mardi 3 novembre 2015

Critique 741 : THE AMERICANS - L'Intégrale de la Saison 2


Après avoir pu (enfin !) me l'acheter à un bon prix, j'ai visionné l'intégrale de la saison 2 de la série télé THE AMERICANS. Je vous avais très vivement conseillé l'intégrale de la saison 1 de The Americans dans ma 435ème critique, et ces treize nouveaux épisodes sont aussi recommandables.
*
L'action reprend trois mois après la fin de la première saison, alors qu'Elizabeth Jennings, qui avait été blessée en mission, rentre auprès de son mari, Philip, et leurs deux enfants, Paige et Henry.
Philip et Elizabeth Jennings
(Matthew Rhys et Keri Russell)

Les deux espions russes installés aux Etats-Unis au début des années 80 ne tardent pas à reprendre leurs missions, désormais dirigées par leur nouvelle agent de liaison avec le KGB, Kate. 
Elizabeth, Philip et Kate
(Keri Russell, Matthew Rhys et Wrenn Schmidt)

Ils collaborent pour l'une d'elles avec un autre couple d'infiltrés, eux aussi parents de deux enfants. Emmett et Leanne travaillent avec un scientifique américain pour en savoir plus sur un nouveau modèle d'avion militaire dît "furtif", capable d'échapper aux radars.
Mais la situation prend une tournure dramatique lorsque Philip et Elizabeth découvrent que leurs amis ont été assassinés avec leur fille - seul leur fils aîné, Jared, a échappé au carnage. Bien que les Jennings aient reçu l'ordre de s'informer et de saboter l'Arpanet, prototype de l'Internet, ils sont contactés par leur ancien agent de liaison, Claudia, pour enquêter et éliminer celui qui a tué Emmett et Leanne mais aussi surveiller et protéger Jared.
Elizabeth et Paige Jennings
(Keri Russell et Holly Taylor)

Pour ne rien arranger, Paige Jennings apprend à ses parents qu'elle intégré au collège un groupe catholique : l'adolescente cherche un but à sa vie mais son choix déplaît à son père et à sa mère. Henry, lui, réclame, en vain, une console de jeu vidéo comme celle que possèdent les enfants de leurs voisins et, frustré, finit par entrer chez ces derniers en leur absence pour s'amuser.
Frank Gaad et Stan Beeman
(Richard Thomas et Noah Emmerich)

Stan Beeman, l'agent du FBI, n'est guère plus heureux : il enrage de n'avoir pu arrêter les "illégaux" russes, dont il ignore toujours qu'il s'agit des Jennings ; voit son supérieur hiérarchique et ami, Frank Gaad sanctionné à cause de cet échec, et sa vie privée sombre quand son épouse lui révèle avoir un amant et vouloir divorcer.
Le capitaine Andrew Larrick
(Lee Tergesen)

Les investigations des Jennings les mènent jusqu'au capitaine Andrew Larrick, un membre des Navy Seals, mais le Centre des opérations leur commande de ne pas le supprimer car il peut leur permettre de pénétrer dans un camp militaire où des contras sont formés pour mener la lutte armée contre le gouvernement sandiniste du Nicaragua (qui a succédé au dictateur Somoza).
Lucia
(Aimee Carrero)

Elizabeth devra sacrifier une recrue cubaine, Lucia, pour cette mission car elle voulait tuer Larrick qu'elle tenait pour responsable de la mort des siens. 
Philip/Clark et Martha Hanson
(Matthew Rhys et Alyson Wright)

Philip, sous l'identité de Clark, doit aussi composer avec Martha Hanson, qu'il a épousé pour surveiller le bureau du FBI où elle est secrétaire, et qui se plaint de leur vie commune (elle veut des enfants et pas lui, aspire à un meilleur poste...).
L'infiltration du camp Martial Eagle se passe mal : pour photographier l'entraînement des contras par la CIA, Philip et Elizabeth sont obligés de tuer plusieurs Marines qui gardent l'endroit.
Pendant ce temps, Paige assiste à une manifestation pacifiste organisée par le groupe catholique de son collège qui se solde par l'arrestation de plusieurs encadrants.
Oleg Burov
(Costa Ronin)

A la Rezidentura, Arkady Ivanovich doit composer avec l'arrivée du fils d'un haut dignitaire soviétique, Oleg Burov, spécialiste en technologie de pointe, qui supervise donc les opérations liées à l'Arpanet (dont Philip a réussi à saboter une installation) et à l'avion "furtif" (qui serait indétectable grâce à sa peinture spéciale). 
Nina Sergeeva et Arkady Ivanovich
(Annet Mahendru et Lev Gorn)

