mardi 11 octobre 2011

Critique 272 : NORTH 40, d'Aaron Williams et Fiona Staples

North 40 est un récit complet en 6 épisodes écrit par Aaron Williams et illustré par Fiona Staples, publié en 2009 par DC Comics dans la collection Wildstorm.
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Deux amis, la gothique Dyan et le bedonnant Robert, découvre dans la bibliothèque municipale de Conover County, un bled perdu, un étrange grimoire qui transforme en une nuit toute la localité et ses habitants. La majorité devient des monstres difformes, seuls quelques-uns échappent au pire et héritent de facultés surhumaines comme le jeune Wyatt (capable de voler et quasi-invulnérable), la belle Amanda (dôtée de pouvoirs magiques) ou le flegmatique shériff Morgan (qui semble avoir déjà eu affaire à une situation similaire dans le passé). Entre les habitants transformés à maîtriser et la réapparition d'un effrayant poulpe tout droit sorti de chez H.P. Lovecraft, seul le fait que la crise ne dépasse pas les limites de la bourgade est une bonne nouvelle...
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Ce comic-book est un drôle d'ouvrage : les influences de Lovecraft, avec sa menace identique au mythique Cthulu, et de Stephen King, avec une action horrifique circonscrite à un trou perdu de l'Amérique profonde, sont manifestes. Mais le scénariste Aaron Williams a pris le parti d'en rire et son récit croise à la fois les conventions du genre et sa parodie.
Plus que l'intrigue, somme tout classique, ce sont les personnages qui donnent tout son sel au projet, et sur ce point d'ailleurs la couverture est un peu mensongère car elle indique que Dyan et Robert sont les héros alors qu'en termes de présence à l'image ils n'apparaissent qu'au tout début et à la toute fin. Non, les vrais protagonistes de ce récit sont l'impayable shériff Morgan, qui traverse toutes les situations, des plus absurdes aux plus atroces, avec un détachement, et en usant d'un langage aussi débonnaire, souvent hilarants :  la raison de son calme nous est expliqués dans les derniers chapitres, de manière allusive, en faisant référence à une précédente crise semblable.
Ensuite, il y a le jeune Wyatt, qui va devenir l'adjoint du shériff, et la belle métisse Amanda, élevée au rang de sorcière : autant elle joue son rôle avec un naturel déconcertant, autant il est dépassé par ce qui se passe et force sa nature pour sauver ce qui peut l'être.
Ce trio improbable traverse l'histoire en croisant des êtres difformes, des vampires, des zombies, des géants et autres bestioles contaminées par cette malédiction libérée par Dyan, qui souhaite provoquer le chaos pour éprouver ses semblables (et voir qui s'en tirera), et Robert, dont la curiosité créé ce bazar tout en voulant ensuite le réparer.
Aaron Williams mène son affaire sur un faux rythme assez prenant : cela se lit rapidement et pourtant il y a une sorte de nonchalance dans la conduite de la narration, mais c'est loin d'être déplaisant et les morceaux de bravoure sont ingénieusement disposés (même si tout ça, évidemment, s'adresse à un public "averti" car mutilations et métamorphoses dérangeantes sont légion).
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Cependant, sans diminuer les mérites du scénariste, la vraie révèlation de cette bande dessinée est son illustratrice, Fiona Staples. Son trait anguleux, son traitement de la couleur, ses cadres simples mais aux valeurs décalées, dans un style non réaliste sans être caricatural, donnent à ces épisodes une facture unique.
Elle contribue grâce à un découpage très efficace, avec un nombre limité de cases par page, et l'expressivité de ses personnages au dynamisme de cette lecture, soulignant quand il le faut les effets ménagés par le script sans surenchérir dans l'horrifique.
On ne peut qu'avoir hâte de découvrir sa future collaboration avec le génial Brian K. Vaughan dont elle mettra en images le nouveau et ambitieux projet (Saga, chez Image Comics en 2012).
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Comic atypique et pourtant référencé, ce North 40 laisse la porte ouverte à une suite, mais les engagements de son artiste la diffèrent aux calendes grecques (à moins qu'Aaron Williams ne continue avec un nouveau partenaire). Cependant, en l'état, c'est un ouvrage qui se suffit à lui-même et est affreusement divertissant.  

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