dimanche 22 octobre 2017

UNCANNY AVENGERS (VOLUME II) : COUNTER-EVOLUTIONARY, de Rick Remender et Daniel Acuña


Jetons un coup d'oeil dans le rétroviseur et examinons le très bref Volume II de la série Uncanny Avengers avec son unique arc narratif, en cinq épisodes : Counter-Evolutionary. Rick Remender y faisait ses adieux au titre qu'il avait lancé, juste avant que la saga globale Secret Wars de Jonathan Hickman ne chamboule tout.

Pour contextualiser ce récit, un rappel s'impose : durant la saga globale Avengers & X-men : Axis, écrite par Remender (et dont la sinistre réputation m'a dissuadé de la lire), Scarlet Witch, manipulée télépathiquement par Crâne Rouge, jette un sort d'inversion. Tous (ou presque) les héros deviennent des vilains et (presque) vice-versa. A la fin, la situation est partiellement rétablie mais surtout, entretemps, Wanda Maximoff et frère jumeau Pietro, alias Quicksilver, ont appris que Magneto n'était pas leur père biologique.
Cette histoire, Remender l'avait initialement prévue pour la série Uncanny Avengers mais le staff éditorial s'en mêla et contraint le scénariste à lui donner plus d'envergure. Dessinée par Jim Cheung, Adam Kubert et Terry Dodson (ce qui donne un aperçu du grand n'importe quoi de l'entreprise, les styles de ces trois-là n'ayant rien en commun et certains terminant parfois l'épisode de son collègue), la saga est, avec Age of Ultron (de Brian Michael Bendis, Bryan Hitch, Carlos Pacheco et Brandon Peterson), une des pires produites par Marvel ces dernières années.

Mais revenons à cette deuxième génération des Uncanny Avengers.


Pour connaître la vérité sur leurs origines familiales, les jumeaux Maximoff se rendent sur la Contre-Terre, située derrière notre soleil, et sur laquelle règne le Maître de l'Evolution, un généticien fou et extrêmement puissant (il a eu accès à la technologie des Célestes et aux Gemmes de l'Infini). L'arrivée des deux mutants ne passent pas inaperçue et, avant qu'ils aient obtenu des informations pertinentes, ils sont capturés par un mystérieux individu. Sur Terre, Rogue a assemblé une nouvelle équipe de X-Men et d'Avengers - Vision, Dr Voodoo, Captain America (Sam Wilson), Sabretooth (toujours "inversé" psychologiquement depuis Axis) - et a remonté la piste de Scarlet Witch et Quicksilver jusqu'aux monts Wundagore. Attaqué par une sentinelle, le Dr Voodoo téléporte ses acolytes mais son sort les disperse sur la Contre-Terre.



Vision rencontre Eve, une synthésoïde comme lui, avec laquelle il s'accouple. Rogue est détenue par un scientifique à la solde du Maître de l'Evolution, mais qui réalise des expériences secrètes. Captain America est prisonnier de créatures végétales qui le transforment en hybride. Sabretooth surgit dans la capitale de ce monde et le Maître de l'Evolution le neutralise, fasciné par ses pouvoirs régénérateurs mutants. Dr Voodoo découvre un temple abandonné où les âmes des victimes du Maître de l'Evolution réclament vengeance. 


Scarlet Witch et Quicksilver sont, eux, parmi une bande de résistants humains et hybrides, dirigée par le fils du Maître de l'Evolution qui envoie pour les abattre sa fille, génétiquement améliorée, Luminous. Sabretooth, qui l'accompagne, asservi, se rebelle et aide les dissidents, permettant aux jumeaux Maximoff de gagner la capitale. Ils y libèrent Rogue et retrouvent Captain America.


Pendant ce temps, Vision doit choisir entre suivre Eve et éduquer leur progéniture, loin de la haine des hommes qui, comme sa compagne en est certaine, court à leur propre perte et refuseront leur famille comme ils rejettent les mutants, ou partir aider ses amis contre le Maître de l'Evolution. La bataille bat son plein au coeur de la capitale de la Contre-Terre et les Uncanny Avengers sont en difficulté contre de puissants adversaires comme Luminous et son père.


