dimanche 23 août 2020

MARAUDERS #7-8, de Gerry Duggan et Stefano Caselli


J'ai dit beaucoup de mal de Gerry Duggan et sa façon d'écrire Marauders. J'ai même cessé de rédiger la critique de la série après le premier arc (au #6). Pourtant, je n'ai pas cessé de lire le titre, par curiosité. Et j'ai été à la fois récompensé de cette persévérance et coupable d'avoir jugé trop hâtivement. Car ce deuxième acte de Marauders révèle que Duggan semble avoir trouvé une ligne et un propos après des débuts très laborieux. Tout n'est pas encore parfait mais la situation s'améliore nettement en aboutissant au #11. De quoi procéder à une session de rattrapage.


Emma Frost recrute Callisto pour en faire l'amabassadrice de la Hellfire Trading Company, et alors qu'elle prépare un mystérieux gala.


Callisto accueille sur l'île M le Mrauder et apprend à Bishop que Kitty Pryde n'est toujours pas rentrée de Madripoor. Bishop décide d'y retourner pour enquêter.


Il y affronte un membre de Homines Verendi et réussit à infiltrer l'organisation qui a fait de Madripoor sa base. D'ailleurs ils négocient une alliance avec l'ambassadrice russe après lui avoir montré qu'ils possèdent un espion sur Krakoa...

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On enchaîne directement avec l'épisode 8 - je vais rédiger des critiques par lot de deux épisodes avant d'en consacrer une spécialement pour le numéro 11. Cela permettra de rattraper le temps perdu et surtout de démontrer à quel point le rythme de la série a changé pour le bénéfice de lintrigue.


Bishop s'est glissé incognito dans un cargo appartenant aux Verendi et découvre le cadavre de Kitty sur le point d'être récupéré dans les eaux internationales au large de Madripoor.


Emma est prévenue et organise l'exfiltrationde Bishop avec le corps de Kitty. Tornade et Iceberg arraisonne le navire des Verendi, infligeant une correction brutale à son équipage.


Emma doit ensuite informer Tornade de la situation. Ororo est furieuse mais a la garantie que Kitty sera vengée et ressucitée par les Cinq. A Madripoor, deux pêcheurs récupèrent Lockheed...

Du premier arc de Marauders, on retiendra une impression brouillonne alors que Gerry Duggan disposait d'un matériau prometteur. Le scénariste paraissait ne pas vouloir choisir entre le propos de la série dont il avait héritée (à savoir animer une équipe de mutants ayant pour mission de rapatrier des mutants sur Krakoa et de distribuer la médecine produite par l'île). Le tout traîté sur un ton humoristique hélas ! peu drôle (à moins d'apprécier la bouffonnerie, concentrée dans le personnage grotesque de Pyro).

Toutefois, Duggan bouclait ses six premiers épisodes sur un événement choquant en tuant Kitty Pryde (et certainement son dragon, Lockheed). Bien entendu, avec le protocole de résurrection du groupe des Cinq sur Krakoa, les mutants ont vaincu la mort, mais Duggan avait établi une anomalie avec Kitty en exposant, sans l'expliquer, qu'elle ne pouvait pas passer les portails de Krakoa, ce qui rendait la procédure difficile.

Mais bon, tout ça partait quand même dans tous les sens. Duggan semblait en vérité davantage intéressé par Emma Frost, son potentiel érotique, son rôle de business woman (via la Hellfire Trading Company), son duel avec Sebastian Shaw (dont la présence lui a été imposée par le Pr. X et Magneto). Les Marauders eux-mêmes ressemblaient vaguement à des pirates mutants mais lestés d'un nom d'équipe curieux (les Marauders originaux étaient des assassins, responsables du massacre des Morlocks) et leur casting était pour le moins curieux (l'absence de Nightcrawler dans l'effectif, alors que l'elfe a toujours été associé au folklore de la piraterie, contre celle de Pyro ou même Bishop, là où des proches de Kitty comme Colossus, Magik ou Rachel Summers auraient été évidents).

Comment, dans ces conditions, espérer que la série se redresse en trouvant une ligne cohérente et un propos adéquat ?

Finalement, c'est la mort de Kitty qui va permettre au scénariste de se ressaisir. Dans un premier temps (l'épisode 7), ce drame reste inconnu des autres membres de l'équipe, le lecteur a un temps d'avance sur les héros et il enrage de la situation. Un procédé malin.

