dimanche 30 avril 2023

TED LASSO never quits !


Et c'est reparti pour Ted Lasso ! La première saison avait été un vrai coup de coeur et je n'ai pas résisté à me plonger dans la deuxième aussitôt après (alors que je voulais faire durer le plaisir). Beaucoup de bonnes nouvelles au menu : on a droit à douze épisodes (au lieu de dix), d'une durée plus longue (atteignant régulièrement les 45' au lieu des 30') et surtout les scénaristes ont davantage creusé les personnages, y compris secondaires, sans négliger les intrigues. Et avec un motif récurrent : le refus d'abandonner, pour le pire comme pour le meilleur...

EVIDEMMENT, IL EST INDISPENSABLE D'AVOIR VU LA SAISON 1
ET DONC CE QUI SUIT SPOILE CE QUI S'EST PASSE PRECEDEMMENT.
 

Relégué en deuxième division (le Cahmpionship), l'AFC Richmond a très mal démarré sa saison en alignant sept défaites de rang. Pour ne rien arranger, son buteur, Dani Rojas est traumatisé par un incident de jeu. Rebecca Welton recrute une psychologue pour les aider, lui et ses collègues. L'arrivée du docteur Sharon Fieldstone perturbe Ted Lasso qui la voit comme une rivale.
 

Pourtant, elle obtient des résultats rapides et probants et les joueurs reprennent confiance en eux, ce qui se traduit par de meilleurs résultats sur le terrain. De son côté, Jamie Tartt se fait renvoyer de Manchester City pour avoir participé à une télé-réalité. Sans club, il aborde Ted pour le convaincre de le réintégrer mais celui-ci refuse d'abord. Il en parle au coach Beard et Nate Shelley ainsi qu'à Higgins, qui considèrent que Tartt ne sera pas accepté par l'effectif.


Mais Ted passe outre ces avis et accepte de donner une deuxième chance à Jamie, même s'il lui fait d'abord cirer le banc des remplaçants, histoire de lui apprendre l'humilité. Rebecca décide, elle, de s'occuper davantage de sa filleule, Nora et Roy Kent, qui entraîne une équipe poussin de filles, consent, à la demande de Keeley, à accepter un poste de consultant sportif à la télé.


Noël arrive : Roy et Keeley s'occupent de Phoebe, la nièce de Kent ; Higgins reçoit comme chaque année des joueurs du club éloignés de leur famille mais cette fois c'est toute l'équipe qui débarque. Loin des siens, Ted est réquisitionné par Rebecca pour distribuer avec elle des cadeaux à des enfants nécessiteux.


Nate demande conseil à Keeley et Rebecca pour changer son image maintenant qu'il est coach adjoint de l'équipe. Ted, alerté par Beard des contre-performances de MacAdoo, leur nouveau capitaine, sollicite l'aide de Roy Kent qui comprend que le terrain lui manque et quitte son poste de consultant pour intégrer le staff de Richmond, au grand dam de Nate. Et de Jamie.


Tandis que Rebecca reçoit la visite de sa mère, une nouvelle fois brouillée avec son père, l'équipe affronte Tottenham en 1/4 de finale de la Coupe d'Angleterre. Ted quitte subitement le terrain au cours du match et Nate applique une tactique qu'il a mise au point qui conduit Richmond à une victoire inattendue. Les médias le portent aux nues tout en s'interrogeant sur ce qui est arrivé à Ted.


S'y prenant à plusieurs fois, à contrecoeur, Ted finit par se confier au Dr. Fieldstone et lui raconte avoir perdu son père, qui s'est suicidé, quand il avait 16 ans. Depuis, il ne lui a pas pardonné et réprime son chagrin et ses angoisses, de plus en plus difficilement récemment à cause de la pression médiatique et sportive. De son côté, Nate commence à prendre la grosse tête et Roy comprend qu'il doit laisser plus d'espace à Keeley pour le bien de leur couple.


Keeley a décroché pour le club depuis quelque temps un nouveau sponsor, BantR, une application de rencontres en ligne. Joueurs et personnel doivent en faire la promotion et c'est ainsi que Rebecca découvre qu'elle correspond avec un membre de l'équipe, Sam Obisanya. Richmond affronte Manchester City en 1/2 finale de la Cup et reçoit une correction terrible.


