mercredi 30 septembre 2015

Critique 717 : THORGAL, TOMES 5 & 6 - AU-DELA DES OMBRES & LA CHUTE DE BREK ZARITH, de Jean Van Hamme et Grzegorz Rosinski


THORGAL : AU-DELA DES OMBRES est le cinquième tome de la série, écrit par Jean Van Hamme et dessiné par Grzegorz Rosinski, publié en 1983 par les Editions du Lombard.
Cette histoire fait directement suite à celle racontée dans le tome 4 (La Galère noire).
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Durement éprouvé par la perte de son épouse Aaricia, Thorgal, un an après, est devenu une loque même si la jeune et belle Shaniah, qui l'aime toujours, l'accompagne encore. 
Un homme les aborde et, avec un complice, les conduit jusqu'à un site de monuments mégalithiques, point de départ pour accéder au delà du deuxième monde où Thorgal pourrait sauver Aaricia, prisonnière du roi de Brek Zarith, Shadar. Le prince Galathorn compte sur le viking fils des étoiles pour renverser ce monarque vieillissant et tyrannique.
Shaniah suit, contre ses ordres, Thorgal dans son périple qui traverse l'espace et remonte le temps et au cours duquel il croise à nouveau la gardienne des clés (rencontrée dans le tome 3, Les trois vieillards du pays d'Aran) puis la Mort elle-même.
Pour épargner Aaricia, Thorgal doit sacrifier la vie d'un inconnu. Il ne peut s'y résoudre et Shaniah le fait à sa place, ignorant qu'elle va payer très cher son geste, mais permettant à celui qu'elle aimait de recouvrer la liberté et de poursuivre sa quête.

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THORGAL : LA CHUTE DE BREK ZARITH est le sixième tome de la série, écrit par Jean Van Hamme et dessiné par Grzegorz Rosinski, publié en 1984 par les Editions du Lombard.
Cet album conclut l'histoire débutée dans le tome 4 (La Galère noire) et poursuivie dans le tome 5 (Au-delà des ombres). C'est la fin du premier cycle de la série.
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Aaricia est donc la captive du roi de Brek Zarith, Shadar, dont la cour dépravée complote contre lui. Grâce aux incantations de son prêtre Helgith mais aussi grâce au pouvoir de Jolan, l'enfant d'Aaricia et Thorgal, le monarque n'ignore rien de ses sujets ni de la progression des vikings de Jorund (voir les tomes 1 et 2, La Magicienne trahie et L'Île des mers gelées) et de l'armée levée par Galathorn (voir les tomes 4, La Galère Noire, et 5, Au-delà des ombres) vers son château. Pourtant, les prophéties l'incitent davantage à se méfier d'un homme seul : Thorgal.
Dans un premier temps, Shadar repousse les drakkars de Jorund puis semble se résigner à la défaite quand il apprend que Thorgal s'est introduit dans sa forteresse. Il empoisonne alors tous ses sujets et gardes pour s'enfuir avec Aaricia et Jolan.
Thorgal le poursuit, laissant Jorund et Galathorn se partager l'or et le trône de Brek Zarith. Au terme de cette aventure, le couple et leur enfant refusent de rester dans ce domaine plus longtemps, préférant profiter de leur liberté, loin de la folie des hommes.

Même si ce n'est pas formulé explicitement, ces deux tomes concluent le premier cycle des aventures de Thorgal en dénouant les intrigues débutées dès le tome 1 et surtout développées depuis le tome 4. Jean Van Hamme boucle ce premier acte en beauté, donnant à la série une dimension épique plus ambitieuse qu'on ne l'aurait présumé.

Encore une fois, je commencerai par parler des dessins de Rosinski qui sont sensationnels. Il suffit pour s'en convaincre d'admirer les couvertures, sublimes, de ces épisodes (et de la série en général). 

Les pages intérieures sont désormais le produit d'un artiste en pleine possession de ses moyens, maîtrisant parfaitement sa discipline : le découpage ne souffre plus d'aucune faiblesse, Rosinski dispose ses cases de manière simple et en nombre limité (cinq ou sept en moyenne), ce qui aboutit à une narration aérée, fluide, mais où chaque plan est très élaboré. Les jeux d'ombre et de lumière sont splendides, soutenus par une colorisation qui ose des contrastes audacieux (même si une édition de la série en noir et blanc serait l'occasion d'apprécier encore mieux le dessin de Rosinski).

Le degré de détail de chaque décor, aussi bien en intérieur qu'en extérieur, est poussé, et le trait ouvragé évoque les gravures de Gustave Doré ou Albrecht Dürer, avec des effets de texture saisissants quand il s'agit de représenter la crasse d'un village, d'une taverne, l'usure des pierres de monuments mégalithiques, la luxuriance de la végétation, la taille imposante d'un château au sommet d'une falaise. Rosinski soigne ses images et on est d'autant plus épaté par ses efforts qu'il obtient ce résultat en maintenant un rythme soutenu dans la réalisation des albums.

Les personnages sont également superbement campés et l'artiste est autant à son avantage quand il s'agit d'animer le héros qui renaît (Thorgal) que le régent déchu (Shadar). Ses femmes sont toutes d'une beauté ensorcelante (Aaricia, la gardienne des clés), sans se résumer à cela (ainsi le destin de Shaniah dégage une intensité poignante).

Avec un partenaire aussi solide, Jean Van Hamme pourrait se reposer et dérouler des histoires moins puissantes que leurs illustrations. Mais le scénariste sait proposer des récits (encore) très originaux et efficaces : Au-delà des ombres se distingue par son mysticisme envoûtant, son ambiance prenante, son issue tragique, tandis que La chute de Brek Zarith est un pur divertissement, riche en rebondissements, avec une utilisation habile des clichés propres au genre de l'heroïc fantasy (forteresse isolée, courtisans décadents, passages secrets, souterrains dangereux) .

La façon dont Van Hamme emploie des éléments fantastiques est bien dosé, ce qui ajoute à l'étrange beauté de la série. Par la suite, l'auteur soulignera cela, avec encore beaucoup d'à-propos (l'addition de Jolan au couple de Thorgal et Aaricia sera déterminant à cet égard), aboutissant même à un mix étonnant d'aventures historiques et de pure science-fiction.

Dans les prochains tomes, la série connaît une brève phase de transition, avec deux histoires atypiques (dont l'une qui précisera les origines du héros), avant de s'engager dans une nouvelle saga (le cycle Qâ).

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