mardi 17 novembre 2015

Critique 753 : CHINAMAN, TOME 7 - AFFRONTEMENTS A BLUE HILL, de Serge Le Tendre et Olivier Taduc


CHINAMAN : AFFRONTEMENTS A BLUE HILL est le septième tome de la série, écrit par Serge Le Tendre (avec la collaboration de Chantal) et dessiné par Olivier TaDuc, publié en 2004 par Dupuis.
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Pour conserver le soutien du seigneur Zi Ding, un chef des Triades de San Francisco, le Maître d'arts martiaux Yuen accepte de conduire ses meilleurs disciples jusqu'à Blue Hill où réside John Chinaman. En battant cette légende vivante, il retrouverait tout son prestige.
A Blue Hill, justement, la situation est déjà tendue : des ouvriers, appuyés par le notable Dood, aimeraient que les chinois soient plus rapidement expulsés, après le vote d'une loi en ce sens au Sénat, car ils les accusent de voler leurs emplois des américains.
Rapidement, Chinaman est confronté, successivement, aux élèves de Maître Yuen, qu'il vainc sans difficultés. Mais ces combats n'échappent pas à Shorty, un supporteur de Dood, qui compte en profiter pour que les habitants de Blue Hill chassent ces menaçants chinois.
Chinaman jure à sa compagne, l'institutrice Ada, qu'il n'a pas le choix et part affronter Maître Yuen. Dood lance alors son attaque, dont l'issue, dramatique, fera des morts de chaque côté...

Il y a quatre ans de ça, j'avais découvert et beaucoup aimé lire les six premiers tomes de la série écrite par Le Tendre et dessinée par TaDuc, mais en oubliant d'emprunter ce septième épisode - le dernier acheté par la bibliothèque municipale de ma ville (le titre en comptait encore deux autres, mais je n'attends plus qu'ils soient commandés).

Je répare donc cet oubli, avec du retard, mais mieux vaut tard que jamais. Et c'est avec un vrai plaisir que j'ai renoué avec les aventures de Chinaman. L'oeuvre de Le Tendre est certes classique mais efficace et non dénué d'originalité, grâce à la nature même de son héros, combattant chinois longtemps contraint à la fuite et dont les exploits face à l'adversité ont forgé la légende.

La légende de Chinaman, c'est justement l'un des ressorts sur lequel est fondée cette histoire puisqu'un maître d'arts martiaux, pour garder les faveurs d'un seigneur des Triades, accepte d'aller le défier. Serge Le Tendre développe cette idée (avec la participation de Chantal) en soulignant le contraste entre les ambitions de Yuen et l'aspiration de John Chinaman à vouloir vivre en paix (avec la femme - blanche - qu'il aime et ses amis) parce qu'il est las de se battre mais aussi soucieux de s'intégrer.    

La progression dramatique du récit ne s'appuie pas seulement sur une succession de duels spectaculaires mais aussi sur la tension qui électrise la bourgade de Blue Hill, au lendemain d'une loi voté au Sénat pour expulser les chinois du territoire américain. Le racisme des uns se lie à l'arrivisme des autres, via les personnages de Shorty, pathétique gredin, et Dood, notable qui veut outrepasser l'autorité du shérif.

Le dénouement est particulièrement violent et cruel, personne n'en sortira indemne, et on devine l'intention de l'auteur qui est de renvoyer Chinaman à son errance, donc vers de nouvelles aventures. Pourtant, la série ne survivra pas longtemps à cette manoeuvre : le titre se conclura après deux autres tomes (pour la première fois d'ailleurs composé en diptyque)... Mais Le Tendre rebondira, toujours avec TaDuc, pour une nouvelle production, Griffe Blanche (chez Dargaud).

Olivier TaDuc est un artiste que j'ai découvert avec Chinaman et dont j'apprécie le style, sobre mais irréprochable. Sa manière d'animer les personnages, qu'il rend très expressifs, trouve sa pleine mesure dans les scènes de combat : bien qu'utilisant un découpage classique, ses compositions sont très dynamiques, suggérant intelligemment le mouvement, variant les angles, faisant bien ressentir les impacts.

Le soin qu'il met à illustrer les décors, souvent en extérieurs dans cette histoire, témoigne aussi d'une belle exigence, et il dose impeccablement les détails nécessaires au style réaliste dans lequel il s'inscrit sans saturer le regard du lecteur. Le fait qu'il effectue, avec Nadine Voillat, la colorisation lui permet aussi d'entretenir de belles ambiances - ici, l'action se situe à la fin de l'automne, début de l'hiver et donne lieu à des plans dont la palette progresse subtilement de teintes chaudes à d'autres plus froides. Quant, à la fin, le sang des belligérants éclabousse la neige, l'effet est saisissant.

Chinaman est un western atypique, qui mérite l'attention des amateurs du genre mais aussi celle des fans d'une bande dessinée à la qualité constante depuis ses débuts.

1 commentaire:

artemus dada a dit…

Belle idée que de parler de cette série que j'avais découverte il y a de ça pas mal de temps, et que j'ai un peu (litote) laissée en plan.
Merci de me la remémorer.