mardi 25 octobre 2011

Critique 276 : ULTIMATE NEW ULTIMATES, de Jeph Loeb et Frank Cho

L'impressionnante fresque dessinée par Frank Cho,
qui a servi de couverture au premier épisode.


Ultimate New Ultimates : Thor Reborn rassemble les cinq épisodes de la série écrite par Jeph Loeb et dessinée par Frank Cho, publiée par Marvel Comics en 2010 et 2011.
*
Le terroriste mutant Magnéto a ravagé la terre et péri en affrontant divers héros, qui ont subi de lourdes pertes dans la bataille (cf. la saga Ultimatum). Les Ultimates ont ainsi perdu l'un de leurs plus puissants membres, le dieu nordique Thor, qui séjourne désormais au royaume des morts, le Valhalla, sous la coupe d'Héla.
D'autres héros sont venus grossir les rangs de l'ancienne équipe rassemblée par Nick Fury, dont Zarda (de l'Escadron Suprême, sur la terre parallèle duquel Fury se trouve désormais), la Panthère Noire, Ka-Zar, sa compagne Shanna, et Walkyrie (l'amante de Thor).
Bien qu'ayant pris leurs distances avec le gouvernement, les Ultimates résident, depuis la destruction du manoir de Tony Stark (leur mécène, alias Iron Man), au Triskélion, dirigé par le colonel Carol Danvers. C'est là qu'ils sont pris à parti par les Défenseurs, d'anciens justiciers au rabais maintenant pourvus de capacités surhumaines. Après un bref combat contre ses anciens partenaires, Walkyrie perd le marteau de Thor.
Peu après, Amora l'Enchanteresse d'Asgard envoûte Zarda (éconduite par Captain America), Walkyrie (renvoyée des Ultimates) et Carol Danvers (surprise au lit avec Stark par Oeil-de-Faucon). Loki se sert des trois femmes pour défier les héros, qui sont rapidement vaincus.
Pendant ce temps, au Valhalla, Thor accepte de donner un héritier à Héla pour retrouver le monde des vivants. Mais le retour du dieu du tonnerre ne sera effectif qu'au prix d'un sacrifice sur Terre : qui va mourir pour lui permettre de ressuciter ? Et reviendra-t-il à temps pour défaire le plan de Loki ?
*
Après les deux premiers volumes des Ultimates signés Mark Millar et Bryan Hitch, qui mêlaient l'aventure épique et la critique politique, Jeph Loeb a été désigné pour reprendre les rênes de la série et ensuite réformer en profondeur la gamme Ultimate. Le résultat fut un crossover, Ultimatum, qui provoqua majoritairement un vif rejet de la part des fans de la première heure : la dimension idéologique de la période Millar a été totalement effacée au profit de récits toujours aussi spectaculaires mais aussi complaisamment violents. Beaucoup de personnages ont été éliminés pour justifier l'électrochoc et une refonte des titres de la collection (exit Ultimate X-men et Ultimate Fantartic Four, lancement de Ultimate Avengers et de New Ultimates, relaunch d'Ultimate Spider-Man - c'est d'ailleurs la série écrite par Bendis qui s'en est finalement le mieux sortie).
Tandis que Millar a animé les Ultimate Avengers (version black ops des héros), sans réussir à renouer avec ses précédents succès (sans doute car il avait déjà décidé de ne plus se consacrer vraiment qu'à ses creator-owned), Jeph Loeb a tenté avec New Ultimates de renouer avec les grands moments des premiers Ultimates, en privilégiant le grand spectacle et en ramenant des personnages emblématiques.

Les cinq épisodes de cet album forment l'arc Thor Reborn, un titre sybillin. En ce qui concerne le grand spectacle, on en a effectivement pour son argent : le casting est pléthorique et les menaces ont une envergure énorme (dragons et trolls à foison et dégâts matériels au diapason). Par contre, ne vous attendez pas à une quelconque réflexion sur le pouvoir, la politique ou le sens de la vie (à moins d'être bouleversé par des considérations lacrymales sur le cancer de Stark et la difficile condition des dieux asgardiens) : s'il y a une leçon à tirer de ce qu'est devenu l'Ultimate-verse depuis Ultimatum, c'est qu'on ne renouera jamais avec le ton des premières années de la gamme, quand Millar revisitait avec insolence les origines des héros Marvel.
Loeb adopte une narration différente pour chaque épisode : tour à tour, l'action est accompagnée par les voix-off d'Iron Man, Captain America, Walkyrie, Loki et Thor. Mais cette béquille scénaristique fait davantage boîter l'histoire qu'elle ne l'aide à marcher droit et mieux. Au mieux, cela induit une distance à l'ironie peu efficace, au pire elle alourdit le propos et surligne les actes de chaque protagoniste (le pire étant le chapitre avec un Thor déchaîné qui monologue intérieurement... Sur la colère qui l'anime ! Si après ça, vous n'avez pas compris qu'il est vraiment pas content...).

Néanmoins, et c'est peut-être à la fois le plus étonnant et le plus notable, c'est que tout ça se lit plutôt agréablement, sans ennui. Mais le mérite en revient surtout, soyons honnête, à Frank Cho.
Fidèle à sa réputation, le dessinateur a pris son temps pour achever son ouvrage (deux mois entre chacun des trois premiers épisodes, puis trois mois entre le troisième et le quatrième, et quatre autres pour boucler le dernier). Cho a toujours justifié ses retards en expliquant que c'était seulement en prenant son temps qu'un artiste pouvait livrer des planches aussi peaufinées que celles des bédés européennes (encore faut-il savoir quelles bédés européennes...).
Mais il faut lui reconnaître qu'il livre effectivement des pages souvent somptueuses : ce n'est pas un fabuleux storyteller, capable de découper un script avec une fluidité incroyable ni une inventivité folle, par contre il produit des fresques incroyablement détaillées, d'une puissance rare. Pour une histoire dont deux des acteurs principaux sont des dieux, il fallait bien ça.
Et puis, le casting féminin, avec des créatures comme Zarda, Walkyrie, Carol Danvers, Amora ou Shanna, permet à Cho de s'adonner à son exercice favori, le "good girl art", avec des pin-ups pulpeuses à souhait (même si on peut préférer quand il le fait dans ses strips humoristiques dans Liberty Meadows).
  *
Un comic-book aussi régressif que punchy : visuellement bluffant mais dommage que l'histoire ne le soit pas aussi. On verra si Jonathan Hickman et Esad Ribic arrivent à redonner un lustre durable aux Ultimates dans leur prochaine incarnation. 

Aucun commentaire: