Les héros de ces deux recueils sont apparus dans le tome 3 de Tom Strong en VF. Le héros de la science créé par Alan Moore et Chris Sprouse, en hommage au Doc Savage, y expliquait à sa compagne, après qu'un certain Tom Strange ait débarqué sur terre, comment il avait autrefois découvert un monde semblable au nôtre, qu'il avait baptisé "Terra Obscura". Tom Strong accepte d'aider Strange à aller sauver les camarades de ce dernier, attaqué, trente ans auparavant, par un alien.
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Moore s'est inspiré, bien avant Alex Ross et Jim Krueger et leur Project : Superpowers, de super-héros créés à l'Âge d'Or pour peupler "Terra Obscura", et c'est pour prolonger leurs aventures qu'il a entrepris d'écrire ces 12 épisodes, rassemblés en deux volumes.
Cependant, Moore s'est moins impliqué dans ce projet que dans La ligue des gentlemen extraordinaires ou même Tom Strong (par qui tout a commencé ici) : il a élaboré les intrigues de ces deux arcs narratifs avec Peter Hogan, qui a ensuite rédigé les scripts et les dialogues. De même, Chris Sprouse a laissé sa place à Yanick Paquette (qui, depuis, s'est un peu perdu chez Marvel...) au dessin et Karl Story à l'encrage.
Dans le premier volume, traduit en français par Jérémy Manesse, il ne faut pas se plaindre d'une certaine lenteur dans le déroulement de l'histoire car les auteurs se sont d'abord occupés de nous présenter une riche galerie de personnages hauts en couleur, sans que le lecteur ait besoin de faire des recherches sur le Golden Age.
Néanmoins, la narration porte indéniablement la marque du grand Moore puisque deux intrigues apparemment distinctes finissent par se rejoindre et se résoudre dans un dénouement à la fois spectaculaire et très référencé (à la mythologie égyptienne en l'occurrence).
L'autre élément qui évoque Moore, c'est la réflexion sur la place occupée par les super-héros dans la société et le regard que portent les civils sur eux (ainsi, dès le début, alors qu'un combat oppose deux surhumains en pleine ville, une grand'mère redoute qu'ils ne soient radioactifs et donc cancérigènes... Alors que la mafia traditionnelle, elle, ne présente pas ce genre de danger !).
Néanmoins, la narration porte indéniablement la marque du grand Moore puisque deux intrigues apparemment distinctes finissent par se rejoindre et se résoudre dans un dénouement à la fois spectaculaire et très référencé (à la mythologie égyptienne en l'occurrence).
L'autre élément qui évoque Moore, c'est la réflexion sur la place occupée par les super-héros dans la société et le regard que portent les civils sur eux (ainsi, dès le début, alors qu'un combat oppose deux surhumains en pleine ville, une grand'mère redoute qu'ils ne soient radioactifs et donc cancérigènes... Alors que la mafia traditionnelle, elle, ne présente pas ce genre de danger !).
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Le récit expose parallèlement l'enquête de L'Aimant pour trouver l'assassin (et son mobile) de son partenaire, Captain Future, d'une part, et, d'autre part, l'action du S.M.A.S.H. (qui réunit les héros de la science de Terra Obscura - leur JLA à eux) face à une panne d'électricité générale et subite peut-être causée par un malfrat sorcier.
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C'est très divertissant, efficace et surprenant.
Graphiquement, le style de Paquette peut surprendre avec ses héroïnes pulpeuses, à la limite de la parodie, tout comme ses protagonistes masculins, outrageusement baraqués, avec leurs mâchoires carrées et leurs petits yeux. Mais il faut lui reconnaître un vrai talent, si on accepte cette manière de représenter les personnages. En outre, cela prouve que, contrairement à l'avis discutable de certains critiques, Moore ne s'entoure pas de dessinateurs de seconde zone (n'oublions pas qu'il a écrit pour Gibbons, O'Neill, Alan Davis, Bolland, Veitch, entre autres : pas vraiment des manchots !).
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Dans le second volume (puisqu'il ne semble pas qu'une nouvelle suite soit prévue), les personnages et le décor désormais campés, une histoire peut se développer plus amplement.
Cette fois, la ligne narrative concerne tous les protagonistes, aux prises avec des évènements dramatiques du passé qui se répetent sans explication rationnelle. Tom Strange accepte de s'envoler dans l'espace avec sa compagne, Pantha, pour aborder ce qui semble être le vaisseau de Captain Future (pourtant présumé mort), tandis que le S.M.A.SH. au grand complet tente d'éviter les pires catastrophes sur terre. Mais l'un d'eux, mentalement très pertubé, oeuvre dans l'ombre pour profiter de la situation...
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Ce nouvel arc compte encore 6 épisodes mais le rythme et les péripéties y sont bien plus trépidants et échevelés que dans le volume 1. Les héros sont confrontés à leurs propres démons, doivent faire face à leurs hantises, tout en essayant de sauver le monde et de comprendre ce qui se passe.
Ce qui était posé dans le tome précédent prend alors tout son sens : ces personnages, qui ont été maintenus en animation suspendue pendant 30 ans par un alien, qui se sont réveillés dans une société qui a progressé sans eux et qui se méfie d'eux, qui viennent de reformer une équipe, sont brutalement interrogés, par une situation dramatique, sur leur condition. Sont-ils capables de sauver le monde ? D'agir en équipe et efficacement ? Ou sont-ils tous déphasés, voire fous pour certains ?
Ce questionnement fournit une densité, un relief particuliers au scènes d'action spectaculaires qui ponctuent le récit, tandis que le voyage spatial de Strange et Pantha offre un contrepoint plus calme mais aussi anxiogène (que vont-ils découvrir ? Trouveront-ils la parade adéquate à la menace vers laquelle ils se dirigent ?). On trouve rarement un dosage aussi bien calculé entre réflexion et action dans un comic-book super-héroïque...
Ce questionnement fournit une densité, un relief particuliers au scènes d'action spectaculaires qui ponctuent le récit, tandis que le voyage spatial de Strange et Pantha offre un contrepoint plus calme mais aussi anxiogène (que vont-ils découvrir ? Trouveront-ils la parade adéquate à la menace vers laquelle ils se dirigent ?). On trouve rarement un dosage aussi bien calculé entre réflexion et action dans un comic-book super-héroïque...
Visuellement, Paquette aussi semble plus à l'aise et ses effets de style s'en trouvent accentués - du coup, ceux qui n'aimaient déjà pas son dessin avant ne l'apprécieront pas du tout ici. Mais pour les autres, c'est un régal de le voir croquer ces trognes de malabars aux costumes improbables et surtout ces héroïnes à la féminité exarcerbée, dont certaines (comme Miss Masque et Pantha possèdent une élégance racée).
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Bref, si vous voulez vous balader dans un univers à la fois familier et décalé, Terra Obscura est fait pour vous. Les plus curieux en profiteront pour s'intéresser à d'autres projets similaires (comme celui de Ross et Krueger) avant, si le coeur leur en dit, de remonter dans le temps, aux origines des premiers super-héros.
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