La même nuit, Beard erre en ville avec trois supporters à qui il fausse compagnie en suivant une femme chez elle. C'est le début d'une suite de mésaventures cauchemardesques qui lui font comprendre son erreur d'avoir rompu avec Jane Payne, qu'il rejoint dans un night-club.


Le père de Rebecca meurt et toute l'équipe assiste aux funérailles. Ted, pris d'une nouvelle crise d'angoisse, appelle le Dr. Fieldstone et trouve grâce à elle la force de rejoindre la cérémonie. Rupert Mannion est également là avec le bébé qu'il vient d'avoir avec Bex...


Après un hat-trick (3 buts marqués en un seul match), Sam Obisanya est approché par le milliardaire ghanéen Edwin Akufo qui vient de racheter le Raja Casablanca pour lequel il souhaite recruter les meilleurs joueurs africains à prx d'or. Rebecca craint qu'il ne s'en aille. Nate, lui, exaspéré que les joueurs et les médias sous-estiment ses efforts au sein du staff, révèle à Trent Crimm, un journaliste que Ted souffre de crises de panique.


Le dernier match de la saison s'annonce mal alors que Richmond a l'opportunité de réintégrer la Premier League. Ted assume ses problèmes devant les médias et apprend qui l'a trahi, mais ne se venge pas car l'équipe le soutient. Au terme de deux mi-temps épiques, le club gagne son ticket pour la première division et Sam décide de rester à Richmond. Nate, lui, s'en va et est embauché par Rupert pour entraîner West Ham qu'il vient d'acquérir.

Bon finalement, je vous ai rédigé un résumé complet. J'ai pris des notes, autant qu'elles servent, et comme je sais que généralement les critiques de séries télé sont les moins lues de ce blog, ça ne fera pas de grosses différences si je raconte tout. Ce n'est pas un reproche que j'adresse, après tout je n'aurai sans doute pas dû appeler ce blog Mystery Comics si c'était pour yn parler aussi ciné et séries télé.

Mais il faut bien avouer que cette semaine de comics n'a pas été satisfaisante. Déçu par mes lectures, j'ai trouvé davantage mon compte en suivant cette saison 2 de Ted Lasso, d'autant plus qu'elle compte deux épisodes de plus que la précédente, et que la majorité de ces épisodes sont plus longs - on est passé d'un format sitcom (25-30') à quelque chose de plus standard (40-45'). Et le mieux, c'est que c'est réussi.

Souvent, quand un show tient une formule gagnante, ses auteurs ne voient pas le besoin d'évoluer, mais ceux de Ted Lasso ont visiblement de l'ambition et ont saisi l'occasion d'aller plus loin que la comédie reposant sur l'argument simple et efficace d'un coach de football américain qui prend la tête d'un club de foot anglais. Cette saison 2 explore davantage la psychologie des personnages, y compris secondaires, construit des intrigues plus fouillées, offre quelques pics narratifs et promet une saison 3 bien relevée. Tout n'est pas parfait, mais comme l'équipe créative de la série le prouve ici, tout est perfectible.

On avait laissé l'AFC Richmond sur une défaite cruelle qui la reléguait en deuxième division, le championship anglais (ce qui réjouit quand même le coach Lasso qui trouve ça épatant d'appeler championship une ligue inférieure). Evidemment, on trouve d'abord irréaliste que aucun joueur du club n'ait quitté l'effectif pour rester dans l'élite, et plus encore que Rebecca Welton (Hannah Waddingham en mode MILF à fond) maintienne son club à flot financièrement alors que le club a perdu de sa valeur marchande.  On peut aussi s'étonner que Lasso n'ait pas remis sa démission ou ait été remercié pour défaut de résultat. Mais baste !

Prenons tout ça, mettons dans un sac et oublions-le : Ted Lasso n'est pas un documentaire aspirant à être crédible, c'est une série télé, un divertissement, optimiste, ludique, qui peut donc se permettre d'écarter ce genre d'éléments. Il ne les écarte pas complètement du reste puisque Keeley Jones (Juno Temple, craquante) trouve un sponsor pour l'AFC Richmond avec l'application de rencontres BantR (un pastiche de Tinder), à même de renflouer les caisses, et Rebecca Welton, on le sait, dispose d'une solide fortune personnelle.