Nina Sergeeva devient la maîtresse de Burov après qu'il ait appris sa liaison avec Stan Beeman. Mais l'attitude de Nina déplaît en haut lieu où elle est soupçonnée de trahison. Elle demande son aide à Beeman qui lui promet de l'exfiltrer.
Larrick, ayant appris la mort des Marines au camp Martial Eagle, rentre du Nicaragua, déterminé à faire payer les Jennings et le fils de Emmett et Leanne.
Stan Beeman
(Noah Emmerich)

Le KGB fait pression sur Beeman pour obtenir des informations sur l'Arpanet en échange de la libération de Nina, mais il préfère in fine abandonner la jeune femme plutôt que trahir son pays.
Elizabeth et Philip Jennings
(Keri Russell et Matthew Rhys)

Les Jennings apprennent le retour de Larrick quand ils découvrent qu'il a tué Kate. Elizabeth part retrouver Jared pour le protéger mais Larrick piège Philip pour les rejoindre, elle et le fils d'Emmet et Leanne. Jared réussit à abattre Larrick mais celui-ci le blesse mortellement : agonisant, le garçon avoue aux Jennings qu'il a lui-même assassiné ses parents pour le compte du KGB.
Claudia, Elizabeth et Philip
(Margo Martindale, Keri Russell et Matthew Rhys)

Claudia explique enfin à Philip et Elizabeth que le Centre veut recruter leur fille Paige pour en faire une espionne de "deuxième génération" (comme Jared) : née aux Etats-Unis, elle pourrait intégrer le FBI ou la CIA. 

La première saison The Americans m'avait tellement épaté que je redoutais de découvrir la suite, et c'est sans doute pour cela que j'ai tardé à me procurer l'intégrale en DVD (même si j'ai aussi attendu de la trouver à un bon prix). Mais je n'ai pas été déçu par ces treize nouveaux épisodes, qui confirment non seulement tout le bien des treize précédents mais aussi la montée en puissance de la série.

Les personnages principaux et leurs situations (professionnelles et privées) ayant été exposés, le programme peut désormais être développé dans de nouvelles directions qui enrichissent ses héros et leurs intrigues.

Entourés d'une solide équipe de huit scénaristes, le showrunner Joe Weisberg et son co-auteur et consultant Joe Fields (ancien des services de renseignements américains) ont construit cette nouvelle saison autour de deux pistes narratives :

- d'un côté, les Jennings doivent (en plus de leurs missions pour découvrir les secrets de fabrication d'un avion "furtif" et pour saboter l'Arpanet, version initiale et militaire du réseau de communication Internet) enquêter sur le meurtrier de leurs collègues ;
- et de l'autre, négocier leur vie de couple (tour à tour éprouvée et solidifiée par les opérations sur le terrain) et familiale (avec les affres de l'adolescence que traversent leurs enfants - Paige s'ouvrant à la religion catholique, Henry commettant un délit mineur).

Une des grandes forces de la série demeure dans sa manière de conjuguer l'intime et tout ce qui relève du métier d'espion. En s'inspirant de faits réels tout en les réinterprétant mais sans trop les romancer, l'effet de sidération continue d'opérer sur le téléspectateur, parfois de façon presque comique (le couple surréaliste formé par Philip/Clark et Martha), le plus souvent dramatiquement (Elizabeth ayant appris que Philip se montrait "animal" au lit avec Martha et réclamant qu'il lui fasse l'amour ainsi, ce qui aboutit à une douloureuse prise de conscience ; ou l'aveu final de Claudia qui explique aux Jennings que le KGB veut former une nouvelle génération d'espions avec les enfants des premiers infiltrés).

Des scènes glaçantes font l'effet d'électrochocs tout au long des treize épisodes, de l'assassinat d'Emmett et Leanne à la mort de leur fils Jared en passant par le sacrifice consenti par Elizabeth lorsqu'elle laisse Larrick tuer Lucia ou le bannissement de Nina abandonnée par Stan Beeman et que ne peut sauver Oleg Burov malgré ses relations. Il ne s'agit pas simplement de sacrifier des personnages pour créer des sensations faciles mais bien pour prouver que personne n'est à l'abri : le procédé, subtilement employé, maintient une tension constante et procure une expérience immersive chez le téléspectateur.

Chaque rôle est soigneusement écrit, Lucia, une cubaine servant les soviétiques, en est un parfait exemple : personnage secondaire, ses motivations sont compréhensibles et sa fin est aussi cruelle que poignante, provoquant l'effroi devant la réaction d'Elizabeth. Celle-ci devient encore plus fascinante dans cette deuxième saison, sa détermination froide mue par l'instinct de survie mais aussi par sa foi en la cause de la mère-patrie culminant dans le dénouement lorsqu'elle pense que l'enrôlement de sa propre fille par le KGB serait peut-être positif.