C'est alors que le Dr Voodoo surgit et libère les âmes des victimes du Maître de l'Evolution contre lui, le forçant à fuir par un portail dimensionnel après avoir prédit à ses ennemis une future guerre et révélé à Scarlet Witch et Quicksilver qu'ils lui doivent leurs pouvoirs grâce à ses expériences lorsqu'il les enleva à leurs parents bohémiens. De retour sur Terre, les héros pansent leurs plaies, Vision réconfortant particulièrement Wanda Maximoff avec laquelle il partage désormais la douleur d'avoir été séparé des siens...

Ce qui frappe dans cette histoire, c'est sa densité, mais avec la conviction que Rick Remender a dû se montrer concis à cause de l'imminence de la saga Secret Wars, au cours de laquelle Marvel suspendit toutes ses séries pour en faire des tie-in à l'intrigue de Jonathan Hickman.

Déjà frustré d'avoir été dépossédé d'Avengers & X-Men : Axis, initialement intitulé Inversion si l'histoire avait été conservée pour la seule série Uncanny Avengers, le scénariste a enchaîné avec ce deuxième Volume du titre sans certainement se douter qu'il ne durerait que cinq petits épisodes. C'est assez flagrant quand on note toutes les pistes narratives qu'il ouvre dans cet arc - et qui n'ont pas été développés depuis par Gerry Duggan, le nouvel auteur de la série - : il est notamment question à la fin d'une menace formulée par le Maître de l'Evolution d'une future et terrible guerre de l'évolution, juste avant qu'il ne s'éclipse avec sa fille, Luminous.

Par ailleurs, avec Axis, la réécriture des origines familiales de Scarlet Witch et Quicksilver suscita de vives réactions chez les fans de ces personnages : en ne faisant plus de Magneto leur père biologique mais le produit d'expériences menées par le Maître de l'Evolution sur deux nouveaux-nés enlevés à des gitans, Remender avait certainement des plans pour creuser cette affaire au moins aussi profondément que les fautes du passé de Thor et Wolverine dans le Volume I de la série (qui aboutirent à la vengeance des jumeaux Apocalypse, la création de la Planète X, le piège de Kang).

Bref, on a le sentiment que Remender en avait gardé beaucoup en réserve et que Secret Wars a fait voler ses plans en éclats. A la même époque, il acheva un premier run sur Captain America et venait de lancer sa suite en donnant le bouclier à Sam Wilson, mais, là, Marvel conserva l'idée et Nick Spencer l'exploita très (trop) politiquement jusque récemment (le mois prochain, Mark Waid et Chris Samnee auront la lourde tâche de redonner du lustre au Captain avec Steve Rogers de nouveau en possession de son bouclier).

Enfin, Remender écrivit, parallèlement à ce Volume II, un récit complet, Rage of Ultron, centré sur la relation entre Hank Pym et son fameux androïde dément, à laquelle se mêlaient deux générations d'Avengers (l'équipe des années 70 et celle des Uncanny Avengers). Tout ce réseau d'histoires, brassant des personnages iconiques, devait certainement converger...

Donc, la lecture de Counter-Evolutionary ressemble souvent à une grande bande-annonce pour cet ensemble d'intrigues abandonnées par Remender (qui a quitté Marvel pour ne plus se consacrer qu'à ses oeuvres en creator-owned, notamment chez Image Comics - Low, Deadly class, Black science, Seven to eternity...). C'est passionnant mais terriblement frustrant, parfois un peu maladroit (l'équipe est vite et trop longtemps séparée) mais prometteur (le Dr Voodoo y opère un retour en force, la situation de Vision inspirera la mini-série de Tom King, l'inversion de Sabretooth est positivement étonnante contre toute attente...). En outre, le méchant de l'histoire est vraiment original, avec des motivations atypiques.

Et puis il y a Daniel Acuña au dessin et l'espagnol donne la pleine mesure de son grand talent, après avoir prouvé avec le Volume I de la série, qu'il méritait la confiance de Marvel. Son traitement éclatant des couleurs, l'expressivité des personnages (à qui il donne une gestuelle propre, une attitude distincte, résumant superbement leur caractérisation), le dynamisme de son découpage, sont autant d'atouts pour la relance du titre. C'est là aussi bien dommage que sa collaboration, complice, avec Remender, ait été interrompue alors qu'elle semblait bien partie pour un nouvel acte d'envergure (à l'heure qu'il est, Acuña, aussi incroyable que ça peut l'être, n'a plus de série régulière !).

Beaucoup de regrets donc, à la mesure du plaisir pris à cette lecture (même si Gerry Duggan ne démérite pas depuis sa reprise de la série).

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