samedi 24 décembre 2011

Critique 296 : NICK RAIDER - SECTION CRIMINELLE, de Claudio Nizzi et Corrado Manstantuono

Nick Raider, Section Criminelle rassemble les épisodes 74, 121 et Spécial n°8 de la série, écrits par Claudio Nizzi (sauf pour le #121, écrit par Giancarlo Manfredi) et dessinés par Corrado Mastantuono, publiés en 1995 par Strip  Art Features/Bonelli en Italie et en 2009 par Clair De Lune en France.
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- #74 : Un Homme dans la ligne de mire. Eddie Caruso sort de prison et il est aussitôt traqué par d'anciens complices d'un hold-up, persuadés qu'il a caché les bijoux volés autrefois. Le problème est qu'il ne les a pas, que l'affaire implique les policiers qui l'avaient arrêté et que sa mère et l'assistante sociale avec laquelle il entame une liaison sont également en danger à présent. Eddie se confie à Nick Raider qui va s'employer à protéger les innocents, neutraliser les gangsters et confondre les coupables.

- Spécial #8 (1) : Eaux troubles. Le cadavre d'une prostituée est découvert dans un terrain vague, coupée en deux. Le cas rappelle immédiatement aux enquêteurs, dont Nick Raider, celui du célèbre "dahlia noir", la starlette Elizabeth Short, morte dans les années 50. Bientôt sont suspectés les membres de la famille Van Horn, dont Linda, la fille qui devient la maîtresse de Nick, et qui s'avèrent mêlés aux deux homicides.

- #121 : La Rose jaune du Texas. Rose Baker s'illustre dans des foires foraines avec un numéro de tir au pistolet qui lui vaut aussi bien l'admiration que la jalousie des spectateurs. En s'installant quelques années plus tard en ville, elle est obligée de repartir de zéro et son agent tente de la violer. Elle le tue et, en essayant de se débarrasser du corps, se trouve au beau milieu d'une opération de la section criminelle pour appréhender des trafiquants au cours de laquelle Nick Raider manque d'être abattu. Condamnée et incarcérée, la jeune femme trouble Nick qui enquête pour connaître son passé et lui éviter une peine trop sévère.

- Spécial #8 (2). Alfie et l'affaire de la blonde platine. Alfie est un indicateur collaborant fréquemment avec la sectiobn criminelle. Mais avant d'embrasser cette carrière ingrate, il était l'assistant du détective privé Jeff Kane, spécialisé dans les affaires d'adultère. Lorsqu'un mari suspecte sa superbe épouse de le tromper, Alfie en apporte les preuves à Kane qui abuse alors de la situation et de l'infidèle. C'est l'occasion pour Alfie de se venger de son employeur qui s'est toujours moqué de lui.
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La maison d'édition française Clair de Lune traduit plusieurs fumetti (les comics italiens) dans des albums softcovers petit format et d'autres, cartonnés : des titres très populaires comme Diabolik, Dampyr, Tex, Martin Mystère y côtoient d'autres séries comme Nick Raider, Heroes for Hire, Loomix. Avec cet ouvrage volumineux (de 360 pages), c'est l'occasion idéale de découvrir un immense artiste, Corrado Mastantuono, qui en dessine les 4 épisodes.
Mais d'abord, présentons le héros : Nick Raider est un personnage crée en 1988 par le scénariste Claudio Nizzi et le dessinateur Giampiero Casertano, dont les aventures ont été publiées jusqu'en 2000. Cet officier de police travaille à New York sous les ordres du lieutenant Ryan et a pour partenaires Marvin Brown et Jimmy Garrett. Le nain Alfie lui sert d'informateur.
Ce receuil propose 4 histoires, deux de 96 pages (les épisodes 74 et 121), une de 130 pages (la première partie du Spécial n°8) et la dernière de 32 pages (la seconde partie du Spécial n°8), toutes écrites (à l'exception du #121 par Giancarlo Manfredi) par Claudio Nizzi.
Le scénariste utilise tous les clichés de la série noire, revisitant même l'affaire du "dahlia noir" qui inspira un fameux roman à James Ellroy (et son adaptation cinématographique par Brian de Palma) : les grandes figures du genre sont convoquées comme le voyou en quête de rédemption poursuivi par d'anciens complices, les flics ripoux, une riche famille de notables meurtriers, une tireuse d'élite au mauvais endroit au mauvais moment et l'indic'. Mais si les situations et les personnages peuvent être conventionnels, les scripts sont d'une redoutable efficacité, alliant un propos dense, avec des enquêtes fournies en rebondissements, et un rythme soutenu, alternant habilement les séquences d'action et les investigations méticuleusement conduites. Ajoutez-y un zeste de mélodrame, des héroïnes fatales et superbes, des seconds rôles mémorables, et des dialogues toniques (mais hélas ! approximativement traduits) : Nizzi s'impose comme un "page-turner" imparable et on dévore ces histoires dès qu'on y plonge.
La rose jaune du Texas, sans doute le meilleur segment de l'ensemble, mixe même des éléments du western et de la pulp-fiction avec une totale réussite, tandis que le chapitre avec Alfie est d'une savoureuse ironie à la concision impeccable.
Il n'y a vraiment rien à jeter dans cette collection.
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Mais, comme l'indique le sous-titre sur la couverture, la véritable attraction de ce pavé tient au dessin de Corrado Mastantuno, un immense artiste à la production abondante et variée (il a dessiné aussi bien du Disney que du polar ou du fantastique) qui signe les 360 planches de l'album.
Mastantuono est un virtuose du noir et blanc : ses pages sont d'une lisibilité irréprochable, avec un découpage de quatre à cinq cases maximum, ce qui confère aux récits une rapidité de lecture diabolique. Il maîtrise grâce à une technique époustouflante tous les registres : ses personnages sont variés, expressifs (avec une mention particulière à ces superbes héroïnes, des femmes fatales et pulpeuses dans la grande tradition), ses décors sont toujours évocateurs et soignés, ses jeux de lumières et en particulier ses à-plats noirs donnent des ambiances extraordinaires à la moindre scène, quel que soit l'angle de vue ou la valeur des plans.
On pense volontiers à un mélange de Jordi Bernet (le dessinateur mythique de Torpedo), John Buscema (la légende de Marvel et de Conan) et Alex Toth (le génie qui illustra les plus beaux épisodes de Zorro), ce qui constitue une somme impressionnante. Rien que pour cette rencontre, ne passez pas à côté de cet album : vous y découvrirez un artiste imposant !
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Un album passionnant et somptueusement mis en images qui comblera les amateurs comme les connaisseurs de polar bien noir tout en invitant à découvrir les fumetti.

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