jeudi 2 février 2023

MINOR THREATS #4, de Patton Oswalt, Jordan Blum et Scott Hepburn


Absent des bacs depuis Novembre dernier, Minor Threats revient pour sa conclusion ce mois-ci. Mais il semble bien que Patton Oswalt, Jordan Blum et Scott Hepburn aient envie de continuer à développer leur titre comme le suggère la dernière page et sa fin ouverte. Tant mieux si Dark Horse le leur permet car on n'a vraiment pas envie que ça s'arrête là.
 

Leur ayant révélé qu'il avait un espion dans leur formation depuis le début, Stickman compte bien sacrifier les Minor Threats en en faisant des bombes humaines qu'il téléporte dans la caverne de Insomniac, son ennemi juré dont il a déjà  tué le sidekick. Une fois là, la bande se déchire pour savoir qui est le traître dans leurs rangs, ce qui va forcer Stickman à intervenir, en attendant Insomniac...
 

Je ne vais évidemment pas vous dévoiler l'identité du traître ni le dénouement de l'histoire, mais on peut dire que Patton Oswalt et Jordan Blum ont écrit un dénouement très efficace à leur mini-série, qui établit un nouveau statu quo aussi bien pour les méchants que pour les gentils. De quoi voir loin.


Car, comme je l'écrivais en préambule, Minor Threats appelle une suite : les deux scénaristes ont envie d'aller plus loin. On ignore si cette sequel est déjà accordée par Dark Horse, mais l'éditeur aurait tort de s'en priver car l'univers de Minor Threats se distingue par sa richesse et son dynamisme et pourrait même devenir une ongoing qui ne dépareillerait pas dans le catalogue, aux côtés de Hellboy ou Black Hammer.


Pourtant, en quatre petits numéros, difficile de bâtir quelque chose de très consistant. Mais Oswalt et Blum sont parvenus à livrer une histoire dense, au potentiel énorme, avec cette aventure de super-vilains de bas étage qui entreprennent de livrer au Continuum (la Justice League locale) Stickman, qui a assassiné le sidekick d'Insomniac (le Batman du coin) avant que ne soit mis à sac leur quartier et que le justicier ne tue son ennemi juré.

Comme Jeff Lemire, Oswalt et Blum recyclent des archétypes emblématiques de DC et Marvel, le lecteur est en territoire familier avec des ersatz de super-héros connus. Mais comme Lemire aussi, Oswalt et Blum profitent de la liberté que permettent les comics indés pour aller au bout des choses et oser l'impensable, avec plus de violence, plus d'ironie aussi, et en se plaçant du côté des outsiders, des vilains.

La raison pour laquelle on s'attache aux gredins qui forment les Minor Threats, c'est qu'ils agissent en héros à leur manière : conscients qu'ils sont donc des menaces mineures, du menu fretin, mais aussi qu'ils peuvent apaiser une situation de crise qui risque de tourner à la débâcle totale, ils entreprennent de s'attaquer à plus fort, plus dangereux qu'eux.

La révélation dans le précédent numéro de la présence d'un traître dans leurs rangs pimente un peu plus la partie mais les deux scénaristes s'en amusent pour aboutir à un twist savoureux où l'agent double est doublement puni d'avoir voulu faire affaire avec un fou et de finir au ban de la société dont il faisait partie. Son identité est d'ailleurs évidente comme le souligne le flashback qui ouvre l'épisode, montrant comment un malfrat minable comprend que l'époque change trop brutalement pour lui et s'en remet à celui qui est responsable de ce déclin sans se rendre compte qu'il n'a aucune valeur à ses yeux.

Ce sont ces marges de cahier qui distinguent qualitativement Minor Threats : si le récit est explosif, violent, ironique, un peu méta aussi, c'est d'abord pour ces personnages attachants  qu'il gagne nos coeurs. On éprouve de la sympathie pour ces crapules aux yeux plus gros que le ventre, on souhaite leur réussite sans fermer les yeux sur leurs activités coupables mais où ils font preuve de plus de mesure, de sens des responsabilités, de solidarité que les super-héros qui n'ont rien d'exemplaire et agissent avec brutalité, autoritarisme.

Cela créé un contraste imparable avec le dessin énergique de Scott Hepburn qui met vraiment tout ce qu'il a sur la planche. Artiste sous-exploité chez Marvel (où a servi de doublure à Chris Bachalo quand il ne devait pas illustrer une mini-série Drax écrit par un catcheur), on sent chez lui comme chez les personnages qu'il anime une volonté de revanche.

Pour faire passer les éclairs de violence les plus crues, son trait cartoony fait merveille, désamorçant le plus provoquant pour privilégier l'enormité de l'action, le paroxysme des situations. En même temps, lorsqu'il doit saisir des expressions, faire monter la pression et orchestrer des dialogues, Hepburn n'est pas maladroit et son découpage se fait inventif, toujours tonique mais aussi plus précis que ne laisserait penser son habilité à cogner fort.

Croisons à présent les doigts pour que Dark Horse nous offre une nouvelle virée dans les bas-fonds de Twilight City.

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