Dans The Americans, ainsi, ce qui meut un personnage impacte souvent un (ou plusieurs) autre(s) : face à son épouse qu'il retrouve d'abord avec soulagement (après sa grave blessure en mission lors de la saison 1), Philip est progressivement rongé par le doute - doutes multiples, par rapport à la justesse de leurs missions, par rapport aux morts qu'elles provoquent, par rapport au fait que sa femme doit coucher avec d'autres hommes pour le travail, au fait qu'il soit en couple avec une autre femme, par rapport à l'embrigadement de sa fille (par un groupe religieux puis par le KGB). On le devine tenté par la vie américaine, le confort qu'elle procure (matérialisé par l'acquisition d'une voiture d'un modèle ostentatoire), même s'il n'a pas envie de trahir (ce qui en ferait à la fois un fugitif/condamné mais aussi lui ferait perdre Elizabeth et menacerait ses enfants).

La relation entre Nina et Beeman s'étoffe aussi tragiquement : la jeune secrétaire de la Rezidentura manipule l'agent du FBI et le trompe même en cédant au charme de l'apparatchik Oleg Burov, mais son zèle n'est pas récompensé puisque assimilé à de la trahison par les autorités russes. Au bout du compte, elle ne sera ni sauvée par son amant pourtant influent mais impuissant à ce niveau ni par cet américain plus attaché à son pays qu'à ses sentiments amoureux.

En revanche, on peut regretter que les scénaristes n'aient pas été aussi inspirés avec le subplot impliquant Jared, le fils aîné d'Emmett et Leanne : en en faisant un assassin parricide, sans qu'on comprenne bien pourquoi il a dû éliminer ses propres parents (pour prouver sa loyauté ? Pour réussir une sorte de test ? Parce que ses parents étaient soupçonnés de trahison ou jugés insuffisamment efficaces dans leur dernière mission ? Par amour pour Kate ?), sa fin manque singulièrement de finesse alors que, ensuite, la révélation par Claudia du projet d'une deuxième génération d'espions, composée d'enfants d'infiltrés, est un coup de théâtre extraordinaire efficace.

De même, le personnage de Larrick est inégal : tour à tour suspect puis complice des Jennings avant d'en devenir le chasseur, son évolution est un peu tarabiscotée puisqu'il accepte (même s'il le fait sans plaisir) d'aider des russes à infiltrer un camp militaire puis, apprenant que des Marines ont été tués dans cette opération, se mue en vengeur (peu évident à admettre de la part d'un militaire qui devait bien se douter qu'il ne collaborait pas avec des enfants de choeur).

Mais ces réserves ne suffisent pas à entamer la forte impression que laisse ces nouveaux épisodes et l'envie de suivre les prochaines aventures des "Americans". L'écriture est suffisamment solide et accrocheuse et la réalisation reste d'une qualité imparable, soutenue par une direction artistique infaillible (la reconstitution des costumes, décors, le travail sur la photographie, les ambiances soulignées par la bande-son sont irréprochables sans trop accaparer l'attention).

Et puis l'interprétation est exceptionnelle : Keri Russell domine la distribution en habitant littéralement son personnage auquel elle donne un mix d'élégance et de froideur tout à fait remarquable. Elle dispose de plusieurs grands moments, de scènes mémorables.
Face à elle, Matthew Rhys est aussi excellent, jouant avec sensibilité un homme dont le mystère des origines laisse apparaître des failles passionnantes : ce rôle complexe, il lui donne de la chair avec une composition très sobre (de l'underplay).
Noah Emmerich continue d'imposer son personnage aussi massif que tourmenté avec une intensité épatante, formant avec Annet Mahendru un couple détonant, elle conférant au rôle de Nina une dimension sensuelle et très émouvante.

Dans des seconds rôles, Lev Gorn (fabuleux en chef de la Rezidentura), Richard Thomas (parfait dans celui de son homologue au FBI), Costa Ronin (plus vrai que nature en fils de, séducteur et arriviste), et Holly Taylor (exemplaire en adolescente déchirée entre ses parents et ses convictions) complètent le casting, où on retrouve les formidables Margo Matindale et Alyson Wright. Lee Tergesen incarne avec une présence idéalement menaçante le capitaine Larrick.

A la fois digne suite d'une première saison de haut vol et ensemble auto-contenu, ce deuxième acte de The Americans confirme le brio de cette production de la chaîne FX. On peut attendre un troisième mouvement palpitant en toute confiance. 

Aucun commentaire: