vendredi 13 mars 2020

X-MEN #8, de Jonathan Hickman et Mahmud Asrar


Ce huitième épisode des X-Men de Jonathan Hickman marque un vrai tournant dans le déroulement de la série depuis sa relance. D'abord il ne s'agit pas d'un chapitre done-in-one. Ensuite il démarre un arc voué à être développé sur plusieurs volets. Enfin il officialise un lien entre le titre et l'arc des New Mutants écrit par le scénariste - il faut donc l'avoir lu pour apprécier ce qui suit. Visuellement, l'affaire est efficacement assurée par Mahmud Asrar.


Krakoa. Broo rend une visite de courtoisie à ses amis mutants dont il découvre, sidéré la nouvelle organisation. Oya le guide jusqu'à l'habitant occupé par les Nouveaux Mutants. Là, Broo remarque, stupéfait, la présence de l'Oeuf Roi ramené de l'empire Shi'ar par Wolfsbane et s'en inquiète.


En effet, l'Oeuf Roi peut être pisté à des galaxies de distance, ce qui signifie que les Broods auquel il appartient sont déjà en route pour le récupérer. Ce qui se vérifie avec l'atterrissage sur Krakoa d'un escadron. La guerre est déclarée.


Alors que Cyclope et Havok réveillent Vulcain, après une nuit où il s'est soûlé avec ses amis, les trois frères Summers remarquent la flotte des Broods qui survolent la Lune et se dirigent sur Terre. Cyclope rejoint le champ de bataille avec Jean Grey tandis que Broo suggère un plan de sortie de conflit.


Loin de là, un accusateur Kree négocie avec Sunspot le sort des Starjammers, qu'il avait engagé pour lui remettre l'Oeuf Roi. Roberto da Costa conclut un arrangement pour régler l'affaire à l'amiable dans les plus brefs délais.


Toujours dans le territoire Sh'iar, Gladiator et son fils participent à une partie de chasse lorsque Oracle les prévient de la présence d'un accusateur Kree dans les parages. Ils cessent leur divertissement pour aller s'occuper de cet indésirable.

C'est comme si, au sortir de cet épisode, on entrait dans un deuxième acte du récent run de Jonathan Hickman sur X-Men. Il n'est plus question de mettre en scène la société krakoanne, ses rites, ses classes, sa situation politique. Le récit est simple, direct, encore dense (une trentaine de pages et pas mal d'infos à digérer), mais surtout la fin du chapitre appelle une suite immédiate.

Cependant, la vraie nouveauté, qui risque d'en désarçonner certains, c'est que la série compose avec des éléments initiés non pas dans ses pages, mais dans celles de New Mutants et en particulier l'arc qu'a écrit Hickman en envoyant les jeunes mutants en territoire Shi'ar. Ceux qui n'auront pas lu cette histoire risquent donc d'être un peu perdus, mais l'essentiel est quand même assez clair pour saisir les enjeux.

Pour résumer, lors de leur aventure dans l'espace, les Nouveaux Mutants, convoyés par les Starjammers, ont fait une halte dans un avant-poste Shi'ar. La bande de Corsair voulait y voler quelque chose qu'on finalement dérober les Nouveaux Mutants (grâce - ou à cause - de Wolfsbane) : un mystérieux oeuf.

On découvre ici que cet oeuf appartient aux Broods, des aliens belliqueux auxquels les X-Men ont déjà eu affaire (c'était, la première fois, durant la moitié des années 80, lors des épisodes écrits par Chris Claremont et dessinés par Paul Smith, et c'était surtout une reprise flagrante de la saga Alien). Et cet oeuf, les Broods peuvent le pister sur des distances infinies.

Très vite donc, c'est la guerre sur Krakoa entre les Broods et les mutants. Broo, un Brood qui a été l'élève de l'école Jean Grey dirigée par Wolverine (dans la série Wolverine & the X-Men, de Jason Aaron) et qui refuse d'être un extra-terrestre belliqueux comme ses semblables, suggère un plan pour éloigner les agresseurs. Mais c'est sans compter sur un accusateur Kree, qui avait payé les Starjammers pour avoir l'oeuf, et les Shi'ar, qui apprennent la présence de cet individu dans les parages et ne le tolèrent pas.

Hickman, avec une fluidité remarquable, expose les différents forces en présence, et leurs liens avec l'oeuf des Broods. Malgré la quantité de personnages, on n'est jamais perdu, les enjeux sont clairs, c'est d'une efficacité imparable. Il y a beaucoup de rythme, beaucoup d'action, de grand spectacle (sûrement l'épisode le plus généreux sur ce plan). De quoi réconcilier les tenants des X-Men classiques (plus proches sur super-héroïsme traditionnel) avec la ligne plus dérangeante de Hickman.

D'autant que le scénariste donne quand même de quoi cogiter à ses fans quand il met en scène Vulcain après une nuit d'ivresse en compagnie de Petra et Sway. Le troisième frère Summers se soûle visiblement pour noyer un mal-être tenace et des souvenirs embarrassants. La théorie qui veut que Xavier ait lavé le cerveau de ses mutants au gré de leur résurrection (ce qui expliquerait leur docilité à son culte) s'enrichit avec ce passage où il apparaît que certains sont encore hantés par des événements dont ils ne sont plus censés avoir de souvenirs (une data page rectifie d'ailleurs des conclusions hâtives des Shi'ars sur le sort de Vulcain et Flèche Noire, qui s'étaient battus à mort lors de la saga War of Kings de Dan Abnett et Andy Lanning). A suivre... Mais il est désormais évident que le paradis mutant connaît des ratés (dans Marauders, le protocole des résurrections ne fonctionne plus dernièrement).

Il est heureux que Leinil Yu passe à nouveau la main pour cet épisode qui réclame un dessin plus énergique. Un domaine dans lequel Mahmud Asrar excelle. On sait déjà que l'artiste reviendra régulièrement, c'est un renfort de choix (même si j'aimerai aussi que Matteo Buffagni et RB Silva reviennent).

Habitué des mutants (il avait conclu les All-New X-Men de Bendis en succédant à Immonen, et avant cela avait collaboré à Ultimate X-Men quand Brian Wood les écrivait), Asrar assume à la fois dessin et encrage. Son style est vif et fait merveille dans les scènes spectaculaires, d'ailleurs le script lui fournit de nombreuses occasions de briller avec des pleines pages percutantes. Son découpage est sobre mais ses compositions habiles : il sait tirer de ses images le meilleur grâce à des angles de vue pleins de punch.

Lorsqu'il représente les personnages, Asrar ne s'embarrasse guère de variétés (il laisse au coloriste, Sunny Gho, le soin de distinguer les uns des autres par leurs couleurs de peau, de cheveux, etc). Ici, on est dans une figuration qui va à l'essentiel : les mutants sont reconnaissables à leur costumes et/ou à l'aspect qu'ils prennent quand leurs pouvoirs s'activent, il ne s'agit pas de donner à chacun un visage particulier ou des expressions subtiles. En cela, on reste dans le droit fil de Yu, mais avec un graphisme moins figé.

Ce qui ravit surtout, c'est la volonté manifeste de Hickman de renouer avec des X-Men certes vus et revus (grosse bataille, départ pour l'espace, multiplication des problèmes potentiels - avec Krees, Shi'ar, Broods), mais immédiatement familiers et plaisants. Après une première salve de numéros plus centrés sur le nouveau statu quo mutant, c'est une vraie bouffée d'air. La preuve, une fois encore, que c'est vraiment un bon moment pour être fan des X-Men.


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