lundi 9 mai 2022

MOON KNIGHT (Disney +) (Critique avec spoilers !)


Mercredi dernier s'est achevée la diffusion de la série Moon Knight sur Disney +. C'est un show très clivant qui comble ou déplaît, mais une oeuvre assurèment originale, comme les productions Marvel les plus notables conçues pour une programmation en streaming. J'en retire une impression globalement très frustrante.



Steven Grant, employé à la boutique de souvenirs de la National Gallery de Londres, est sujet à des troubles du sommeil, rêvant fréquemment qu'il est l'objet d'une traque par le chef d'une secte. Lorsqu'il croise cet homme, Arthur Harrow, à son travail, qui lui réclame un scarabée en or, il ne comprend pas. Le soir venu, il est poursuivi par un monstrueux chacal dans le musée et se réfugie dans les toilettes où son reflet lui demande de lui laisser le contrôle et d'invoquer un costume...


Steven est licencié le lendemain après avoir été tenu pour responsable de dégâts eimportans dans les toilettes. Chez lui, il trouve un porte-clés et un téléphone portable. Il cherche le container qu'ouvre cette clé et y découvre une malle avec de l'argent, des faux passeports et un scarabée en or. A nouveau interpelé par son reflet, il s'enfuit et tombe sur Layla qui se présente comme la femme de Marc Spector comme elle l'appelle. Ils sont pris à parti par Harrow et ses sbires qui récupèrent le scarabée doré après un combat contre Moon Knight, l'alter ego costumé de Spector, l'autre personnalité de Steven.
 

Harrow gagne l'égypte et localise la tombe d'Ammit grâce au scarabée qui sert de boussole. Spector, au Caire, est rejoint par Layla. Grâce au dieu de la vengeance Khonshu dont Moon Knight est l'avatar, Spector entre en contact avec d'autres hôtes de dieux égyptiens qu'il tente de mettre en garde contre Harrow, présent aussi, qui pointe la fragilité mentale de Marc. Layla l'entraîne ensuite chez Anton Mogart, un riche collectionneur en possession d'un sarcophage renfermant de quoi les guider jusqu'à la tombe d'Ammit. La situation dégénère, Marc et Layla fuient dans le désert où Khonshu les aide avant de disparaître, puni par les autres avatars divins.


Ayant repris le dessus, Steven accompagne Layla dans la tombe d'Ammit. Ils sont séparés après avoir été repérés par Harrow. Steve trouve le sarcophage d'Alexandre le Grand et à l'intérieur la statuette funéraire d'Ammit. Harrow le surprend et l'abat sous le regard horrifié de Layla, cachée non loin. Marc reprend connaissance dans un asile psychiatrique tenu par Harrow qui le traite pour son trouble dissociatif de la personnalité. Marc s'échappe et tombe sur Steven avant d'être rattrapés par la déesse Taouret.


Embarqués sur le navire de la déesse sur la mer de sable, en route pour le paradis ou l'enfer en attendant que le coeur de Marc retrouve son équlibre, Steven plonge dans le passé de son double pour tenter de comprendre l'origine de son trouble. Il découvre ainsi qu'il a perdu tragiquement son frère, ce qui a entraîné la dépression et le suicide de sa mère. Marc a surmonté cela en créant Steven. Sur le bâteau de Taouret, les esprits des victimes de Marc, qui est devenu mercenaire après avoir été renvoyé de l'armée, attaquent. Steven se sacrifie pour sauver Marc et lui permettre d'atteindre le champ de roseaux et la paix intérieure.


Harrow a ramené à la vie Ammit pour qu'elle purge le monde du Mal, y compris avant que celui-ci ne soit commis chez les individus les plus fragiles. Layla, harcelée par Khonshu, refuse d'être son nouvel avatar et est investie des pouvoirs de Taouret en tant que Silver Scarab. Khonshu ressucite Marc et  ensemble, ils affrontent respectivement Ammit et Harrow. Victorieux, Marc obtient de Konshu qu'il le laisse tranquille. Steven se réveille dans son appartement de Londres.

Une scène post-générique de fin intervient lors de ce dernier épisode : 

- Harrow est interné à l'asile Sienkiewicz. Un visiteur le sort pour une promenade et le pousse dans une limousine où Khonshu l'attend. Celui-ci s'est joué de Marc/Steven en réveillant une troisième personnalité chez eux : Jack Lockley, qui abat froidement Harrow, avant de démarrer.

Moon Knight n'est pas, en vérité, vraiment une série sur Moon Knight. Et c'est là le vrai souci que m'a causé ce show. Cela n'en fait pas un ratage comme j'ai pu le lire ou l'entendre, mais assurément, le compte n'y est pas pour les fans du personnage, dont je fais partie. Surtout quand le showrunner Jeremy Slater cite comme référence les runs de Warren Ellis et Declan Shalvey puis de Jeff Lemire et Greg Smallwood.

En suivant par exemple les épisodes de Lemire et Smallwood, Slater, le réalisateur Mohamed Diab, les scénaristes (Beau de Mays, Daniele Iman, Alex Menehan) auraient pourtant eu une base de travail parfaite, originale et efficace à la fois (même si certains éléments auraient sans doute difficiles à adapter tels quels et que six épisodes n'y auraient pas suffi). Mais tout ce beau monde a choisi une autre voie, pour le meilleur et, (trop) souvent, le pire.

