mercredi 25 juillet 2012

Critique 339 : STARMAN, VOLUME 3 - A WICKED INCLINATION... de James Robinson et Tony Harris, Chris Sprouse, Steve Yeowell, Guy Davis, JH Williams III, Gary Erskine


Starman 3 : A Wicked Inclination... rassemble les épisodes 17 et 19 à 27 de la série écrite par James Robinson, publiés en 1996-1997 par DC Comics. Les dessins sont signés par Tony Harris (#17, 19-26), Chris Sprouse ( pages 10, 12, 15, 15, 18, 20 du #24), Guy Davis (pages 10 à 20 du #22), Gary Erskine (pages 8-9, 12, 17-19 du #26) et JH Williams III (pages 8-9, 11, 15-16, 19 du #26), Steve Yeowell (#27).
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- #17 : Encounters. Dessiné par Tony Harris. Tandis que Jack Knight se remet de son affrontement avec the Mist et fait de nouveaux projets (comme acheter un nouveau local pour sa boutique), les O'Dare préparent avec the Shade un raid contre un repaire de Damon Merritt, qui veut récupérer son poster magique (ouvrant sur des dimensions parallèles). Mais l'opération tourne mal...

- #19 : Talking with David, '96. Dessiné par Tony Harris. Jack Knight retrouve son frère aîné David, mort prématurèment alors qu'il avait succédé à son père Ted comme Starman. Cette deuxième entrevue est plus apaisée entre les deux frères, qui font le point sur l'année écoulée dans un décor de film de pirates. Ce sera aussi l'occasion pour Jack de renouer, brièvement, avec un autre être cher de sa famille...

- #20-23 : Sand and Stars. Dessiné par Tony Harris et Guy Davis (pour le #22). Préoccupé par ce que lui a dit the Mist (comme quoi ils seraient tous deux les deux faces d'une même médaille), Jack Knight entreprend d'aller récupérer une médaille ayant appartenu au père de son ennemie. Cette relique serait en possession de Wesley Dodds, le mythique premier Sandman de la Société de Justice d'Amérique, aujourd'hui octogénaire. Mais à New York, les deux hommes vont devoir faire équipe pour éviter un attentat préparé par un malfrat ayant ursupé l'identité du patron d'une compagnie d'aviation...

- #24-26 : Hell and Back. Dessiné par Tony Harris, Chris Sprouse (#24), Gary Erskine et JH Williams III (pour le #26). Jack Knight est sollicité par la famille O'Dare, dont Clarence est devenu le contact de la mairie pour tout ce qui concerne les affaires surhumaines, pour les aider à récupérer Matt et the Shade, aspirés dans une dimension parallèle par le poster magique. Damon Merritt cherche par ailleurs toujours à récupérer son bien et nos héros vont essayer de profiter de la situation pour pièger le malfrat...

- #27 : Christmas Knight. Dessiné par Steve Yeowell. La nuit de Noël réunit les Knight, les O'Dare, Charity la diseuse de bonne aventure et Mikaal Tomas (le Starman alien à la peau bleue). Tout ce beau monde attend Jack qui rencontre un homme déguisé en père Noël et victime de voleurs...
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Pour ce troisième tome, James Robinson propose deux arcs encadrés par deux épisodes.
Le recueil s'ouvre par un one-shot (Encounters) qui est en vérité le prologue de la 2ème histoire (Hell and Back), dans lequel the Shade (dont un extrait du journal sert d'introduction au livre et permet de résumer les évènements antérieurs) et la famille de policiers irlandais, les O'Dare, s'unissent pour tenter de capturer l'occultiste malfaisant Damon Merritt. Mais leur opération dégénère, et cela servira d'argument au récit susmentionné.
Robinson a établi les liens entre ses protagonistes et s'en sert désormais pleinement comme d'un sorte de gang paranormal, uni pour préserver Opal City d'ennemis divers. Jack Knight occupe, dans cet épisode, un rôle plus en retrait mais entre ses projets professionnels et les prédictions cryptiques que lui communique Charity, le scénariste indique qu'il a des plans d'envergure pour le futur de la série.

On a ensuite droit à un intermède  (Talking with David, '96), mais c'était attendu : dès le premier tome, David Knight, qui a été abattu "en service", dans le costume de Starman, avait prévenu son frère cadet, Jack, qu'il se rencontrerait toutes les années pour faire le point. Leur premier entretien avait été houleux, dans un cimetière. Cette fois, c'est dans un cadre digne des films de pirates et de zombies que les deux frangins dressent un nouveau bilan.
Robinson emploie cette parenthèse avec habileté pour évoquer le statut de super-héros, protecteur d'une ville, mais aussi les rapports fraternels, la transmission d'un rôle, la relation des vivants avec la mort (la leur et celle de leurs proches). Pourtant il ne se contente pas d'aligner 20 pages de dialogue, si inspiré soit-il, il pimente cela avec une scène d'action spectaculaire, qui, elle, renvoie, à la cinéphilie de Jack Knight.
La chute offre un moment d'émotion qui tombe, hélas !, un peu à plat, les comics super-héroïques, même un peu décalés, s'accommodant mal de ce registre.