Les premiers épisodes voient quelques protagonistes de la saison 1 à la périphérie du club : Jamie Tartt (Phil Dunster toujours imparable) le buteur tête à claques participe à une télé-réalité qui lui vaut d'être renvoyé de Manchester City, Roy Kent a pris sa retraite pour entraîner des fillettes avant de devenir consultant à la télé (à contrecoeur). Une partie des premiers épisodes va donc consister à justifier le retour de ces deux hommes au sein de l'AFC Richmond et c'est fait assez habilement. Mais on remarque surtout que la série ne joue pas tant la comédie que ça malgré tout.

En effet, Richmond est en mauvaise posture, perdant plusieurs matchs et même leur mascotte dans des circonstances là pour le coup franchement burlesques mais traumatisantes pour les joueurs. Ted est impuissant face à ces revers. L'introduction du docteur Sharon Fieldstone (Sarah Niles, parfaite) va apporter au club et à la série elle-même un ressort bienvenu car Ted n'apprécie guère l'intervention d'un psy. Pourtant, Sharon va s'imposer et surtout révéler à pratiquement tout le monde qui il est, ce qu'il apporte au club, appuyer où ça fait mal. On peut affirmer qu'avec elle Richmond et ceux qui l'animent vont tomber les masques et se mesurer à leur plus sérieux adversaire.

Même si Nate (Nick Mohammed, suprenant), l'ex-intendant du club devenu coach adjoint, ne consultera pas Sharon, c'est sans doute lui qui va le plus impacter la course à la remontée en Premier League de Richmond. L'arc qui le concerne est redoutablement bien fichu, transformant ce personnage sympathique, attachant, en type franchement détestable, jaloux, orgueilleux. La fin de la saison annonce un duel prometteur en l'élève et le maître.

Le casting étant fourni, on doit s'attendre à ce que tous ne bénéficient pas du même traitement. Cependant, il y a un effort remarquable pour caractériser plus subtilement certains, comme le coach Beard (Brendan Hunt, drôlissime) dans un épisode qui lui est entièrement consacré et qui est un hommage explicite à After Hours (Martin Scorsese, 1985), ou encore Higgins (Jeremy Swift, impayable) avec l'épisode de Noël. La romance entre Rebecca et Sam Obisanya (Toheeb Jimoh, lumineux) profite davantage à ce dernier en termes d'exposition puisqu'il est aussi au centre d'un épisode quand il est convoité par Edwin Akufo (l'occasion aussi de bien rigoler quand celui-ci cite le PSG comme un grand club européen au même titre que le Barça...).

En revanche, j'espère que la saison 3 sera l'occasion pour les scénaristes de nuancer Roy Kent (Brett Goldstein, un peu livré à lui-même), trop réduit à son tempérament ombrageux, s'exprimant par des grognements un peu pénibles à la longue, ou Jamie Tartt, qui s'est racheté de sa saison 1 (et qui pourrait bien troubler à nouveau Keeley) mais mérite d'être encore plus creusé (notamment après la scène très forte qui l'oppose à son père).

Le point d'orgue de la saison est, à tout seigneur tout honneur, réservé à Ted Lasso (Jason Sudeikis est encore une fois épatant) lui-même. C'est avec lui qu'on mesure vraiment à quel point cette saison va loin, ose et émeut davantage. On s'en doutait, mais derrière sa moustache et son sourire, il y a des fêlures profondes, bien plus douloureuses que son divorce dans la saison 1. Lorsqu'il confie à Sharon la raison derrière ses crises de panique, avec l'histoire sur le suicide de son père, on ne rigole plus du tout et on aime encore plus ce personnage, plus seulement pour sa position improbable, ou sa bonne humeur à toute épreuve, ou le décalage qu'il incarne entre la culture américaine et celle des britanniques, mais parce qu'il fend l'armure. Et nul doute que les auteurs ne vont pas s'arrêter là puisque the cat is out the bag maintenant - on imagine ainsi facilement que Nate va instrumentaliser les faiblesses de son ex-boss dans leurs prochains affrontements...

