vendredi 7 août 2020

GUARDIANS OF THE GALAXY #5, de Al Ewing et Juann Cabal


Une nouvelle fois, ce numéro de Guardians of the Galaxy impressionne. La série a vraiment atteint un niveau exceptionnel en un temps record, Al Ewing a totalement fait oublier le run raté de son prédécesseur (Donny Cates) et dispose d'un dessinateur éblouissant avec Juann Cabal (la révélation de l'année).


Moondragon est attaquée par le Dragon de la Lune, son double issue de notre réalité, qui veut la vaincre pour révéler qu'elle est une impostrice depuis des mois. Mais leur affrontement a un prix : Moondragon ne peut maintenir son lien télépathique avec Phyla-Vell et le reste des Gardiens.


Phyla s'en rend compte et s'en inquiète, craignant une manoeuvre de leurs ennemis. Pourtant dans le convertisseur de matière, Hercule ne tremble lorsque Gamora le tient en joue. Il lui explique calmement que Peter Quill s'est sacrifié pour eux tous et n'a pas été lâché par l'équipe contre les Olympiens.


Le Prince of Power profite de cet échange pour frapper Hercule mais ce dernier réplique vite et se débarrasse de son adversaire sans problème tandis que Drax revient à lui. Moondragon, elle, prend aussi le dessus sur le Dragon de la Lune.


Groot empêche BlackJack O'Hare de tuer Rocket Raccoon, qui comptait depuis le début sur la loyauté de son meilleur ami. Marvel Boy appréhende Castor Gnawbarque qui a observé, désemparé, la débâcle de ses mercenaires.


Moondragon parachève sa victoire sur le Dragon de la Lune en absorbant sa puissance et renoue le contact avec Phyla-Vell et les Gardiens. Mais cet effort l'a visiblement profondément changée...

En quatre épisodes (le troisième étant un peu à part), Al Ewing a su magistralement remettre d'aplomb un titre qui avait perdu le Nord, tout en n'hésitant pas à en redessiner les lignes. Exit Peter Quill, écartés Gamora et Groot. Moondragon et Phyla-Vell inexistantes durant le run de Donny Cates ont enfin de la susbstance, Hercule a intégré l'équipe, Marvel Boy en est devenu l'attraction. En attendant le tour de Nova le mois prochain.

Pourtant, quand on y regarde de plus près, Ewing applique une méthode simple à ce ravalement de façade puisqu'il a consacré un épisode à chaque fois pour poser un personnage au premier plan, lui attribuer un rôle précis dans l'équipe, et ainsi reconfigurer les missions des Gardiens (qui sont désormais moins des pirates de l'espace qu'une sorte de groupe façon Mission : Impossible où les compétences de chacun sont éprouvées de manière à démontrer qu'ils sont les meilleurs pour le job).

En les opposant à la fois à leurs anciens alliés et à des mercenaires payés pour les éliminer, les héros n'ont pas eu la tâche facile pour empêcher qu'un convertisseur de matière semblable à celui qu'utilise Galactus pour consommer une planète ne tombe entre de mauvaises mains. Mais cela change des sempiternelles batailels contre les Baadon ou Thanos.

Après le show Marvel Boy du précédent épisode, l'accent est mis sur Moondragon. Les premières pages permettent de resituer Heather Douglas et d'expliquer que la Moondragon qu'emploie Ewing n'est pas l'originale mais un double issue d'une dimension parallèle, plus puissante. Le scénariste expose très clairement qu'elle a des troubles de la mémoire, remarqués par certains mais assez discrets pour ne pas avoir éveillé les soupçons de ses co-équipiers actuels. Lorsque le Dragon de la Lune, c'est-à-dire la forme issue de notre réalité, l'attaque, c'est évidemment pour la démasquer et reprendre sa place. Au moment même où elle est la plus fragile puisqu'elle assure la liaison entre les Gardiens sur le terrain.

Et c'est là qu'intervient Juann Cabal. Quand je dis qu'il sera la révélation de l'année, parmi les dessinateurs, cet épisode en est la traduction la plus saisissante puisque l'artiste espagnole enchaîne les planches plus extraordinaires les unes que les autres. Les scènes entre les deux Moondragon sont bien entendu les plus fabuleuses avec un découpage bluffant, à coup de motifs spiraliques, d'enchevêtrements de cases circulaires, d'effets graphiques insensés (des parties de l'image en "négatif", en miroir, etc). Franchement, c'est époustouflant, du  niveau de ce que peut faire un J.H. Williams III, ce qui n'est rien. Mais ce n'est pas gratuitement virtuose, tape-à-l'oeil.

Car Cabal sert ainsi au mieux le sens de ces scènes, l'expression des pouvoirs mentaux des deux adversaires. Quand on sait que le dessinateur assume aussi son encrage, on est encore plus épaté par sa force de travail. Et la colorisation de Federico Blee respecte ce dessin, le valorise avec subtilité.

Mais Cabal n'en reste pas là. Quand il doit mettre en scène un passage plus calme, il a recours à des astuces aussi remarquables, comme ce "gaufrier" de douze cases (voir plus haut) qui permet d'apprécier l'expressivité de son trait dans un passage muet où tout passe par les visages des protagonistes. Là, on pense à Kevin Maguire pour la plasticité des figures, mais sans tomber dans le travers de ce dernier qui en fait trop pour provoquer le rire même quand ce n'est pas justifié.

La palette de Cabal est si complète qu'on a du mal à croire qu'elle se révèle seulement maintenant, après tout c'est sa première grosse série (même si Guardians of the Galaxy reste une série à part comparée à des blockbusters comme Avengers ou Spider-Man). En tout cas, en le voyant capable de cela si tôt, sa marge de progression augure du génie potentiel de ce jeune artiste.

Ewing est un auteur intelligent, il sait qu'il collabore avec un partenaire en grande forme et peut se concentrer sur la construction de son histoire. L'habileté ave laquelle il passe d'un personnage à un autre, d'une ambiance à une autre, le tout sur un rythme implacable, et toujours avec une lisibilité impeccable, est un régal à lire. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, il réussit à animer un team-book sans se prendre les pieds dans le tapis, en combinant caractérisation et action, drame et légéreté, du grand art. Lui aussi a tout de la vedette incontournable en devenir et Marvel a intérêt à le chouchouter.

Enfin, un dernier mot sur une tradition que Ewing remet discrètement au goût du jour : les comics qui fonctionnent par arcs narratifs ont souvent un titre pour une grappe d'épisodes. Ewing, lui, donne un titre à chaque épisode, en relation directe avec le personnage le plus important du chapitre. C'est un petit quelque chose d'aussi agréable que la liste des personnages présents à chaque épisode des X-Men de Hickman. Une façon de s'y retrouver facilement et rapidement.

Pour tout cela, Guardians of the Galaxy mérite sa place parmi les meilleurs séries du moment. Une réussite assez inattendue et donc d'autant plus savoureuse.

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