mardi 6 décembre 2011

Critique 291 : MOUSE GUARD - FALL 1152, de David Petersen

Mouse Guard : Fall 1152 est un récit complet en six épisodes écrit et dessiné par David Petersen, publié par Archaia Studio Press en 2007.
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Les Légendes de la Garde (en vf) se déroulent au Moyen-Âge et une cartographie détaillée de la région imaginaire où se passe l'histoire de cet Automne 1152 nous montre les villes fortifiées et ses différents corps de métier. La Garde elle-même forme l'élite des chevaliers du peuple de souris, et nous suivons la mission de trois des ses meilleurs membres : Saxon, Kenzie et Lieam.
Les souris vivent en autarcie et dans le secret pour se protéger des nombreux prédateurs de la nature environnante. Le récit débute après la victoire des souris en hiver contre le tyran Furet, il y a trois ans. Les trois héros sont lancés à la recherche d'un marchand disparu dont ils vont découvrir qu'il a trahi leur peuple en transmettant des informations stratégiques sur leur organisation : c'est ainsi que va être mise à jour une conspiration visant à détrôner Gwendolyn, le chef de la Garde...
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Mouse Guard est une oeuvre atypique comme la bande dessinée américaine en regorge quand on s'aventure hors des sentiers battus des comics super-héroïques. A première vue, mais les apparences sont trompeuses, il s'agit d'un livre pour enfants, avec ces charmantes petites souris. En vérité, c'est une transposition dans le monde animal des récits chevaleresques, avec une intrigue politique, non dénuée de cruauté. 
En France, l'oeuvre de David Petersen a eu les honneurs d'une traduction publiée par la vénérable maison Gallimard et l'album a un format à l'italienne qui confirme sa singularité. Ce format indique un découpage particulier avec des planches qui ne comportent guèrent plus de 3 ou 4 cases et régulièrement  des splash-pages, donnant un rythme soutenu à la lecture. L'alternance de vignettes horizontales et verticales, de plans généraux et des gros plans impactent aussi le tempo du récit de manière à la fois radicale et efficace : les 160 pages de l'album passent comme une lettre à la poste. 

Le scénario est au diapason de la mise en images : la douceur supposée du projet cache une trame dont ne sont pas exemptes des scènes violentes et mémorables (comme des combats contre un serpent ou des crabes), et les personnages n'en sortent pas tous indemnes.
L'ambiance est aussi soigneusement traduite et la cruauté se teinte d'une mélancolie tenace, confirmée par l'épilogue qui résume les conséquences des évènements sur ses protagonistes.
Petersen a eu visiblement à coeur de bien planter son univers en agrémentant son histoire d'appendices comme une carte des territoires habités par les souris, des documents sur la ville de Blarkstone, de ses artisans (maçon, charpentier, potier, meunier, boulanger..., ou encore un petit cahier digne des eluminures d'époque résumant le destin de la Hâche Noire, le plus valeureux des membres de la Garde.
Chaque chapitre s'ouvre par texte recontextualisant les évènements et quelques vers bien tournés ("La mort est une arme puissante / Comme elle est une fuite facile / Les héros deviennent des légendes / Les légendes deviennent les mythes / Les mythes créent de nouveaux héros" - Dernières paroles connues de la Hache Noire, héros légendaire de la Garde).
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Un album étonnant, très efficace et original, une expérience singulière.

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