On dit souvent pour un chanteur que le deuxième album est plus compliqué que le premier car il est plus attendu. C'est pareil pour une série télé, et Ted Lasso confirme son statut de show résolument à part, d'abord par son argument de base, mais aussi, et c'est encore mieux, par sa maturité. Du coup, c'est toujours aussi feel-good, mais en plus c'est devenu émouvant.

samedi 29 avril 2023

Faut-il "ghoster" GHOSTED ?


Comme il y aura très peu de nouveautés comics à critiquer la semaine prochaine, je vais alimenter ce blog avec quelques films et séries que j'ai regardés ces derniers temps. Même s'il faut bien l'avouer, tout ne relève pas du chef d'oeuvre, comme Ghosted, survendu par Apple + sur les noms de ses deux vedettes, Ana de Armas et Chris Evans, qui sont réunis pour la troisième fois à l'écran. Hélas ! dans un long métrage qui n'est pas à leur niveau...


Sadie Rhodes rencontre Cole Turner, un charmant agriculteur sur un marché aux fleurs. Il tombe sous le charme et la convainc de lui laisser la guider en ville pour la journée. Elle se dit conservatrice de musée, sans cesse en déplacement, suggérant ainsi qu'elle ne souhaite pas s'engager dans une relation longue durée. Après une nuit passée ensemble, elle promet pourtant de le rappeler.


Cole y croit et ses parents l'encouragent, même si sa soeur se moque de lui et le met en garde car il ne cesse d'envoyer des textos à Sadie. Comme elle ne lui répond pas, il pense qu'elle l'a "ghosté", mais refuse d'en rester là. Ayant oublié son inhalateur dans le sac de Sadie, il peut la géolocaliser grâce à une puce GPS sur l'appareil et part sur un coup de tête la rejoindre à Londres.
 

Mais à peine arrivé dans la capitale britannique, Cole est enlevé par des malfrats et interrogé au sujet d'un code secret car on le prend pour le "Taxman", un espion réputé. C'est alors que Sadie débarque et tue les ravisseurs de Cole puis s'enfuit avec lui. Elle lui révèle être le "Taxman" et traquer Leveque, un traître des services secrets français, sur le point de vendre à Utami une arme biologique, l'Aztec, contenue dans une valise qu'on ne peut ouvrir qu'avec un code.


Sadie tente de rapatrier Cole mais plusieurs chasseurs de primes les traque, lui et Sadie, pour le compte de Leveque et Utami. Ils vont être obligés de s'allier pour confondre leurs ennemis et empêcher leur transaction...


Après Knives Out (Rian Johnson, 2019) et The Gray Man (Joe et Anthony Russo, 2022), Ghosted marque donc les retrouvailles de Ana de Armas et Chris Evans devant la caméra de Dexter Fletcher (Rocketman, 2019) cette fois-ci. Apple + a produit ce long métrage directement pour le streaming en s'appuyant sur la renommée des deux comédiens et leur alchimie. Mais le compte n'y est pas vraiment...

Vendu comme une comédie d'espionnage, pleine d'action et de romantisme, Ghosted avait tout pour séduire sur le papier, même si son programme n'avait absolument rien d'original. On pourrait citer Knight and Day (James Mangold, 2009) ou True Lies (James Cameron, 1994) comme inspirations explicites puisque l'argument de départ est identique : un couple se forme, mais l'un des deux dissimule à l'autre sa véritable activité, et quand un méchant s'en mêle, tout bascule.

C'est ce qui se passe ici, mais sans la fantaisie débridée ni la garantie du grand spectacle qu'on trouvait dans les films de Mangold et Cameron. Malgré l'argent dont dispose Apple +, on sent bien que tout a été financé à l'économie et manque singulièrement d'envergure et de rigueur. Deux ingrédients indispensables pour satisfaire le public habitué à ce genre de récit.

