mardi 30 octobre 2012

Critique 357 : UNCANNY X-FORCE, VOL. 1 - THE APOCALYPSE SOLUTION, de Rick Remender et Jerome Opeña

Uncanny X-Force, volume 1 : The Apocalypse Solution rassemble les quatre premiers épisodes et leur prologue de la série écrite par Rick Remender et illustrée par Jerome Opeña (Leonardo Manco pour le prologue), publiée par Marvel en 2010.
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- Prologue - Extrait de Wolverine : road to hell. Ecrit par Rick Remender, dessiné par Leonardo Manco. Cette nouvelle formation de l'unité X-Force se réunit dans la X-Caverne et se compose de Wolverine, Fantomex, Archangel, Psylocke et Deadpool. Les 4 premiers partent en mission à bord de l'E.V.A. (vaisseau en symbiose avec Fantomex) après que Warren Worthington III/Angel leur ait expliqué avoir envoyé Deadpool en Égypte sur la piste du clan Akkaba, qui veut ressuciter Apocalypse, le premier mutant (dont l'objectif est de faire entrer la mutanité dans son Âge, en supprimant les humains et les mutants qui s'y opposeront). Mais pour le X-Man ailé, il s'agit aussi de vengeance contre celui qui l'a radicalement transformé dans le passé en le dotant d'une double personnalité et de pouvoirs maléfiques...



Deadpool joue les éclaireurs...

- The Apocalypse solution (#1-4). Ecrit par Rick Remender, dessiné par Jerome OpeñaInfiltré dans un temple, Deadpool assiste discrètement à une cérémonie macabre au cours de laquelle une jeune femme du clan Akkaba est sacrifiée. Il est alors surpris par un géant cornu qui le frappe avec son énorme hâche.
Cependant, dans la caverne X, Warren Worthington III/(Arch)Angel et Betsy Braddock/Psylocke (qui l'a aidé à contenir mentalement son double maléfique) s'inquiètent à la fois pour leur relation intime et l'absence de nouvelles de Deadpool.
A Londres, Wolverine recrute Fantomex, sur le point de commettre un cambriolage.
L'équipe réunie se rend en Egypte où se trouve Wade Wilson/Deadpool et affronte une première fois le clan Akkaba qui s'enfuit en se téléportant sur la face bleue de la Lune. L'X-Force s'y déplace à son tour, convaincue d'y trouver Apocalypse ressucité. Mais les Quatre nouveaux Cavaliers de leur ennemi (Guerre - le géant cornu - , Pestilence, Famine et Mort) les attendent.
Toutefois le groupe est loin d'imaginer quelle forme possède désormais leur ennemi et à quel point celle-ci va leur poser un terrible dilemme quand à l'issue de leur mission, s'ils y survivent...
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Et si Apocalypse n'était plus celui que les X-Men connaissait...


Psylocke contiendra-t-elle encore longtemps
les instincts meurtriers d'Angel, son amant ?

Après le crossover Second Coming, Cyclops, le leader des X-Men choisit de dissoudre l'unité X-Force, dont Wolverine était le chef et qui s'occupait de régler les menaces extrèmes de manière définitive (en n'hésitant pas à tuer, mais sans que les autres mutants ne le sachent).
Pourtant, Logan et Warren Worthington III décident de passer outre cet ordre : pour le premier, parce qu'il faut continuer à faire le sale boulot contre des ennemis sans scrupules ; pour le second, parce qu'il veut retrouver et éliminer Apocalypse, le responsable de ses malheurs (il l'a transformé en une machine à tuer). Betsy Braddock/Psylocke est désormais en couple avec Angel et, l'ayant aidé à maîtriser ses accès de rage (qui le transforme en monstre), le suit dans sa croisade. Deux mercenaires, le français Fantomex et le canadien Deadpool, se joignent à eux contre rétribution.

