vendredi 3 avril 2020

SABRINA THE TEENAGE WITCH : SOMETHING WICKED #1, de Kelly Thompson et Veronica Fish


En ces heures sombres, c'est un vrai bonheur que Archie Comics ait maintenu la sortie de la deuxième mini-série Sabrina The Teenage Witch, sous titrée Something Wicked. Kelly Thompson et Veronica Fish (et son mari Andy aux couleurs) sont toujours aux commandes et l'histoire reprend là où la précédente se concluait. Et le moins qu'on puisse dire est que la situation reste mouvementée à Greendale...


En sauvant ses tantes, Sabrina a vu son secret découvert par sa camarade de classe, Radka Ransom. Celle-ci est victime d'un sortilège, comme son frère Ren, et compte sur la jeune sorcière pour l'en débarrasser. Elle s'y emploie la nuit, sans grand succès.


Evidemment, cet emploi du temps a des conséquences sur sa scolarité. Epuiséee, elle dort en classe et ses notes plongent. Pour ne rien arranger, elle doit composer avec ses deux prétendants, Ren Ransom et Harvey Kinkle, à qui elle a promis de consacrer du temps pour choisir avec qui elle sortirait.


Autre souci pour Sabrina : sa meilleure amie, Jessa, qu'elle a négligée ces derniers temps à cause de ses aventures secrètes. Elle lui jure de rectifier cela en projetant une soirée entre filles. Mais bien sûr, Sabrina sait que, avant cela, elle doit règler le problème de Radka.


Elle se rend alors chez Della, la sorcière amie de ses tantes, qui l'initie aux subtilités de la magie. Elle lui offre un jeu de tarot, le "savoir-faire". Lorsque Sabrina en parle à Hilda et Zelda, cette dernière l'encourage à y jouer tandis que son autre tante, mauvaise perdante, modère son enthousiasme.


Sabrina se retire dans sa chambre avec son chat Salem et consulte un livre de sorts, à la recherche d'une solution pour Radka. Elle pense l'avoir trouvée mais en suivant l'énergie magique à l'origine du maléfice, elle découvre qu'il a été lancé par ses tantes...

J'avais beaucoup aimé le premier volume des aventures de Sabrina écrit par Kelly Thompson et publié l'an dernier. La scénariste, révélée chez Marvel, s'y montrait bien plus à son avantage qu'avec les super-héros, sans doute parce qu'elle bénéficiait de plus de liberté après plusieurs échecs commerciaux.

Cette réussite appelait une suite que Archie Comics n'a pas tardé à annoncer, avec la même équipe artistique. Pour Thompson, c'était un vrai challenge de conserver la fraîcheur du projet tout en le développant, en le menant dans de nouvelles directions. Surtout que, en parallèle, la série de Netflix avec la jeune sorcière (Les Nouvelles Aventures de Sabrina) cartonnait de saison en saison.

Le plaisir qu'on prend à lire ce premier épisode (sur cinq) de Something Wicked (sous titre de cette nouvelle mini-série) est d'autant plus grand que le contexte actuel donne envie de se changer les idées avec une histoire légère (sans être superficielle). On se rappelera sans doute plus tard qu'au temps du Covid-19, Sabrina Spellman nous aida à ne pas sombrer dans la morosité du confinement obligatoire.

D'entrée, Thompson cueille le lecteur avec une scène sinistre où une jeune femme meurt dans des circonstances horribles. Pourtant la scénariste ne revient pas sur cet événement dans les pages suivantes, sans doute pour ménager son effet et s'en servir comme d'un hameçon. Il faut dire qu'elle a fort à faire pour résumer la situation compliquée que traverse son héroïne.

En effet, le secret de Sabrina est éventée : sa camarade de classe, la chipie Radka Ransom, sait qu'elle est une sorcière et l'oblige à l'aider sinon elle révélera tout. Radka, victime d'une malédiction comme on l'a vu dans la première mini-série, compte sur Sabrina pour la guérir. Mais comment débarrasser quelqu'un d'un mauvais sort dont elle ignore tout ?

C'est le fil rouge de l'épisode qui voit Sabrina jongler entre cette mission et sa vie normale : elle est courtisée par deux garçons très différents, elle doit suivre ses cours et remonter ses notes, lutter contre le sommeil (ses séances de désenvoûtement avec Radka occupent leurs nuits), et se rabibocher avec sa meilleure amie, Jessa, qu'elle a négligée.

Seul réconfort dans tout ça : Della, la sorcière qu'elle a aidée pour sauver ses tantes dans la précédente mini-série. Celle-ci semble animée des meilleurs intentions, pourtant Thompson l'écrit avec suffisamment de subtilité pour suggérer au lecteur qu'il faut peut-être sans méfier. Et le twist final apporte une surprise vraiment accrocheuse qui relie les tantes Hilda et Zelda à la condition de Radka. C'est finement amené, très bien rythmé, construit avec habileté : Kelly Thompson est vraiment plus à l'aise ici que dans ses productions Marvel récentes (on verra si elle est aussi inspirée avec sa reprise de Black Widow, qu'on aurait dû découvrir ce Mercredi 1er Avril et dont la sortie a été repoussée à une date inconnue).

Visuellement, la première mini-série avait été un ravissement de chaque instant. Je ne connaissais pas le travail des époux Fish et j'étais tombé sous le charme du trait expressif de Veronica et des couleurs lumineuses d'Andy. Avec le tournant un plus sombre voulu par Thompson, la magie allait-elle encore fonctionner ?

Pas de suspense, la réponse est positive. Ce qui séduit dans ce graphisme, c'est qu'il correspond à la fois à une tradition esthétique de l'éditeur et à une vraie modernité. Le style de Veronica Fish est semi-réaliste, parce qu'elle n'hésite pas à souligner quelques effets pour intensifer la scène, les émotions, tout en restant sobre sur les designs, les lignes, et précises dans les décors, les ambiances.

Bien dessiner les adolescents est une gageure car le risque de la caricature est permanent, surtout dans le registre comique. A la croisée des genres (comédie romantique et fantastique), Sabrina the teenage witch ressemble à une sorte de test constant pour l'artiste qui en assume le dessin. Mais Veronica Fish dose parfaitement son trait et évite tous les écueils avec une sorte de grâce.

Tout cela est soutenu par une colorisation superbe. Andy Fish accomplit un travail remarquable, très nuancé, tout en privilégiant la simplicité. Il rend ainsi la série agréable au regard tout en l'entraînant vers une atmosphère un plus chargée parfois (la scène d'ouverture en témoigne). Surtout la complicité naturelle qu'il entretient avec sa femme l'autorise à accompagner le dessin en jouant avec (atténuant, voire estompant l'encrage, sans dénaturer l'ensemble).

Evidemment, les choses étant ce qu'elles sont, nul ne sait quand le deuxième épisode sortira. Archie Comics maintiendra-t-il une périodicité régulière ? Ou l'éditeur va-t-il, comme les autres acteurs du milieu, s'adapter à la crise en différant ses publications ? Il faudra donc être attentif au calendrier, en souhaitant que le virus soit rapidement vaincu. On appréciera volontiers un petit sort favorable de la charmante petite sorcière pour corriger tout cela...

Variant cover de Sweeney Boo
Variant cover de Cameron Stewart
Variant cover de Marguerite Sauvage

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