dimanche 13 juin 2021

WONDER WOMAN #773, de Becky Cloonan, Michael Conrad et Travis Moore


Cette semaine de lecture s'achève avec Wonder Woman #773, qui sera (sauf surprise) le dernier épisode que je critiquerai. J'avais apprécié la reprise en main du titre par Becky Cloonan et Michael Conrad, bien aidés par les dessins de Travis Moore, mais la conclusion de cet arc m'a déçu et convaincu de ne pas poursuivre. La faute à qui ?


Wonder Woman pénètre dans la forteresse de Valkyries pour leur réclamer les morts tombés sur le champ de bataille. Mais toute tentative de négociations est vouée à l'échec quand Thor et ses troupes font à leur tour irruption dans la place pour en découdre.


Wonder Woman doit ramener le calme et elle emploie les grands moyens pour cela en détruisant le marteau de Thor dont elle a deviné qu'il s'agissait d'une réplique corrompue par le Dr. Psycho. Projetée dans le plan astral, elle affronte ce dernier et le neutralise. Deadman se charge du reste.
 

Les Valkyries et Thor discutent ensuite d'une trêve en compagnie de Wonder Woman qui réussit à imposer un arrangement convenant à toutes les parties. Une fête est donnée pour l'occasion que Valkyries et Asgardiens partagent. Mais Wonder Woman n'a pas le coeur à ça. 


Heureusement, elle retrouve le sourire lorsque reparaît Sigfried. Ils passent la nuit ensemble, mais à l'aube l'amazone s'éclipse sans le réveiller pour partir rejoindre l'Olympe. Sigfired la rattrape pour lui offrir son épée : elle en aura besoin car la situation chez les dieux grecs est dramatique...

Comme je le disais en ouverture, la reprise en main de Wonder Woman il y a quatre mois m'avait bien plu. La présence comme co-scénariste de Becky Cloonan n'y était pas étrangère car j'apprécie ce qu'elle fait, notamment ses productions en creator-owned (Demeter, The Mire, Wolves), des contes romantiques aux ambiances envoûtantes. Etrangement, DC lui a adjointe un partenaire, Michael Conrad, dont j'ignore l'importance de la contribution pour les scripts.

A l'issue de l'inteminable saga Death Metal (de Scott Snyder et Greg Capullo), Wonder Woman est morte, se sacrifiant pour éliminer le Batman-qui-rit. Puis dans Infinite Frontier #0, on découvrait que l'amazone déclinait l'offre de la Quintessence de veiller sur l'ordre du Multivers, préférant continuer ses aventures dans l'au-delà. Direction : le champ de bataille permanent du Ragnarok, lié à la mythologie nordique.

Ce cadre offrait une situation étonnante mais dépaysante. Comme Wonder Woman était sujette à des troubles de la mémoire, elle devait aussi bien survivre à des combats réguliers qu'essayer de savoir ce qu'elle faisait vraiment là. En cours de route, elle croisait un de ses vieux ennemis, le Dr. Psycho, dont le rôle allait devenir plus important que prévu.

Mais Cloonan et Conrad, à force de courir plusieurs lièvres à la fois, ont fini par s'égarer et leur histoire a vu son intérêt se déliter. Entre un piège tendu au serpent Nidhogg, le mal qui rongeait Yggdrasil, les manigances d'Odin, les caprices de Thor, et la disparition de Sigfried, Wonder Woman, inspirée par l'écureuil Ratatosk, errait dans un univers qui était en fin de compte moins exotique que peu passionnant.

Malgré tout les scénaristes ont eu le bon goût de ne pas s'éterniser : l'arc ne compte que quatre épisodes, c'est bien suffisant. Mais au fond, le sentiment qui subsiste, c'est qu'on ne sait pas bien à quoi cette histoire a servi, ce qu'elle racontait vraiment. Et surtout est-ce que ces aventures dans l'au-delà ont vraiment un avenir ?