En vérité, ça part mal dès le début car on a l'impression que les scénaristes (pas moins de quatre : Chris McKenna, Erik Sommers, Rhett Reese et Paul Wernick - ces deux derniers ayant rédigé le pitch) ne savent pas caractériser le héros masculin. Faire de Chris Evans, l'ex-Captain America du MCU, un agriculteur qui vend des fleurs faute d'avoir fini sa thèse, n'est pas une bonne idée tant l'acteur ne correspond pas à l'idée qu'on peut se faire de pareil personnage. Soit il aurait fallu lui trouver une profession un peu plus définie, soit il aurait fallu caster un autre comédien, mais ça ne fonctionne tout simplement pas.

Mais Evans a du charme à revendre et c'est au moins ça : on sympathise immédiatement avec lui, on souhaite qu'il séduise Ana de Armas et on ne doute pas quand il y parvient, sans quoi tout serait vraiment tombé à l'eau. Par ailleurs, contrairement à ce que certains cinéphiles auto-proclamés ont décrété, ce n'est pas parce que Evans a acquis sa célébrité en campant des super-héros qu'il est un mauvais acteur : son jeu est sobre, avec un zeste de malice et d'auto-dérision bienvenu, qui donne à l'ensemble un air de "on dirait que je suis...".

Passé le début un peu laborieux du film, laborieux parce que trop long (Ghosted dure 1h. 50 et aurait gagné à être plus concis, plus nerveux), une fois que le personnage d'Evans part à Londres et que l'intrigue démarre vraiment, l'entreprise reprend des couleurs. Cela coïncide avec la révélation du métier du personnage incarnée par Ana de Armas.

L'actrice cubaine est toujours aussi belle, quoi qu'elle fasse, quelle que soit la situation, et quand bien même aspire-t-elle désormais à diversifier ses expériences au cinéma, elle est fabuleusement à l'aide dans le registre de l'action où elle s'est révélée dans le dernier James Bond (Mourir peut attendre, 2021), puis dans The Gray Man avant de la découvrir dans Ballerina (spin-off de la saga John Wick). Malgré son gabarit qui n'a rien d'athlétique, elle évolue dans les scènes de combat avec un mélange de hargne et de grâce tout à fait remarquable et jubilatoire.

D'une certaine manière, alors que Ghosted s'est monté sur le nom de Chris Evans (dont le nom figure en premier au générique), c'est bien Ana de Armas qui fait décoller le film et en devient la pilote. Son charisme naturel fait le reste. Le scénario s'appuie beaucoup sur le quiproquo qui veut que "madame porte la culotte" (ou dégaine les flingues, si vous préférez) alors que le cinéma d'action privilégie la figure mâle dans ce cas-là. Evans subit les événements et se défend comme il peut, ce qui constitue un renversement comique pour celui qui a été le premier des Avengers.

Mais c'est aussi par là que le bat blesse car Dexter Fletcher ne peut s'empêcher de montrer que sa star masculine sait se défendre et, miraculeusement, on le voit manier le pistolet et balancer des coups de poings avec une adresse étonnante pour un type qui vend des fleurs et abhorre la violence. Si, par exemple, un twist scénaristique avait révélé que Sadie n'était pas le "Taxman" mais que Cole l'était en réalité, expliquant qu'il s'agissait d'un espion certes réputé mais retiré, un peu comme dans l'excellent Anthony Zimmer (Jérôme Salle, 2005), non seulement cela aurait donné à tout le film une autre allure mais aurait surtout justifié les compétences physiques du personnage de Chris Evans.

Ghosted ressemble à un catalogue d'idées mal exploitées, que le spectateur espère mais ne voit jamais arriver. On ne s'ennuie pas mais on n'est jamais surpris - si ce n'est pas les caméos (car Evans a passé quelques coups de fil aux copains pour des apparitions savoureuses, que je vous laisse découvrir). Seule la scène finale dans le restaurant circulaire en hauteur et le règlement de comptes qui s'y déroule nous fait vibrer, mais c'est trop tard. Dommage, surtout pour Adrien Brody qui dans son rôle de méchant n'a rien à défendre (et qui lui aussi d'ailleurs retrouve de Armas après Blonde) : Leveque manque trop d'épaisseur pour faire peur, il ne paraît jamais en mesure de vraiment pouvoir battre ceux à qui il s'attaque.

