vendredi 24 novembre 2017

JUPITER'S LEGACY : BOOK TWO, de Mark Millar et Frank Quitely


Et on passe à la suite de Jupiter's Legacy avec ce Livre II contenant cinq nouveaux épisodes.


Brandon Sampson et son oncle Walter ont établi un nouvel ordre mondial. Mais après avoir assassiné leur leader, Sheldon, qui était respectivement leur père et leur frère, Chloe, leur soeur et nièce, a pris la fuite avec Hutch et Jason. Ce dernier doté comme toute sa famille de super-pouvoirs a fait de ses parents des fugitifs qui, une fois découverts, ont décidé de contre-attaquer... Mark Millar promettait que ce deuxième acte (un troisième est bel et bien programmé à partir de 2019 sous le titre Jupiter's Requiem) serait encore meilleur que le premier. Promesse tenue ?
  

1991 : Skyfox fabrique pour son fils la même arme que son héros favori, Blue Bolt, dont il n'aura droit de se servir qu'une fois adulte. Puis il sort de chez lui, attendu par Walter et son armée de surhommes... 2020 : Hutch, Chloe et Jason procèdent à travers le monde à un recrutement d'anciens super-vilains pour renverser le régime hégémonique mis en place par Brandon et Walter Sampson. Leur dernière cible est Repro, détenu à Dubaï, sous la garde de la redoutable Raikou, fille de Walter. Jason la défie pendant que son père et ses complices vont délivrer leur ami.


Raikou se montre à la hauteur de sa terrible réputation en tenant tête au gang de Hutch qui parvient toutefois à libérer Repro. Ce dernier peut dupliquer les pouvoirs d'autrui et ainsi maîtrise-t-il Raikou. Pendant de temps à Detroit, Brandon présente en grandes pompes un nouveau type de moteur qui relancera l'industrie automobile de la ville, conçu par Jules, le fils de Walter, lorsqu'un djihadiste baptiste se fait exploser. La déflagration est si meurtrière qu'elle cause des milliers de victimes et des dégâts matériels colossaux. Persuadé qu'il s'agissait d'un agent chinois, Brandon, contre l'avis de Walter, décide de riposter et en quelques heures conquiert le pays, dominant ainsi l'économie mondiale. Cependant, en Afrique, dans l'ex-repaire de Skyfox, Jason localise son grand-père que tout le monde croyait pourtant mort.  


Chloe, Jason et Hutch rencontrent, dans une planque en Russie, George Hutchence alias Skyfox, et lui demandent son renfort pour libérer d'autres surhumains du pénitencier de haute sécurité, le Supermax. Mais il refuse, estimant que l'Amérique qui l'a autrefois condamné parce qu'il avait contrarié Walter dans ses plans, mérite d'être écrasée par des dirigeants corrompus aujourd'hui. Le gang se prépare et Chloe demande alors à Hutch de l'épouser une fois que toute cette affaire sera réglée. C'est alors, contre toute attente, que Skyfox se joint à eux.


Jules découvre un satellite sur la Lune, fabriqué par Jason pour détecter les surhumains clandestins et que Walter compte utiliser à son tour pour localiser les super-vilains. Ignorant cela, ces derniers sont donc attaqués par surprise dans leur forteresse volante supposée invisible aux radars. Chloe affronte Brandon tandis que Hutch se bat contre Walter avec Repro. Pendant ce temps, Jason rejoint le Supermax.
   

La bataille finale est épique entre les deux camps mais malgré leur infériorité numérique, les alliés de Hutch prennent l'avantage grâce à l'arrivée de leurs acolytes libérés du Supermax. Hutch tue Walter après que celui-ci ait abattu Skyfox. Chloe se téléporte, grâce à l'arme de Hutch, sur Mars avec Brandon de manière à le neutraliser dans faire courir de risque aux civils. Une fois les dégâts sur Terre réparés, Hutch et Chloe décident de reprendre le flambeau de leurs parents pour guider le monde vers un avenir meilleur tout en laissant aux hommes leur libre arbitre et en conservant une double identité pour vivre sereinement en famille.

La démarche de Mark Millar sur les deux premiers tomes de Jupiter's Legacy ressemble en définitive assez à ce qu'il avait accompli durant son run sur Ultimates. Dans un premier temps, il a posé les bases d'une relecture personnelle des codes d'un univers identifiable facilement (hier la fondation de l'équipe des Avengers, ici celle des premiers super-héros) en les confrontant à des menaces internes (stopper Hulk puis une invasion alien, se débarrasser de The Utopian pour commander le monde). Puis, dans un deuxième temps, orchestrer une riposte d'envergure à partir de la division de la communauté des super-héros en deux camps, avec une supériorité affichée d'une des parties (la cavale et la préparation de la contre-attaque du gang de Hutch et Chloe contre l'armée de Brandon et Walter).

