dimanche 3 mai 2009

Critique 42 : JUSTICE SOCIETY OF AMERICA : THE NEXT AGE, de Geoff Johns et Dale Eaglesham








La Justice Society of America (ou JSA) est un groupe de super-héros, le premier dans l'histoire des comics. Elle a été imaginé par l'éditeur Sheldon Mayer et le scénariste Gardner Fox dans le n°3 d'All-Star Comics en 1940.
La publication de la JSA est chaotique mais profite en 1999 d'une spectaculaire relance initiée par James Robinson, David Goyer et Geoff Johns : 87 épisodes suivront.
En 2006, après Infinite Crisis, la Justice Society of America est donc "relaunché", toujours sous la direction de Johns, avec Dale Eaglesham aux dessins (coïncidant avec la révision simultanée de la Justice League of America, par Brad Meltzer et Ed Benes). Et c'est avec le story-arc The Next Age qu'ils débutèrent leur run.
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Après les événements d’Infinite Crisis, la "trinité" de la JLA (Superman, Wonder Woman et Batman) demandent aux vétérans de la JSA de les aider à redorrer le blason des héros auprès du public. Comment ? En formant de jeunes surhumains à maîtriser leurs pouvoirs, donc en recrutant. La JSA a toujours davantage fonctionné comme une famille que comme une équipe et, presque comme des pères spirituels, Alan Scott (le premier Green Lantern), Jay Garrick (le Flash des origines) et Ted Grant (Wildcat) commencent à examiner les candidatures de jeunes justiciers devant être encadrés.


Hourman et Liberty Belle vont aborder Damage, défiguré après sa défaite contre Zoom. Mister Terrific et Power Girl approchent Maxine Hunkel, la petite-fille de Ma Hunkel (première à porter le pseudo de Red Tornado) et actuelle gardienne du musée de la JSA. Le Dr Mid-nite et Stargirl rencontrent le nouveau Starman, un schizophréne qui vit dans un hôpital psychiatrique dont il ne sort que pour combattre le crime.


En parallèle, on suit la tragique enquête de Mr America dont la famille a été sauvagement assassinée par un vieil ennemi, qui ne compte pas en rester là. Il paiera ses recherches de sa vie lui aussi mais en ayant eu le temps de prévenir la JSA d'une menace qui plane sur tous ses membres et leurs descendances.


Lorsqu'à son tour Nathan Heywood, de la famille du Commander Steel, est agressé par la IVème Reich et que Wildcat, qui vient de faire connaissance avec son fils Tommy, doit affronter Vandal Savage, la JSA - informée par Sandman et ses rêves prophétiques - intervient pour sauver la mère de Liberty Belle et Pat Dugan, le tuteur de Stargirl...



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Ce redémarrage a tenu toutes ses promesses. Geoff Johns ne perd pas de temps pour "lâcher les chevaux", et malgré le nombre de personnages, il réussit l'exploit de nous les rendre tous attachants tout en développant une intrigue palpitante. Cette histoire en quatre épisodes (dont le premier compte toutefois 44 pages) est menée à un train d'enfer, avec une densité narrative qui tranche avec le style décompressé d'autres séries. En même temps, Johns dispose ses pions de telle manière qu'on devine immédiatement qu'il va s'en servir pour de futus arcs.
Ses détracteurs reprochent à ce brillant scénariste une certaine complaisance dans la représentation de la violence. Il est vrai que le récit dispense quelques séquences brutales, mais (à mon sens) plus pour souligner le caractère odieux des méchants que par goût doûteux pour le sadisme. Et puis, c'est finalement assez agréable de relire un comic-book avec de vrais bons et de vrais vilains, alors que beaucoup de séries là encore nagent dans des eaux plus troubles : je ne veux pas faire l'apologie du manichéisme, mais le genre repose aussi sur ces oppositions classiques du Bien et du Mal clairement exposées.
L'autre mérite de Johns est son souci de ne pas égarer le néophyte en proposant une description toujours rapide et limpide des protagonistes. C'est vraiment appréciable lorsqu'il faut faire connaissance avec des justiciers dont la carrière remonte loin dans le temps et qui ne sont pas forcèment des vedettes de DC.
Le thème prédominant de Justice Society of America, et en particulier de cet arc The next age, est la transmission, l'héritage. Des justiciers vétérans acceptent de former une nouvelle génération vouée à leur succèder : tous ces successeurs ont eu dans leur famille un héros, mais tous n'acceptent pas si facilement de reprendre le flambeau.
Le personnage de Damage souffre de la réputation d'Al Pratt et se défend constamment de vouloir lui ressembler : il cache derrière un masque identique un visage défiguré, se montre rebelle à toute forme d'autorité et il faudra toute la diplomatie détendue de Liberty Belle et Hourman pour qu'il baisse (un peu) la garde.
En revanche, Cyclone voit dans son incorporation à la Société la réalisation d'un rêve d'adolescente, même si elle déchantera vite face à la brutalité de ce nouveau milieu.
La tragédie qui s'abattra sur Mr America fournira à son collègue le prétexte pour se lancer à son tour dans la carrière.
C'est par accident que naîtra Citizen Steel, peut-être le personnage pivotal du récit.
Le fils caché de Wildcat, peu enclin à marcher dans les pas de son géniteur, devra, lui, forcer sa nature pour sauver sa vie.
Quant à Starman, son comportement pour le moins déstabilisant en fait un redresseur de torts atypique : ne supportant pas la violence, il doit pourtant assumer son statut car il a été, comme il le prétend, former pour ça dans le lointain futur dont il viendrait.
Tous ces protagonistes sont autant d'entrées pour que Geoff Johns explore ce sujet de la condition héroïque à laquelle on peut ne pas échapper quand on fait partie d'une famille de bons samaritains.
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Mais l'atout-maître de ce relaunch est, peut-être plus encore que Johns, l'artiste Dale Eaglesham, que j'ai découvert sur un des tie-in d'Infinite Crisis, l'excellent Villains United (écrit par Gail Simone), et il confirme ici tout le bien que j'en avais pensé.
Son style est classique mais solide et régulier. Il éblouit surtout dans l'expressivité et la variété qu'il donne aux personnages. Mais il sait aussi nous gratifier de pages époustouflantes lors des séquences d'action, regorgeant de détails. On se régale à lire et relire ses planches, à admirer le soin de leur réalisation : voilà réellement un dessinateur qui vous en donne pour votre argent !
L'encrage d'Art Thibert (pour le premier épisode) puis de Ruy José rend parfaitement justice aux compositions fouillées d'Eaglesham, et on ne se lasse pas de leurs double-pages spectaculaires (comme lorsque le fils de Wildcat attaque Vandal Savage ou ce plan d'ensemble final avec la JSA au complet).

Enfin, ce volume nous permet d'apprécier les couvertures, toujours magnifiques, d'Alex Ross, mais aussi celles d'Eaglesham : l'occasion de comparer comment deux très grands graphistes appréhendent cet exercice si particulier - en proposant parfois des visions très différentes du programme à venir. A la fin de ce recueil, on a également droit à des croquis des personnages, le design de leurs costumes et même la première version de la couverture du premier épisode (avec un casting très différent...).

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Si vous voulez (re)découvrir une des meilleures séries avec une équipe de super-héros, n'hésitez pas : c'est ici qu'elle se trouve ! Hautement recommandé.

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