raisonnée, Catwoman quitte les docks et croise le Père Vallée. Cependant le détective Hadley apprend successivement que Khadym a passé un accord avec les fédéraux et que sa drogue présente une particularité...

S'il n'est pas indiqué qu'il s'agit de la fin de l'arc, tout simplement par ce rien n'a été précisé sur le nombre d'épisodes qu'il comptait, cela y ressemble fort. Ram V, depuis qu'il a repris la série en main, a orchestré le retour de Catwoman à Gotham, dans le quartier de Alleytown, au peuplement du Nid et à la reconquête de ce territoire. Tout ça alors que le Pingouin, que Selina Kyle a roulé, a recruté un tueur à gages mystique pour l'éliminer...

Dans ce #28, on assiste à l'aboutissement du plan de Catwoman : elle a méthodiquement accompli les missions qu'elle s'était fixée. D'abord en donnant à des gosses à l'abandon un Nid et en en faisant sa petite armée. Puis en s'attaquant aux malfrats qui gangrénaient le quartier de Alleytown. Désormais, elle tient "Pit" Rollins, et a écarté Nahigian Khadym.

La rapidité et l'efficacité du script de Ram V est épatante. Il a rendu à Catwoman ses lettres de noblesse en un temps record et honoré ceux dont il s'est inspiré (Ed Brubaker, Darwyn Cooke). Les fans de la féline fatale n'ont pas été à pareille fête depuis longtemps. Le personnage louvoie à nouveau entre un rôle de justicière et de voleuse, conservant son ambiguïté et son charme uniques. En outre, c'est un des rares personnages de la Bat-Familly à ne pas dépendre de Batman, à ne pas lui rendre de comptes, à exister sans lui (même si Ram V se garde bien d'épiloguer sur leur relation, alors que James Tynion IV, le scénariste de Batman, préférerait à l'évidence qu'ils restent séparés).

Le scénariste a de plus soigné le background de la série avec deux seconds rôles de choix : d'un côté, le détective Hadley, transfuge de Villa Hermosa (et donc du run de Joelle Jones) ; de l'autre, le Père Vallée, un tueur atypique. Ces deux hommes tournent autour de Catwoman et la considèrent comme le lecteur peut le faire, à la fois comme une femme séduisante, attirante, mais aussi dangereuse. Si Hadley a encore besoin d'être un peu étoffé, le Père Vallée est en revanche un personnage fascinant, qui bien qu'il ait accepté de tuer Catwoman l'a sauvé et prend son contrat comme une mission mystique, puisqu'il se présente comme un berger devant ramener dans le droit chemin les âmes égarées ou les éliminer. Pour la première fois, Catwoman et son adversaire se croisent et se parlent et leur échange ne déçoit pas.

Si Catwoman est un tel plaisir de lecture, la série le doit aussi à Fernando Blanco, que DC a eu la bonne idée de laisser sur le titre après qu'il ait servi de fill-in à Joelle Jones. Son style se prête merveilleusement à ce titre, avec son cadre urbain, ses personnages entre chien et loup, son héroïne acrobate et charismatique.

Blanco est un as du découpage : tout a l'air simple chez lui et pourtant il fait preuve d'invention, comme quand il s'agit de dessiner une double-page mouvementée où Catwoman neutralise plusieurs hommes de main en sautant d'un container à un autre et en isolant dans des cases les moments où elle frappe. La colorisation de FCO Plascencia est remarquable aussi parce qu'elle met en valeur sobrement les effets de mise en scène.

Autre exemple du brio de Blanco : la narration parallèle. Durant tout l'épisode on va et vient entre les docks (où opère Catwoman) et le Nid (où les mercenaires de Khadym tombent sur les gamins). Les pièges tendus par les protégés de Catwoman pour maîtriser une bande d'hommes lourdement armés sont toujours représentés de manière très lisible et démontre la supériorité de l'ingéniosité sur la brutalité. 

Cette intensité, grisante, qui parcourt le récit permet de laisser un souvenir vivace au lecteur. Il en aura besoin car la série (comme toutes les publications de DC) vont connaître un hiatus de deux mois. Durant cette période, l'éditeur a en effet choisi de proposer un projet qui traînait depuis un an, originellement connu sous le titre 5G et désormais intitulé Future State. En mars, tout reviendra à la normale, mais avec de nouvelles équipes créatives (et un nombre restreint de séries régulières). Sauf pour Catwoman qui, ouf, conserve Ram V et Fernando Blanco aux commandes.

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