Le premier arc de ce recueil démarre ensuite vraiment : Sand and Stars compte quatre parties et s'appuie sur un élément survenu dans l'album Night and Day, lorsqu'à la fin de son affrontement contre Nash, la fille de the Mist, Jack a dû l'entendre énoncer une affirmation dérangeante - si elle existe et fait le mal, c'est pour justifier sa condition de héros, leurs destins et leurs actes sont donc liés.
Jack est littéralement hanté par cette hypothèse (il rêve de Nash, et incidemment a une vision de Sandman) et veut la démentir. Pour cela, il lui faut accomplir un acte symbolique, bienfaisant, envers le père désormais déchu de sa némésis. Il entreprend de récupérer une médaille qui lui fournit le prétexte pour se rendre à New York et rencontrer son idole, Wesley Doods.
Celui qui a été le Sandman de la Société de Justice d'Amérique, compagnon d'armes du premier Starman, est maintenant un octogénaire retiré avec sa femme, l'écrivain Dian Belmont (autre figure vénérée par Jack). Peu après, la vie de Dodds est menacée par un mystérieux tueur masqué et avec Jack, il mène l'enquête, ce qui va les conduire à déjouer un attentat fomenté par un usurpateur.  
En entraînant le vieux Sandman dans sa mission, Jack va s'offrir quelques frissons (avec en point d'orgue une bataille dans les airs contre un dirigeable) mais surtout réveiller l'esprit de l'aventure du frère d'armes de son père. Wesley Dodds résumera cela très bien, après s'être remémoré une ancienne mission partagée avec Ted Knight/Starman : "qu'importe si cela me coûte la vie, au moins je mourrai content". C'est l'intensité de l'existence qui permet d'estimer sa qualité, pas le nombre d'années vécues.
Même si le récit est un peu confus et d'un rythme inégal, Robinson est encore une fois très malin pour brasser quelques thèmes qui lui sont chers via le prisme des super-héros : le temps qui passe, le respect des aînés, le plaisir procuré par le danger, les générations de justiciers, la persistance du mal à vaincre (qu'il s'agisse de la vieillesse, de la peur, ou des terroristes).

L'arc suivant, en trois parties, Hell and Back, offre à la fois une conclusion à Sand and Stars (avec une visite surréaliste entre Jack et the Mist, devenu sénile) et le retour à l'intrigue entamé dans le premier épisode du recueil (Encounters). Les O'Dare demandent à Jack de les aider à la fois à piéger Damon Merritt qui veut récupérer son poster magique et à récupérer the Shade et Matt O'Dare, passés de "l'autre côté" de l'image.
Tout d'abord, avant la bataille décisive, chacun des O'Dare se promet, en silence, de changer un peu ses priorités existentielles s'il survit - et cela aura des conséquences rapides dans l'épisode #27.
Puis, durant le combat contre Merritt et ses sbires, Jack traverse à son tour le portail dimensionnel du poster et atterrit... En enfer (littéralement). Retrouvant the Shade et Matt O'Dare, il est mis à l'épreuve par le démon avec lequel a pactisé Merritt. L'héroïsme de Jack, la corruption de Matt, la position de the Shade sont franchement bousculés et leurs liens renforcés.
Robinson signe là son meilleur récit du recueil : il y manie les rebondissements, joue avec le rythme, creuse la caractérisation de ses personnages, et rebat les cartes, tout en aboutissant à une chute malicieuse. De la belle ouvrage.

Enfin, Christmas Knight (jeu de mots !) est un joli conte Noël, anecdotique mais qui confirme que la notion de temporalité est très présente dans la série, comme si chaque aventure se déroulait en temps réel, au rythme des saisons et des années (l'autre indicateur de cette notion tient bien entendu dans les entretiens entre Jack et David). 
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Jack Knight, par Tony Harris

Mais en vérité, malgré l'inégalité du matériel de ce recueil, la diversité qualitative des histoires, ce qui en fait le sel, ce sont ses dessins.
Tony Harris réalise encore la majorité des épisodes et ne ménage pas ses efforts, avec des jeux de lumière expressionnistes remarquables, des cadrages audacieux, un soin particulier accordé aux ambiances et aux décors (notamment les extérieurs où sa passion pour l'urbanisme fait merveille - Starman est une bande dessinée où les vills sont des personnages à part entière).

La série accueille des guest-stars de premier ordre : d'abord, Guy Davis, qui à la même époque avait relancé avec les scénaristes Matt Wagner et Steve Seagle le personnage de Sandman dans le titre Sandman Mystery Theatre (se déroulant durant l'âge d'or), co-anime la troisième partie de l'arc Sand and Stars en signant une dizaine de planches. Son style très différent de celui de Harris, tout en hâchures, au trait fin et aux couleurs pâles, offre un contraste visuel très intelligent pour le flash-back avec Wesley Dodds.
Sandman, par Guy Davis.

Puis Chris Sprouse (Tom Strong) revient pour quelques splash et doubles pages magnifiques dans le prologue au second arc, Hell and Back, où est dévoilé, via le journal de the Shade, le passé de Damon Merritt.

Gary Erskine (Global Frequency) et JH Williams III (Promethea) co-illustrent l'épisode 26 avec Harris. A Erskine, dont le trait précis et épuré (proche d'un Blanc-Dumont en France), les séquences avec Matt O'Dare et Scalphunter ; et à Williams III (encré par Mick Gray), dans une tonalité plus sombre mais raffinée, les passages avec the Shade, lorsqu'ils sont en Enfer avec Jack.

The Shade, par Tony Harris

Le découpage de cet épisode souligne de manière remarquable la finesse avec laquelle doit être écrit le script de Robinson.

Enfin, Steve Yeowell dessine l'épisode de Noël : son dessin, dépouillé, lumineux, élégant, est un vrai plaisir.
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Encore une fois, même si les épisodes sont peut-être moins efficaces que précédemment, ce troisième tome confirme que Starman était une grande série, avec une musique unique, et servie par des artistes de premier choix. 

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