C'est donc évident que ce Book Two gagne en nervosité et en spectaculaire et tient toutes ses promesses en plaisir de lecture. La carte maîtresse de Millar est que, par rapport à Ultimates, outre qu'il est ici libre de faire de qu'il veut avec son histoire et ses personnages principaux, il a considérablement concentré ses arcs narratifs (deux fois cinq épisodes). Le rythme est à la fois soutenu sans être précipité, mais surtout comme le lecteur est désormais en terrain familier, il suit le scénario sans se poser de questions, tous les éléments ayant été admis et assimilés dans leur naïveté comme dans leur énormité.

Millar propose un comic-book qu'il souhaite d'abord divertissant et pour cela il évoque une super-prison avec cinq mille gardes (la grandiloquence du chiffre évite de représenter une telle masse de matons, l'auteur mise sur la complicité du lecteur pour l'absorber et la visualiser afin de rendre la bataille qui s'annonce impossible à gagner par les super-vilains), une invasion de la Chine et sa domination en quelques heures suite à un attentat (attentat lui-même d'une exagération ahurissante) et au caprice de Brandon. L'ambiguïté reste tout de même présente avec Walter qui, devenu Président, même avec des résultats moins positifs qu'espérés, avec son neveu à sa botte, s'emploie à restaurer la grandeur de l'Amérique (ce qui est presque visionnaire de la part de Millar puisqu'on a là le slogan de la campagne électorale de Trump alors que l'histoire a été écrite avant sa victoire). La morale, simple certes, c'est que même avec les meilleures intentions le succès n'est pas garantie, surtout si on applique ses solutions avec trop d'autorité, de manière unilatérale.

Mais ce deuxième acte met surtout l'accent sur le recrutement des amis de Hutch, la préparation de leur riposte pour renverser cet ordre établi. On a droit à une scène d'évasion extraordinaire à Dubaï avec un combat fantastique contre Raiku. Les membres du gang ne bénéficie pas d'un développement caractéristique profond mais séduisent surtout par leur diversité (ethnique, de leurs pouvoirs). Le membre le plus important gagné à la cause est le père de Hutch, présenté comme le plus grand super-vilain ayant agi dans le passé et donné pour mort : la vérité sur son sort, l'effet miroir entre son action et celle de son fils (s'être rebellé contre le régime des Sheldon ou, au contraire, avoir assumé ou non leur rôle de père) produit une émotion rapide mais intense, qui exalte aussi le lecteur en lui faisant reprendre espoir dans l'entreprise de ses outsiders.

Ce développement qui culmine dans les deux derniers chapitres est accompagné superbement par les dessins fantastiques de Frank Quitely qui se surpasse encore une fois. L'artiste britannique donne sa pleine mesure grâce au découpage très cinématographique du script de Millar, souvent avec des planches de quatre bandes, chaque bande formant une case entière, composée de manière à optimiser la profondeur de champ, le détail des décors, la variété des costumes, le naturel (ou le comique aussi parfois) des attitudes.

Puis, quand débute la bataille finale, Quitely se déchaîne avec la même énergie que les deux belligérants : le génie avec lequel il suggère le mouvement (sans recourir à des lignes de vitesse par exemple), l'impact dévastateur des coups, la représentation maximale des pouvoirs, grâce aux angles de vue, aux perspectives, donne une idée parfaite de la puissance de chacun, de la brutalité libérée, de la cruauté et de la malice délivrées. C'est une vraie leçon de narration graphique à laquelle on assiste, qui porte l'histoire à un degré d'intensité supérieur.

La happy end souligne au fond un certain sentimentalisme de la part de Millar, qui, au-delà de ses outrances, témoigne ainsi de sa passion pour le genre qu'il aborde, le respect de ses codes mais aussi sa volonté de les honorer en les dépassant. Tout cela se retrouve en fait dans plusieurs de ses productions de son label "Millarworld", quel que soit l'éditeur qui les distribue. Mais il demeure fort possible que cela soit nuancé avec le troisième et dernier acte, sous-titré Requiem, prévu à partir de 2019, où après avoir engendré cette dynastie de surhommes, puis leur division, l'auteur semble suggérer qu'il conclura avec le récit de leur crépuscule.     

1 commentaire:

Anonyme a dit…

C'est quand même un peu sadique de mettre l'eau à la bouche alors que c'est pas sorti en France :-) Du coup, ben je lis qu'en diagonale pour ne pas trop me faire déflorer. Et je me promets de revenir lorsque je l'aurai lu.
Alors que quand c'est déjà sorti, je me dis "whaaa, il faut que je le relise". C'est comme ça que nous avons relu, par exemple, nos Blueberry en même temps (enfin, en léger décalage, donc).