La faute à qui ? demandai-je plus haut. On peut s'interroger en fait sur la responsabilité même du personnage de Wonder Woman dont personne ne sait visiblement quoi faire. C'est un personnage compliqué dont la position demeure floue. A la base, l'amazone née sur une île à l'écart des hommes a rejoint le monde comme ambassadrice de paix. Elle a fait partie de la Société de Justice, de la Ligue de Justice. C'est à la fois une diplomate et une guerrière, l'égale en puissance de Superman. C'est aussi devenu une vedette de cinéma incarnée par Gal Gadot dans deux films de Patty Jenkins (le premier est bien, le deuxième est catastrophique) et deux de Zack Snyder (qui n'a visiblement pas la même vision du personnage, mais n'est pas plus inspiré). Morte (mais provisoirement, car elle reviendra à la vie forcément), Wonder Woman est désormais remplacée par sa mère, Hippolyte, au sein de la Ligue de Justice écrite par Brian Bendis, sans que cela choque (c'est même certainement l'idée la plus intéressante de Bendis).

Mais au fond qui est Wonder Woman ? Qu'est-ce qui en fait un personnage essentiel en dehors de sa notoriété, de sa longévité (80 ans au compteur) ? Qu'est-ce qui en fait une héroïne indispensable ? Et surtout comment l'écrire de manière captivante, originale ? Wonder Woman, au fond, représente une certaine fossilisation chez DC : si on la change trop, elle risque de perdre son identité, sa singularité, alors on ne la touche pas et elle demeure cette figure curieuse, qui n'a pas/plus la dimension iconique d'un Superman ni l'attractivité d'un Batman. Brian Azzarello, durant les New 52, avait tenté de bousculer le personnage, profitant du reboot, mais la série semblait détachée des autres apparitions de WW (qui vivait alors une romance avec Superman dans Justice League et dans la série Superman/Wonder Woman). Grant Morrison, dans la collection hors continuité Earth-One, a voulu revenir aux bases mais sans produire une histoire (sur trois volumes) convaincante (loin de là).

Peut-être faut-il plus pour que Wonder Woman soit (à nouveau) à la hauteur ? Kelly Sue DeConnick et Phil Jimenez travaillent depuis plusieurs années sur un graphic novel (somptueux, d'après les pages qui ont été montrées), la scénariste avait fait des merveilles avec Captain Marvel, le dessinateur adore l'amazone. S'ils opérent un lifting à la hauteur des attentes (et intégré à la continuité !), ce serait un joli coup (d'ailleurs, DeConnick sur la série régulière de l'amazone, avec Robson Rocha au dessin par exemple - l'artiste étant sans titre fixe actuellement -, voilà qui serait une idée accrocheuse).

Travis Moore commence à tirer la langue sur ce dernier épisode, même si ses planches sont toujours très belles, mais avec de moins en moins de décors. Tamra Bonvillain doit "meubler" les arrières-plans avec des camaïeux de couleurs plus ou moins heureux (j'avoue ne pas être fan de son travail - d'ailleurs elle a été remplacée sur le dernier épisode de Justice League par FCO Plascencia). S'il anime avec bonheur Diana, ses designs pour Thor ou les asgardiens en général ont quelque chose de kitsch. Les trois Valkyries possèdent un vrai charisme, hélas ! peu exploité. Mais bon, quatre épisodes, c'est le maximum que peut enchaîner Moore.

Le dénouement est assez grotesque, avec la concrétisation de la romance entre Diana et Sigfried. Le physique de bellâtre de ce dernier est bien terne et la scène a quelque chose d'embarrassant dans sa convention, surtout compte tenu de la réaction de Wonder Woman, maussade après la victoire et sautant au cou du guerrier ressucité dès qu'il resurgit. Franchement, un scénariste masculin écrirait ça, on le taxerait de balourdise (à raison), mais qu'une scénariste comme Cloonan se laisse aller à ça, c'est... Gênant, terriblement guimauve.

Ce n'est pas que j'avais de grandes attentes avec cette série (qui a connu bien des soubresauts depuis le début de l'ère DC Rebirth), mais ça ne vaut pas le coup de persévérer.

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