Dexter Fletcher est un cinéaste passe-partout qui avait inspiré de l'espoir avec son biopic sur Elton John (Rocketman), mais c'est justement quand un réalisateur a moins de matière sous la main qu'on peut vérifier s'il peut livrer un film accrocheur. Or, Ghosted met en lumière les insuffisances de Fletcher et  laisse les commandes à ses deux stars qui, heureusement pour nous, et contrairement à ce que d'autres critiques affirment, forment un tandem du tonnerre, avec un alchimie rare.

Chris Evans risque de devoir attendre encore avant de décrocher le rôle qui fera oublier Captain America (alors qu'il était si bon en bad guy dans The Gray Man l'an dernier). Ana de Armas est trop irrésistible pour que cela freine son ascension. Une belle occasion manquée tout de même.

vendredi 28 avril 2023

ACTION COMICS #1054, de Philip Kennedy Johnson et Max Raynor, Dan Jurgens, Dorado Quick et Yasmin Flores Montanez


Ce n°1054 d'Action Comics a-t-il un editor (le type censé veiller à la qualité de la revue et à la correction d'éventuelles erreurs) ? On peut se le demander quand on s'aperçoit des erreurs de crédits sur la couverture, mais aussi de la médiocrité de son contenu. Mes craintes sur ce format se confirment et c'est sans doute le dernier exemplaire que je critiquerai car entre Action Comics et Superman, mon choix est désormais fait.


- ACTION COMICS (Philip Kennedy Johnson / Max Raynor) - Metallo enlève les Super-Jumeaux (Osul et Otho) que Jon Kent devait surveiller. Superman les retrrouve vite et affronte son ennemi avant de le convaincre de s'allier pour sauver sa soeur, Tracy Corben...


Est-ce que ça pouvait seulement fonctionner ? C'est la question qu'on se pose avec ce numéro d'Action Comics. Le format anthologique de ce mensuel avait quelque chose d'expérimental et prometteur, mais la proposition qui le portait, avec le titre animé par Philip Kennedy Johnson portait en elle les limites du concept.

En voulant mettre en scène toute la Super-famille, le scénariste faisait un pari ambitieux mais risqué car faire tenir tout ce monde sur une vingtaine de pages n'était pas une mince affaire. Il a, le mois dernier, blessé Kara, et éloigné Kenan et Connor, on pouvait deviner qu'il faisait de la place pour Kal et Jon, qui sont effectivement au coeur de cet épisode.

Du coup, Kennedy Johnson mise tout sur l'action et le grand spectacle et ferme le ban avec un cliffhanger qui remet en lumière un autre ennemi du man of steel. Hélas ! ce n'est pas, à mon avis, très judicieux tant cet adversaire est un des moins inspirés de la rogue gallery du héros. Du coup, l'intérêt pour la suite de l'intrigue s'en trouve fortement diminué.

Mais le vrai défaut de Action Comics est qu'elle trop peuplée, quasi-obèse. Là où Joshua Williamson avec Superman a adopté un parti-pris clair et basique (retour à l'aventure et le renouvellement dans la relation Superman-Luthor), Kennedy Johnson n'a pas su imposer le sien sinon en écartant une partie du casting et avec une histoire bien moins concentrée.

Ce mois-ci, contrairement à ce qu'indique la couverture, ce n'est pas Rafa Sandoval qui dessine, mais Max Raynor. C'est déjà gênant de constater que Sandoval ne peut pas aligner plus de trois épisodes consécutifs, mais Raynor évolue un bon cran en-dessous de lui, même si son travail reste très honnête.

Bref : je vais en rester là.


- LOIS & CLARK 2 (Dan Jurgens) - Ayant réussi à échapper au robot envoyée à ses trousses, la princesse Glyanna piège Jon Kent qui est recherché par ses parents, retardés par DoomBreaker...

Là aussi, pour la partie graphique, c'est la grande désillusion puisque Lee Weeks fait défaut. Comme l'artiste était le seul véritable intérêt pour lire Lois & Clark 2, autant dire que la motivation en prend un sérieux coup.

