mercredi 3 novembre 2010

Critique 177 : JLA - ANOTHER NAIL, d'Alan Davis

JLA : Another Nail est une mini-série en trois volets publiée en 2004 par DC Comics dans la collection "Elseworlds". Ecrite et dessinée par Alan Davis, cette histoire est la suite de JLA : The Nail (1998).
*
JLA : The Nail et Another Nail sont des récits appartenant à la gamme "Elseworlds", donc en dehors de la continuité classique de DC Comics. Dans le premier tome, Alan Davis imaginait comment le monde aurait vécu sans Superman, qui n'apparaissait qu'à la toute fin de l'histoire où il intégrait la Ligue de Justice aux côtés de Green Lantern, Wonder Woman, Atom, Flash, Hawkwoman, Martian Manhunter et Aquaman. Au coeur d'une intrigue épique, un segment impliquait New Genesis, le monde des New Gods, et Apokolopis, l'antre de Darkseid, entre lesquels éclatait un conflit, sans qu'on en connaisse l'issue : c'est ce sur quoi revient Another Nail.

Un an après les évènements relatés dans The Nail, nous apprenons comment, sur le point d'être vaincu, Darkseid a voulu anéantir le cosmos avant d'en être empêché par Big Barda, Mr Miracle et le Green Lantern Corps. Mais la mort du vilain laisse la JLA dubitative et ses membres décident d'enquêter.
Cependant, Oliver Queen/Green Arrow agonise dans son lit d'hôpital, veillé par Black Canary, dont les Outsiders cherchent un moyen avec l'aide du Dr Fate de ressuciter leur ami Metamorpho (apparemment tué dans The Nail).
La situation se gâte pour la JLA après que Superman ait eu un malaise à la suite d'un affrontement aux côtés du Martian Manhunter contre Despero et Evil Star. J'onn J'onzz examine son partenaire pour tenter de comprendre sa défaillance et lui prescrit du repos, mettant cela sur le compte de sa suractivité durant l'année écoulée. L'homme d'acier va donc à la rencontre des Kent en compagnie de la journaliste Lois Lane.
Entretemps, un groupe formé de Power Girl, Black Orchid et Star Sapphire dérobent au Dr Magnus et ses Metal Men l'androïde Amazo (responsable de la mort de Hawkman et des blessures de Green Arrow). Cet évènement coïncide avec l'attaque d'autres héros par des sbires de Darkseid... A ce stade, plusieurs acteurs apparaissent ou reviennent - comme Deadman, Zatanna, la Doom Patrol, le Syndicat du Crime, et le Phantom Stranger (lequel semblant manipuler plusieurs protagonistes, mais dans quel but ?) - , suggérant des perturbations dans le multiverse et le monde de la magie, pertubations se concrétisant de manière spectaculaire par le transport de Wonder Woman et Aquaman dans la préhistoire.
La situation empire encore lorsque le Spectre lui-même est agressé, alors que Superman et Lois Lane ignorent tout de cela dans le calme de Smallville (où ils sont suivis par Eclipso). Batman, traumatisé par la mort de Robin et Batgirl (dans The Nail), est également déboussolé lorsqu'il retrouve le Joker, revenu à la vie et pourvu de pouvoirs magiques.
La crise culmine avec la collision de plusieurs protagonistes de dimensions et d'époques diverses dans le ciel de Metropolis - Jonah Hex comme Omac ou les Blackhawks et Adam Strange surgissent de nulle part. C'est alors qu'Amazo réapparaît !
Superman réagit pour tenter de rétablir le cours de la réalité en neutralisant la force maléfique à l'origine de ce chaos, mais il échoue. Le Joker et Batman se déchirent une dernière fois tandis qu'Amazo, désormais hôte d'Oliver Queen, se sacrifie pour restaurer le cours des choses. Wonder Woman et Aquaman reviennent au temps présent et les autres héros et vilains retournent dans leurs mondes. Batman, débarrassé de son pire ennemi et de ses démons intérieurs, peut alors rejoindre la Ligue, maintenant que le plan posthume de Darkseid a échoué.
*
Difficile de résumer de manière intelligible le récit hyper-calorique concocté par le chef Alan Davis : plus encore que dans The Nail, il fait ici feu de tout bois, quitte à perdre le lecteur en route...
Cette suite tardive (6 ans après) de son premier album n'a en effet pas le même charme et pâtit de sa richesse, comme si, en 160 pages, Davis avait voulu revisiter Crisis on Infinite Earths de Marv Wolfman et George Pérez (qui compte 200 pages et 9 chapitres de plus quand même). Qui trop embrasse mal étreint...

La densité énergique des scripts de Davis, qui fait merveille dans une production comme The ClanDestine, plombe son entreprise ici : trop de personnages, trop d'actions, trop de rebondissements, n'en jetez plus, la coupe est pleine et même elle déborde ! C'est dommage car l'imagination de cet immense artiste et son aisance à animer le DCverse aurait, dans un format plus décompressé, sur davantage d'épisodes, pu composer une saga à la fois aussi mouvementée mais surtout plus digeste.

En vérité, Another Nail semble être plus un comic-book de dessinateur que de scénariste tant il est frappant que Davis a voulu employer le maximum de héros (et vilains) que raconter une histoire dans laquelle chacun aurait vraiment un rôle à jouer. Ainsi, le cas d'Oliver Queen transformé en Amazo qui se sacrifie pour prouver qu'il avait sa place dans le panthéon des héros qu'est la JLA a de quoi faire grimacer le fan le plus indulgent. De même qu'il est gratuit de convoquer le temps d'une double-page (certes impressionnante, mais à la limite de la lisibilité) une flopée de personnages que seuls des experts de DC identifieront, tout cela dans l'unique but de souligner le chaos galactique régnant à ce moment-là de l'histoire (comme si ce n'était pas suffisamment clair auparavant).

La jubilation de Davis-le dessinateur ne parvient pas à estomper le sentiment de gavage de son scénario : il représente avec un brio époustouflant n'importe qui, n'importe quoi, mais on sort de cette lecture assommé, épuisé, avec une impression de gâchis non seulement par rapport au tome précédent (dont l'argument était original et servait un pitch tout aussi alambiqué mais mieux développé) mais également par rapport à ce qu'une suite pouvait apporter. A la rigueur, tant qu'à s'intéresser au DCverse, peut-être Davis aurait-il été plus inspiré d'évacuer la JLA (et même Batman, dont l'affrontement avec le Joker s'intègre vraiment mal à l'ensemble) pour donner les premiers rôles à la Doom Patrol et/ou les Outsiders.
*
C'est un échec, quel que soit l'admiration qu'on puisse porter à Alan Davis : cela n'entame pas le crédit qu'on lui porte, mais on peut définitivement (hors ClanDestine, voire Excalibur) le préférer en "simple" artiste qu'en scénariste après cet Autre Clou...

Aucun commentaire: