The League of Extraordinary Gentlemen, Volume III: Century est le troisième volume de la série écrite par Alan Moore et illustrée par Kevin O'Neill, publiée par Top Shelf (aux Etats-Unis) et Knockabout Comics (en Angleterre).
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Dans ce premier livre, qui se déroule 12 ans après l'invasion martienne contrecarrée par la Ligue et qui coûta la vie à Mr Hyde et l'Homme Invisible, de multiples personnages vont se croiser à nouveau dans une ambiance de fin du monde.
Ainsi Janni Dakkar se brouille avec son père, le Capitaine Nemo, qui agonise à bord de son Nautilus. Elle débarque clandestinement à Londres et décroche une place de bonne à tout faire dans une taverne mal fâmée où elle est observée par les regards lubriques des clients.
Par ailleurs, Thomas Carnacki est assailli par des rêves prémonitoires où il voit Oliver Haddo et sa secte préparer la venue du Moonchild. Ces funestes présages conduisent Mina Harker à reformer une équipe composée d'Orlando, A.J. Raffles et Allan Quatermain Jr avec laquelle elle localise le mage - mais sans avoir la moindre preuve pour l'arrêter.
Cependant, Jack MacHeath, accusé de plusieurs meurtres, est arrêté et amené à la potence sous les yeux de Mycroft Holmes.
Janni, violemment malmenée, met le port à feu et à sang et succède à son père mort à la barre du Nautilus, toujours secondé par Ishmael...
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Ce nouvel épisode de la League of Extraordinary Gentlemen est à la fois formidablement prometteur et terriblement frustrant : avec une suite prévue pour se passer en 1969 et un dénouement en 2009 (!), Moore et O'Neill nous mettent l'eau à la bouche mais nous oblige aussi à s'armer de patience.
En passant chez Top Shelf, Alan Moore a expliqué qu'il avait en liberté et allait désormais s'aventurer dans des constructions narratives encore plus audacieuses : c'est déjà sensible ici où il mène le lecteur par le bout du nez en n'en faisant qu'à sa tête.
Par conséquent, ne vous attendez pas à un comic-book ordinaire et bâlisé où les héros et lers aventures ressemblent au tout-venant : du début à la fin, cette nouvelle Ligue ne sait pas où elle met les pieds et collectionne les échecs et déconvenues. C'est à la fois désarmant, très drôle et iconoclaste.
Pour corser l'affaire, le livre se termine par un texte de 6 pages, en petits caractères, et accompagné de 4 illustrations, intitulé Les laquais de la Lune, composé de plusieurs parties fournissant des précisions sur des faits survenus entretemps.
On y apprend comment, apparemment, comment Orlando a acquis l'immortalité en 1236 avant J.C., d'une manière qui n'est pas sans rappeler 2001 : L'odyssée de l'espace.
Puis, en 1964, trois scènes se succèdent : d'abord un dialogue entre Allan et Orlando sur le point de s'abandonner à des frasques sexels dans le Paris de 1964, suivi d'un échange entre le Captain Universe et Vull dans le nuage de Magellan, et enfin, depuis Brazen World, Prospero, Mina Harker et le Galley-wag s'apprêtent à partir sur la lune.
Autant d'éléments dont la connection avec le récit est pour le moins nébuleuse mais qui, connaissant Moore, doivent faire partie d'un plan d'ensemble plus vaste et qui devrait être révèlé dans les deux prochains tomes.
Mais que le lecteur ne s'effraie pas : tous les ingrédients qui singularisent la série sont encore présents. On retrouve une sacrée galerie de personnages sortis de romans populaires plus ou moins connus, des figures féminines déterminées (Mina, Janni) malgré les épreuves, la présence de Mycroft Holmes... Le tout servi avec cet humour british très mordant et distancié, des références à From Hell (l'assassin au couteau), et un détournement grâtiné mais inspiré (à la manière d'un choeur grec antique) des chansons de L'Opéra de Quat'Sous de Bertolt Brecht.
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Graphiqement, la contribution de Kevin O'Neill reste essentielle à la série : son style anguleux si particulier peut dérouter mais il faut voir avec quel soin il détaille les vêtements et les décors, le découpage et les angles, les expressions des personnages. Les pages sont d'une remarquable lisibilité et le rythme est admirablement soutenu pour une bande dessinée reposant quasi-exclusivement sur les dialogues.
La linéarité prédominante dans le trait et la simplicité du cadrage invite le lecteur à regarder différemment les héros et les endroits qu'ils traversent, transformant ainsi les scènes de massacre en tableaux baroques terrifiants sans être complaisants.
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Encore une fois, et cela malgré des partis-pris parfois brutaux pour le lecteur lambda, Alan Moore réussit à nous embarquer dans un délire aussi jubilatoire qu'érudit : on n'a déjà hâte de découvrir la suite de cette intrigue farfelue et apocalyptique, digne des deux premiers volumes d'une des productions les plus réjouissantes de ces dix dernières années.
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