Par exemple, en ce qui concerne l'antagoniste de Moon Knight, être aller cherche Arthur Harrow, un personnage, apparu une seule fois dans toutes les séries du héros, qui plus est à ses débuts, semble bien incongru. Mais, contre toute attente, le résultat s'avère positivement surprenant, louée soit l'interprétation habitée de Ethan Hawke.

En revanche, on s'explique beaucoup plus mal pourquoi le grand amour du héros, Marlene dans les comics, a été remplacée par Layla. Cela donne le sentiment d'avoir voulu transformer le personnage pour des raisons plus cosmétiques et représentatives qu'autre chose. Mia Calamawy est pourtant, encore une fois, une idée de casting brillante, l'actrice a un charme fascinant et elle livre une prestation impeccable, y compris quand, pour un motif maladroit, on l'affuble de pouvoirs dispensables (à moins que, là aussi, on ait voulu ne pas réduire Layla à la simple compagne du héros).

Mais, pour le coeur du récit, comme je l'écris plus haut, Moon Knight est absent de sa propre série. Ou plutôt ce Moon Knight n'a pas grand-chose de commun avec celui qu'on trouve dans les comics. Justicier urbain, violent, détraqué, il évolue ici dans une intrigue beaucoup gtrop mystico-fantastique, trop loin de ses bases véritables. De ce choix émanent de fortes frustrations puisque les combats sont réduits à peau de chagrin, le design de son costume de Mr. Knight (créé par Michael Lark dans Secret Avengers et complété par Declan Shalvey) n'habillant qu'un pénible running gag (forcément déplacé dans une série qui se veut sérieuse et sombre).

Avec sa tenue magique qu'il invoque, ce Moon Knight tient plus de Spawn que de la création de Doug Moench et Herb Trimpe. Je ne comprend pas du tout cette option et elle m'a souvent horripilé, quand elle ne m'a pas fait lever les yeux au ciel de consternation (comme lorsque, lors du dernier épisode, on voit carrément MK voler tel Superman dans le ciel nocturne du Caire). Pourquoi avoir fait ça ? Cela me dépasse. C'est une faute de goût, c'est grotesque.

L'histoire elle-même oscille entre le très bon et le médiocre en général. Si on regarde Moon Knight pour son traitement de la maladie mentale, l'effort est méritoire car écrit avec subtilité et réalisé avec élégance. Oscar Isaac, prodigieux comme toujours, opère des transitions d'équilibriste avec une maîtrise confondante et on voit bien à quel point il s'est investi dans ce rôle, surtout pourquoi il a accepté de le jouer. C'est une performance mais avec de la finesse, de l'émotion (superbe et poignant épisode 5, sans doute le meilleur) et de la densité.

Si on suit Moon Knight pour le super-héroïsme, en revanche, c'est moins concluant car, je me répéte, l'essentiel de l'action est sacrifiée, amputant du même coup le héros d'une partie non négligeable de sa nature (MK est un vigilante brutal et déréglé). C'était pourtant prometteur et ça le reste par intemittences quand Steven/Marc interagit avec Konshu (à qui F. Murray Abraham prête sa voix pour des échanges hauts en couleur et quelques scènes vraiment superbes, comme celle où le dieu égyptien remonte le temps jusqu'à reconfigurer le ciel nocturne d'antan). Mais justement, c'est trop irrégulier et Khonshu manque de cette cruauté sadique avec laquelle il manipule son avatar. Toutefois, sur un plan purement graphique, son design à lui est d'une fidélité exemplaire à celui imposé dans les comics par Shalvey.

Enfin, la série souffre beaucoup trop de sa structure même. Six épisodes, en vérité, ce n'est pas le problème. S'ils sont bien écrits, mis en scène, montés, ça passe. Et je ne crois pas qu'avec un ou deux de plus, on aura vu une grosse différence qualitative dans le développement global de la narration. Je pense même que les épisodes 1 et 2 auraient pu n'en faire qu'un, peut-être d'une durée plus conséquente que la moyenne (disons une heure au lieu de 40 minutes), car l'exposition de Steven, la première apparition de Moon Knight, la récupération du scarabée par Harrow, tout ça aurait gagné en nerf, en rythme. En l'état, c'est bancal, lourdaud. Et dommageable quand on voit l'audace de la fin de l'épisode 4 et l'intensité de l'épisode 5. La fin, avec l'épisode 6, est convenable, avec en prime une scène psot-générique attendu mais percutante et jouissive (et qui laisse la porte ouverte à une saison 2... Pour laquelle n'a pas signé Oscar Isaac et qui dépendra donc de son envie de rempiler).

Le bilan est donc facile à établir. Si on veut voir le verre à moitié plein, c'est un show inégal mais avec de vrais pics, de vrais parti-pris, une force et un culot indéniable. Si c'est le verre à moitié vide, c'est beaucoup plus simple : le héros n'a (presque) rien à voir avec Moon Knight. Loin d'être aussi lamentable que Falcon et le Soldat de l'Hiver ou décevant comme What if... ?, même tout aussi loin des sommets comme WandaVision ou Loki, mais aussi éloigné de cette friandise que fut Hawkeye (que je défends mordicus), Moon Knight est un ovni, qu'on estimera donc pour ce qu'il est : un cas en soi et à part.

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