Succèdant à Craig Kyle et Chris Yost, Rick Remender a donc d'abord modifié l'équipe en la resserrant, à la manière d'un commando, agissant comme tel, c'est-à-dire en secret, vite et sans craindre de tuer. Comme premier adversaire, il n'y est pas allé avec le dos de la cuillère puisqu'il s'agit d'Apocalypse, un des plus (sinon le plus) puissant des mauvais mutants. Mais il donne au méchant une nature et un aspect qui bouleversent profondèment l'issue de la mission et va poser un véritable cas de conscience.
La philosophie de l'équipe et le souhait de vengeance d'Angel se heurte alors à une limite inattendue, dérangeante, que Remender a le courage de ne pas éviter mais de traiter frontalement. Le lecteur est pris à parti dans cette variation sur un thème pourtant rabattu (que feriez-vous si vous pouviez tuer un fou dangereux et puissant comme Hitler ?).
La concision du traitement de l'intrigue fait à la fois sa force (on ne s'ennuie pas, il y a beaucoup d'action, de spectacle, l'aventure se suffit à elle-même avec ses quatre épisodes) et sa faiblesse (la psychologie des protagonistes est sommairement développée - à part pour le couple Angel-Psylocke, de loin le plus intéressant - , le dénouement expéditif et le choix inexpliqué opéré par Fantomex, qui laisse le lecteur et ses co-équipiers dans un malaise palpable).
Des éléments sont sacrifiés, quitte à paraître improvisés comme des rustines pour le récit : ainsi  les pouvoirs d'illusionniste de Fantomex sont toujours exploités de manière très (trop) providentiels, Deadpool ne sert à rien (sinon à aligner des dialogues dont le comique laisse à désirer - pour moi, la popularité de ce personnage reste un mystère), et (comble du comble) Wolverine apparaît comme un leader par défaut, dont la seule stratégie semble être de foncer dans le tas, sans jamais contrôler ses soldats (surtout pas Angel, dont les motivations et la détermination sont pourtant évidentes dès le départ).
Bref, Remender est indéniablement un scénariste efficace, percutant, mais aussi trop occupé à poser des pions pour le futur au lieu d'exploiter à fond son récit présent, paresseux sur la psychologie de ses personnages (même si la dynamique du groupe est intéressante), et n'évitant pas une complaisance certaine (et hélas ! familière à beaucoup d'auteurs actuels) pour l'hyper-violence (certes X-Force n'a jamais été une série modérée sur ce plan, mais finalement à part un peu plus de tourments existentiels, cette version ne modifie pas la donne).
C'est un peu dommage car, encore une fois, on est remué, troublé - mais frustré aussi.
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Peut-on parler seulement de dessin pour ces épisodes (et la série) ? Ce serait réducteur tant le travail de Jerome Opeña est indissociablement lié à la colorisation prodigieuse de Dean White (incroyablement supérieure à ce qu'il avait commis sur Avengers). A la fin de l'album, parmi les bonus, on trouve un work-in-progress du script à la planche finie qui détaille les étapes de leur collaboration : Opeña effectue d'abord des crayonnés poussés, très détaillés, puis des teintes de gris sont appliquées pour indiquer les volumes et les effets de profondeur de champ, avant, enfin, que la mise en couleurs soit réalisée sans encrage préalable. Le résultat est époustouflant, évoquant davantage ce que des artistes expérimentaient à l'époque d'Epic Comics que les bd mensuelles traditionnelles. 
Opeña possède un style d'ailleurs plus proche des européens (avec le rythme de travail qui va avec - le processus utilisé ne peut lui permettre d'enchaîner plus de quatre épisodes d'affilée), dans une veine réaliste.
Son art du découpage est prodigieux, avec des plongées et contre-plongées vertigineuses, des compositions audacieuses, le souci de donner de la profondeur à chaque image.
Sou souci de donner à chaque personnage (bons ou méchants) un langage corporel propre est sidérant, et donne en particulier aux scènes de bataille une férocité intense.
Ces illustrations extrèmement élaborées transcendent cette histoire et Opeña vole la vedette à Remender - d'une façon telle que, à la toute fin, le scénariste se tait et laisse les images parler seules, avec des attitudes, des expressions et un découpage plus subtiles que n'importe quelle dialogue.
(On ne sera pas aussi élogieux pour Leonardo Manco, "dessinateur" du prologue : en vérité des photos trafiquées et colorisées par Chris Sotomayor, qui piquent les yeux...)



Les origines des Quatre Cavaliers d'Apocalypse.
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Depuis, Remender a considérablement étoffé la série, confirmant que ce premier acte posait seulement des fondations pour une saga plus ambitieuse, mais dont la complexité et la violence exigent du lecteur de l'attention et de l'estomac. Cette rampe de lancement lui a valu de devenir un des nouveaux barons de Marvel (il sera aux commandes d'Uncanny Avengers, la série-phare du relaunch "Marvel Now !" qui démarre en vo ce mois-ci, et multiplie les projets chez divers éditeurs - Image, Dynamite). Quant à Opeña, malgré ses problèmes de rythme, il est lui aussi désormais une valeur sûre (illustrant le premier arc de la nouvelle série Avengers).
The Apocalypse solution a donc valeur de document, comme une transition pour le titre (dont on peut apprendre les itérations antérieures dans les bonus) et ses auteurs. C'est aussi quatre épisodes sublimement dessinés et racontés avec vigueur, suffisamment bien bâtis pour se suffire à eux-mêmes.

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