Ensuite, une fois que le sort de Kitty est connu de l'équipe, la donne change et le ton de la série aussi. Il n'y a plus de place pour la comédie bouffonne, l'heure est au chagrin et à la colère. Cela bouleverse complètement notre appréciation de la série et Duggan comprend qu'il ne peut la saboter avec les écarts de Pyro ou en s'égarant dans les querelles entre Emma Frost et Sebastian Shaw - ce dernier est mis en retrait, savourant sa victoire mais restant discret.

Subséquemment, les autres membres des Marauders voient leurs rôles mieux définis et donc leur caractérisation plus sérieusement traitée. Bishop gagne en épaisseur en devenant une sorte d'espion, un homme de terrain (la façon dont sa mission d'enquête et d'infiltration à Madripoor est palpitante). Iceberg affiche enfin son potentiel (sa relation homosexuelle avec Christian Frost est désormais claire et sa colère prouve sa puissance). Pyro reste le fou du roi, mais Duggan a le bon goût d'en faire moins. Callisto est une recrue encore un peu réservée (mais rien que pour son entretien d'embauche et ses retrouvailles avec Tornade, ça vaut le coup). Forge intervient de manière parfaite (et plus efficace que dans X-Force où Benjamin Percy l'a finalement sous-exploité).

En deux épisodes, Duggan redresse donc spectaculairement la barre. Parfois, malgré tout, il cède encore à des facilités : il insiste lourdement sur le sex appeal d'Emma Frost, ne manquant jamais une occasion de l'objetiser (exemples : elle reçoit Callisto en lingerie, puis elle se joue des soldats à bord du sous-marin russe en leur montrant sa poitrine). C'est franchement indigne du personnage et surtout très machiste (et pas franchement très approprié par les temps qui courent).

La série profite aussi formidablement du renfort de Stefano Caselli au dessin. Depuis son premier arc sur West Coast Avengers, l'artiste italien avait un peu disparu des écrans radar (comme souvent chez Marvel, il semble que les très bons dessinateurs soient condamnés à une mise à l'écart) puis il avait accompagné Jason Aaron pour un arc de Avengers (sans lendemain heureusement).

Depuis Avengers : The Initiative et Secret Warriors, Caselli a roulé sa bosse chez Marvel, son style s'est affirmé, mais il n'a jamais trouvé la série qui lui aurait permis d'accéder au rang de vedette, alors même qu'il est loué pour sa régularité, sa capacité à dessiner des castings fournis, à produire un graphisme expressif. Peut-être doit-il son arrivée sur la franchise "X" à Jonathan Hickman avec qui il a collaboré (sur Secret Warriors), en tout cas c'est une recrue de poids.

Contrairement à tous ses prédécesseurs sur Marauders, Caselli apporte une solidité, une densité dans le dessin. Cela se voit dans les décors, plus détaillés, les personnages, mieux campés, le découpage, plus rigoureux. Il a pour coloriste Edgard Delagado, dont la palette est plus subtile et riche que celle de Federico Blee. Comme tous les artistes qui ont de la bouteille, Caselli débarque en maîtrisant immédiatement son sujet, il n'a pas besoin de s'échauffer, et c'est un profit considérable.

Voyez comme Bishop, sous son crayon, retrouve du charisme. Callisto a un charme farouche indéniable. Emma Frost, malgré les passages limite précités, récupère une autorité impeccable. Et Iceberg ou Tornade recouvrent leur superbe (le passage où Bobby Drake agresse les soldats russes est intense, la dispute entre Ororo et Emma brasse plusieurs émotions parfaitement traduites par leurs attitudes).

A bien des égards, c'est comme si la série recommençait à zéro. Pour un peu, on regrette que Gerry Duggan n'ait pas osé tuer Kitty Pryde dès le premier ou deuxième épisode pour à la fois provoquer un électrochoc auprès du lecteur et dynamiser son histoire, sans se perdre dans des aventures inégales (comme celle du mari enfermé par sa femme). D'autant que si on s'est toujours douté que Kitty ne resterait pas indéfiniment morte, la solution trouvée par le scénariste dans le #11 est vraiment ingénieuse et logique...

En tout cas, alors que X-Force a fini  par me lasser avec sa violence complaisante et son casting géré à la vas-y-comme-je te-pousse, Marauders redessine (au propre comme au figuré) son propos et ses acteurs pour devenir un titre bien plus convaincant, préparant le terrain pour un Acte III prometteur (même s'il aura certainement vraiment lieu après le crossover X of Swords, donc pas avant Décembre).

Stay tuned, je reviens vite pour vous parler de Marauders #9-10...

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