samedi 14 avril 2018

DAREDEVIL #600, de Charles Soule, Christos Gage, Ron Garney et Mike Perkins


On n'a pas tous les jours 600 épisodes à son actif... Après le 700ème n° de Captain America, c'est donc au tour de Daredevil de franchir un cap historique mais à sa manière - ou plutôt à la manière de son scénariste qui boucle son arc en cours, Mayor Fisk, avant de continuer sa route. Ron Garney, lui, tire sa révérence (sans savoir, comme Samnee, même s'il reste a priori chez Marvel, où il va rebondir). Et le tandem Christos Gage-Mike Perkins (ce dernier ayant fait ses valises pour atterrir chez DC) participe à l'anniversaire avec une jolie back-up story.


Daredevil et ses acolytes (Luke Cage, Jessica Jones, Iron Fist, Spider-Man, Moon Knight, Misty Knight et Echo) attendent que Wilson Fisk rejoignent la bande de criminels à qui il a promise des postes dans son administration et qu'il a convoquée au bar Sarno's. L'occasion rêvée d'effectuer un coup de filet et de prouver que le Caïd se mêle toujours du crime organisé, ce qui lui coûterait son poste de Maire de New York.
  

Mais, dans le bar, les malfrats - Black Cat, Hammerhead, Diamondback, le Hibou - s'impatientent et commencent à penser qu'il s'agit d'un piège imaginé par Fisk pour les écarter. Peut-être même un traître se cache-t-il dans la place en attendant une descente des flics... La tension est à son comble.


De son côté, Blindspot, jeté du haut d'un immeuble par Muse dont il a dégradé une des fresques murales pour l'attirer, se rattrape et le rejoint pour l'affronter. Mais le jeune homme est dominé par son ennemi et son envie de se venger. C'est alors que la voix de la Bête, ce monstre commandant à l'organisation de la Main, retentit dans sa tête...


Retour au Sarno's : Les esprits s'échauffent et quand Black Cat est menacée par Diamondback, Spider-Man intervient. Il est suivi par Luke Cage, Iron Fist et Jessica Jones, puis, enfin, Moon Knight, tandis que Misty Knight et Echo se préparent à les rejoindre. Daredevil est mécontent : son plan tombe à l'eau, le Caïd ne se présentera plus mais la police approche déjà.


Possédé par l'esprit de la Bête et investi d'une force nouvelle, Blindspot prend le dessus sur Muse et, même s'il refuse finalement de le tuer, il l'élimine définitivement par accident.


Mis au courant par son assistant, Wesley, Fisk apprend l'arrestation des justiciers et des malfrats au Sarno's mais Daredevil arrive alors pour le défier. Hélas ! le Caïd réussit à l'assommer et d'autres policiers viennent embarquer DD. Le Maire de New York rejoint l'estrade prévue pour son discours au peuple de la ville quand il est blessé par une pluie de flèches tirées par les ninjas de la Main. Dans le fourgon de la police où il est enfermé, Daredevil devine ce qui se passe, impuissant, avant de surprendre un échange entre Steve Cornish, son propre assistant à la Mairie, et la première adjointe : Fisk avait modifié l'ordre de succession à son poste en cas de problème et c'est Matt Murdock qui hérite de sa charge !

Pas mal comme twist/cliffhanger, non ? Murdock va-t-il devenir le nouveau Maire de New York ? Pour cela il faudra d'abord qu'il se libère et s'évade du fourgon de police où il est. Mais sinon tout est en place pour qu'il accède au poste : Fisk est entre la vie et la mort après son agression par la Main, et s'il est inconcevable que Marvel autorise Charles Soule à tuer le Caïd, il est assez mal en point pour être hors jeu un bon moment.

La situation ne s'arrête pas à la santé de Wilson Fisk car, dans l'affaire, les amis justiciers de DD sont en prison (tout comme la bande malfrats qu'ils ont attaqué) et ça en fait un bon petit paquet : Spider-Man a réussi à s'échapper, mais Cage, Jessica Jones, Iron Fist, Misty Knight, Echo, Moon Knight sont au frais dans une cellule.

Quand à la Main donc, elle a fondu sur New York comme une pluie de sauterelles et la Bête qui les commande n'est apparemment pas loin puisqu'elle a "parlé" à Blindspot - lequel a tué accidentellement Muse.

