dimanche 8 avril 2018

ASTONISHING X-MEN #10, de Charles Soule et Aco


L'histoire A Man called X se poursuit avec ce dixième épisode de Astonishing X-Men, écrit par Charles Soule qui fait ce mois-ci équipe avec le dessinateur Aco. Le résultat est ébouriffant mais aussi frustrant, comme si la folie visuelle de l'artiste soulignait plus que jamais les défaillances du scénariste et les limites du concept même de la série. Serait-ce le début de la fin de l'état de grâce pour ce titre ?


Les X-Men survolent le village de Fetters Hill (ou ce qu'il en reste) en Ecosse, où s'est retranché Proteus. Le Blackbird qui les transporte se crashe rapidement dans cette zone où volent des dragons et où, depuis le sommet des murailles dressées autour du village, des guerriers repoussent les intrus avec leurs arcs.


La nature semble devenue folle tout comme les habitants qui, contaminés par Proteus et son pouvoir, se livrent à tous genres d'excès. X a compris comme Psylocke, que le groupe a désigné comme leur chef pour cette opération, que leur ennemi se nourrit en fait de l'énergie psychique des civils pour remodeler la réalité de l'endroit.


Les X-Men doivent affronter le chaos délirant pour épuiser Proteus et le forcer à se battre seul contre eux. Leur progression est difficile mais l'équipe donne tout ce qu'elle, agissant avec cohésion et pugnacité.


Soudain, pourtant, le sol se lève et des mains géantes de terre saisissent chacun des membres des X-Men afin de les isoler. Proteus s'adresse directement à X pour lui exposer ses réflexions et son objectif : dans le plan astral où il était prisonnier avec le Roi d'Ombre et Charles Xavier, il a compris que ces deux-là souhaitaient surtout s'échapper tandis que lui en a profité pour réfléchir aux différences avec notre dimension.


Pour bâtir son Eden sur Terre, il fallait la transformer radicalement. C'est pour cela qu'il a donné aux résidents de Fetters Hill tout ce qu'ils désiraient, pour comprendre que les humains ne cohabiteraient jamais pacifiquement ni entre eux ni encore moins avec les mutants comme le rêvait Xavier. X a beau répliquer que les humains ne comprennent pas spontanément le bénéfice d'une telle alliance, Proteus préfère une solution radicale : il détruit son jardin et donc Fetters Hill !

Par sa conception même qui consiste à attribuer le dessin de chaque épisode à un artiste différent, Astonishing X-Men selon Charles Soule dépend de l'investissement et du talent de chacun de ces artistes. Mais, sur ce point, à de rares exceptions près, on ne peut pas dire que le lecteur a été floué car Marvel a mobilisé du beau monde, pas toujours issu de la "A-list", mais du solide, de l'atypique, de l'original. Certains fans ont apprécié cette diversité stylistique, d'autres moins (préférant que le titre soit pris en charge par un graphiste unique) : pour ma part, je trouve l'expérience intéressante, parfois passionnante.

Mais l'intérêt du procédé porte en lui-même sa limite. Si l'artiste n'est pas inspiré ou l'épisode moins palpitant, la série pique du nez, et le lecteur ne peut qu'espérer un redressement au prochain chapitre. Tout cela rend l'entreprise aléatoire, d'autant plus que si Soule articule la série en arcs narratifs de six épisodes, l'ensemble relève du feuilleton car la transition entre le premier et le deuxième arcs a été organique.

L'autre souci, c'est que si Soule a un talent certain pour échapper aux poncifs liés depuis trop longtemps aux aventures des mutants (les thèmes récurrents et lassants de la persécution, du communautarisme, du débat entre la volonté de s'intégrer à l'humanité ou de s'en tenir éloigné), il adresse quand même beaucoup de clins d'yeux au passé en convoquant des ennemis emblématiques des X-Men (le Roi d'Ombre, Proteus), donnant l'impression parfois roublarde de surtout donner ce qu'attendent les fans au lieu de vouloir les surprendre. Ajoutez-y un souci de plus en plus flagrant et irrésolu pour animer vraiment son équipe (par ailleurs trop fournie) de mutants, et vous comprendrez que plus la série avance, moins paradoxalement elle progresse (au sens de s'améliorer) : elle reste agréable à lire mais sans corriger ses erreurs.

C'est encore une fois évident ici, d'autant plus que les dessins ont été confiés à Aco, artiste dont la biographie est une véritable énigme (j'ignore sa nationalité, son âge, même s'il a aussi bien travaillé pour Marvel que DC) et dont le style est très influencé par le pop-art et Jim Steranko. 

Cette extravagance esthétique aboutit à un épisode en forme de morceau de bravoure : on compte pas moins de 7 doubles pages ! C'est considérable (même si, quand il animait Batwoman, JH Williams III avait livré un épisode entier avec ce découpage, pour que DC soit contraint de placer toutes les pubs à la fin du fascicule), et, je dois l'avouer, un peu fatigant car Aco ne fait pas les choses à moitié : la forme de ses cases, leur disposition sont déjà un vrai feu d'artifices, mais chaque plan grouille de détails, avec un trait fin, et les couleurs flashy de Rachel Rosenberg, sont comme un défi pour le regard le plus aiguisé.

Pour traduire la folie de Proteus à laquelle les X-Men sont confrontés (et le lecteur aussi), c'est parfait, mais quand même un vrai test. Et un écueil car, plus que jamais, cela prouve que la série est totalement dépendante de son artiste : Aco transcende l'exercice et vole la vedette à Soule dont le scénario peine sérieusement à fournir assez de matière pour tenir le choc à un tel traitement. Certes l'équipe se meut pour la première fois comme une formation de combat mais à nouveau, on se demande en quoi Mystique ou Bishop par exemple sont essentiels. Ces Astonishing X-Men ont de l'allure sur le papier mais aucune alchimie dans l'histoire qui les a réunis (réunion déjà très artificielle au départ).

Je vais aller jusqu'au bout de cet arc, même si la perspective de subir Greg Land puis Geraldo Sandoval  aux dessins pour les deux prochains épisodes n'a rien pour me motiver, mais après, très probablement, rideau. Il n'est de bonne compagnie qui ne se quitte et dans le cas de cette série, la magie n'opère plus vraiment car les ficelles sont devenues trop grossières.  

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