mercredi 23 octobre 2019

JUSTICE LEAGUE DARK #16, de James Tynion IV, Alvaro Martinez et Fernando Blanco


La (superbe et glaçante) couverture (signée Yanick Paquette) résume bien le contenu de ce seizième épisode de Justice League Dark, dans lequel James Tynion IV met implacablement en scène la défaite de ses héros face à un ennemi mieux organisé, plus puissant. Ce chapitre, excellent une fois encore, atteint des sommets visuels grâce à Alvaro Martinez épaulé pour l'occasion par Fernando Blanco.


Dans la salle des artefacts du Hall de Justice, Zatanna et Kent Nelson contiennent tant bien que mal Eclipso grâce auquel ils ont pu envoyer Wonder Woman sur la Lune. Leur ennemi use de tout son pouvoir pour éprouver les magiciens afin de recouvrer la liberté.


La situation est critique pour Wonder Woman dans l'inconscient collectif où l'attendait Circé, dont les pouvoirs, augmentés par Lex Luthor, attendent d'être encore accrus par le vol de l'énergie magique de l'amazone, afin de réussir là où Hécate avait échoué.


Ailleurs dans le Hall de Justice, Khalid Nassour et Bobo doivent neutraliser Man-Bat, qui, possédé par un sort de Klarion, s'est métamorphosé en monstre. Bobo l'attire dans le Bar Oblivion où il l'emprisonne dans une cage de feu. John Constantine resurgit sur ces entrefaites.


Dans l'inconscient collectif, Circé prend définitivement l'avantage sur Wonder Woman et l'étrangle. Rapatriée dans la salle des artefacts, l'amazone, dont le corps est désormais possédé par la magicienne, a accès au rubis d'Eclipso.
  

Coincée sur la Lune, Diana assiste, comme les acolytes de Circé, aux conséquences immédiates de la déroute de la JLD : Circé incarne désormais la magie, et remodèle la réalité à sa guise sur notre Terre et notre dimension.

Une victoire héroïque doit être précédée d'une défaite apparemment sans partage ; la qualité du méchant d'une histoire indiquant (selon l'adage de Hitchcock) celle de l'histoire, alors faut-il que ce vilain prouve sa puissance de manière indiscutable. Ensuite la revanche des héros n'en a que plus de saveur.

Tout cela est magistralement mis en pratique par James Tynion IV depuis le début de cet arc épique et en particulier dans ce nouveau chapitre de la guerre des sorcières. On avait pu suivre jusque-là les manoeuvres discrètes mais précises du "gang" de Circé et se préparer au revers de la Justice League Dark, mais rien ne laissait soupçonner qu'il serait aussi sévère et rapide.

En une vingtaine de pages, qui dès le début de l'épisode laisse entrevoir le pire à la faveur d'une scène glaçante avec Eclipso difficilement contenu par Zatanna et Kent Nelson, le scénariste entraîne le lecteur dans une cascade de défaites dont on saisit l'inéluctabilité. Circé, Klarion, Papa Minuit, Woodrue, Salomon Grundy sont trop bien préparés, avancés, , face à une équipe qui ne se doute pas de l'habileté et de l'efficacité de leurs manoeuvres.

Par ailleurs, on a déjà assisté à la décomposition (littérale) de Swamp Thing le mois dernier, ce qui indiquait le niveau de la menace en mouvement. La bataille entre Circé et Wonder Woman dans l'inconscient collectif, celle de Bobo et Khaled contre un monstrueux Man-Bat, celle de Zatanna et Kent Nelson contre Eclipso, toutes sont des tentatives vaines pour contenir des adversaires supérieurs. Seule et maigre lueur d'espoir : Abigail Arcane, réclamée par ce qui reste de Swamp Thing auprès de Bobo et Constantine - si le chimpanzé détective ignore qui elle est, le chasseur de démons lui comprend à l'évocation de ce nom que tout est lié dans ce qui frappe la JLD.

Ce qui emballe aussi, c'est le rythme qu'imprime Tynion à son récit : les scènes sont courtes, et tout l'épisode progresse en un crescendo intense au gré de péripéties spectaculaires, qu'il s'agisse de l'évocation des origines de Hécate par Circé, des dégâts provoqués par Man-Bat dans le Hall de Justice et le Bar Oblivion, etc. Impressionnant (surtout quand on se rappelle des débuts laborieux de la série qui confondait densité et lourdeur).

Ce numéro est illustré par un Alvaro Martinez toujours aussi bluffant : l'espagnol aligne les planches d'un haut niveau avec une régularité insolente, sublimant le script, convertissant les mots en images terrifiantes (Man-Bat métamorphosé est vraiment ahurissant, et Eclipso terrifiant). Sa narration, généreuse et précise, aboutit à des compositions très fouillées, d'un luxe de détails vraiment époustouflant. Il faut savoir s'y attarder pour apprécier la précision de l'encrage, la beauté de la colorisation, la finesse du trait.

Mais l'artiste a visiblement un peu besoin de souffler - c'est légitime, car produire de telles pages à une cadence mensuelle est rare. Il reçoit donc l'aide de Fernando Blanco, que DC sous-emploie trop depuis la fin de son excellent run sur Batwoman (un titre dont je déplore encore l'annulation). Il n'est là que pour dépanner sur trois planches, mais il s'est fait fort d'être au niveau de son collègue car il n'y a aucune baisse de régime. Les origines de Hécate sont superbes sous son crayon, et, ma foi, DC peut refaire appel à lui en fill-in de Martinez, la série n'en pâtira pas.

J'ai été dur avec Justice League Dark, dont j'estime l'entame maladroite, voire ratée (comme si Tynion avait trop voulu en dire et trop vite). Mais je reconnais que son auteur a su faire germer les graines qu'il a plantées tôt pour arriver aujourd'hui à de vrais pics. Pour Tynion IV, l'avenir s'annonce radieux (d'autant qu'il succédera à Tom King sur Batman, au moins pour quinze épisodes, ce qui lui permettra certainement d'accéder à davantage de popularité encore). 

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