Soule a réussi à composer ce 600ème épisode comme un vrai point de convergence, au rythme d'un crescendo grisant, avec une cascade de rebondissements, de l'action à foison. On ne s'ennuie pas et les cartes sont vraiment redistribuées à la fin du numéro. Le scénariste, qui a parfois égaré le lecteur, ou l'a désorienté, et même déçu, depuis le début de son run, a, dans ses épisodes récents (notamment depuis les Volumes 4 et 5, et l'explication de la double identité récupérée par Daredevil puis son combat devant les tribunaux pour légaliser le rôle des justiciers), monté en régime pour aboutir à une saga ambitieuse, tonique, tendue, loin des errements des débuts.

Si Charles Soule ne semble pas pas parti pour céder sa place sur Daredevil dans le grand jeu des chaises musicales du nouveau statu quo Marvel ("Fresh Start") alors qu'il est donc en pleine bourre, à un tournant majeur, qu'est-ce qui lui aura vraiment manquer pour que sa production sur le titre soit plus satisfaisante encore ? La réponse est simple, d'autant plus évidente avec cet épisode : un dessinateur régulier.

A ce jour, les cinq arcs narratifs écrits par le scénariste comptent exactement 34 épisodes et Ron Garney, considéré comme l'artiste titulaire, régulier, de la série, en a dessinés précisément 17, soit finalement seulement la moitié. C'est un total somme toute respectable mais pas suffisant pour être comparé aux prestations de Chris Samnee avec Mark Waid, Michael Lark avec Ed Brubaker, Alex Maleev eavec Brian Bendis, ou pour remonter plus loin John Romita Jr. avec Ann Nocenti par exemple.

Parce qu'il a, cependant, illustré des épisodes mémorables, Garney restera comme le dessinateur de la période Soule (en attendant de voir comment assureront ses remplaçants), mais un peu par défaut. La qualité de sa prestation n'est pas en cause, en tout cas pour ma part je la trouve très honnête, probante, et ce n°600 ne fait pas exception : il assure superbement, servi par un script qui met en valeur ses points forts (le dynamisme du récit, le nombre des scènes d'action), il anime un casting fourni avec une sacrée efficacité, et si ses parti-pris esthétiques (ce trait vif, qui manque parfois de finitions, soutenu par la colorisation de Matt Milla, moins radicale qu'au début de l'aventure) sont discutables, il s'y est tenu, imprimant une personnalité particulière à sa contribution.

Mais incontestablement la série gagnerait à avoir un dessinateur capable d'enchaîner plus de cinq épisodes (de même que Soule devrait arrêter de s'amuser avec les deux costumes de DD, pour bien entendu revenir définitivement au rouge). Mike Henderson (qui a signé les pages de la mini Deadpool vs. Old Man Logan, que je n'ai pas lue mais qu'on dit prometteur) va succéder à Garney, au moins jusqu'au #605. On verra ce que ça donne, mais si Marvel pouvait installer un artiste solide et ponctuel, ce serait parfait (dommage que Schiti ait rejoint Slott sur Iron Man, ou que Greg Smallwood, voire David Marquez, ne soient pas annoncés).

Maintenant que je suis "à jour" avec la série, je vais, moi aussi, voir si je poursuis sa lecture. J'ai quand même envie de savoir où va mener cette situation, en souhaitant donc une embellie graphique.  
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Comme tous les épisodes spéciaux, franchissant une numérotation importante ou racontant une histoire cruciale, à la manière d'un Annual, le n°600 de Daredevil est complété par une back-up story écrite par Christos Gage (scribe fréquent de Dan Slott sur Amazing Spider-Man) et dessinée par Mike Perkins (qui fut longtemps la "doublure" de Steve Epting sur Captain America à l'époque où Ed Brubaker l'écrivait).

L'argument est simple : un passant aperçoit Daredevil discutant avec Foggy Nelson après que le premier soit intervenu et lui demande comment il connaît le justicier. Foggy se remémore les grands moments de son histoire avec "tête à cornes", instantanés dramatiques le plus souvent et parfois plus légers, depuis leur rencontre à la fac de Droit jusqu'à aujourd'hui.

Le résultat est bon, ni plus ni moins. On s'en serait passé sans problème, mais Gage résume habilement les faits en bon artisan qu'il est, et Perkins enchaîne de belles pages. Il n'y a rien de méchant à dire là-dessus, ni de particulièrement flatteur : c'est un aimable bonus, mais éclipsé par le coup de théâtre de l'épisode de Soule et Garney.

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