Dan Jurgens assume donc scénario et dessin. Sur ce dernier point, encré par son fidèle collaborateur Norm Rapmund, il ne fait pas d'étincelles : perso, je n'ai jamais été conquis par le style de Jurgens comme artiste, convenable mais sans plus. Ici, il réussit quelques planches (celles avec Glyanna et Jon) mais sa manière de croquer Superman reste très générique, loin de la classe de Weeks - même si les couleurs, magnifiques, d'Elizabeth Breitweiser atténuent le choc thermique.

Le récit en lui-même ne console pas : depuis le début, il ne casse pas des briques et le twist de fin d'épisode ne change pas grand-chose. Beaucoup de scénaristes vétérans sont condamnés, semble-t-il, à écrire des histoires situées dans le passé, mais pour un Mark Waid (avec World's Finest) qui en profite intelligemment, la majorité fait le strict minimum, sans inspiration.


- STEEL ENGINEER OF TOMORROW (Dorado Quick/Yasmin Flores Montanez) - Après avoir été attaqué par Amalgam,  John Henry Irons se rend à la conférence de presse pour l'inauguration de son complexe industriel SteelWorks...

Power Girl retirée du sommaire, Action Comics accueille donc Steel Engineer of Tomorrow qui s'intéresse au père et la fille Irons, proches de la Super-famille. Pas de quoi sauter de joie, sauf s'il y avait derrière ça un pitch accrocheur. Ce n'est absolument pas le cas puisque Dorado Quick (inconnu au bataillon) nous la joue encore ennemi caché dans l'ombre et préparant la chute de John Irons.

Côté dessin, c'est également insignifiant tant le trait de Yasmin Flores Montanez est impersonnel. DC n'a vraiment rien d'autre sous la main que cette back-up sans âme, et mise en images par une artiste aussi empruntée ? Faut croire que oui. Faut aussi croire que le format anthologique trouve ses limites quand en dehors de la série principale, le reste du programme fait aussi pâle figure.

Mais encore faudrait-il que la série Action Comics convainque, et ce n'est pas le cas. Je craignais bien qu'une des deux séries mensuelles avec le kryptonien ne soit pas à la hauteur et comparé au plaisir pris à la lecture du Superman de Joshua Williamson et Jamal Campbell, c'est sans regret que je laisse tomber Action Comics.

jeudi 27 avril 2023

THE AMBASSADORS #3, de Mark Millar et Travis Charest


De l'art de souffler le chaud et le froid : c'est, en substance, ce qu'on ressent à la lecture de The Ambassadors, dont le troisième numéro paraît cette semaine. Pour le bon point, on assiste au grand retour de l'immense Travis Charest, le meilleur des dessinateurs de l'école Image dans les années 1990. Pour le mois bon, on constate que Mark Millar semble avoir photocopié ses épisodes sans avoir bâti une intrigue.


Yasmine Gauvin est la mère célibataire de son fils Jean-Luc depuis son divorce. Inquiète du comportement de son rejeton, elle postule pour intégrer les Ambassadeurs de Choon-He Chung. Une aventure où elle ne sera pas la seule retenue...


C'est un bien curieux projet que The Ambassadors. Sur le papier, Mark Millar promettait beaucoup, fort d'une liste d'artistes de première classe dont on savait qu'ils allaient transformer ce comic-book en nouveau succès. Mais après ce troisième numéro, force est de reconnaître que cette série se limite un peu à un beau livre d'images sans vraie intrigue.


Il est dur d'admettre être déçu quand on tient, comme cette semaine, un fascicule dessiné par Travis Charest. Cet artiste, qui reste le meilleur graphiste révélé par Image Comics à sa création, loin devant tous les autres, a connu une carrière météorique avant de se crasher en plein vol.


Reconnu par ses pairs, la critique et le public, Charest s'engage pour dessiner un album de Métabarons, écrit par Alejandro Jodorowsky, et part carrément s'installer à Paris pour y travailler, au plus proche de l'auteur et de l'éditeur. Enthousiaste à l'idée d'oeuvrer sur ce projet, il se met en tête de l'illustrer en couleurs directes alors qu'il est déjà réputé pour sa lenteur.

Charest, qui est franco-canadien, n'achèvera jamais ce graphic-novel, excédant l'éditeur par ses retards, et lui-même conviendra plus tard avoir sous-estimé la charge de travail dans laquelle il s'était engagé. Le retour à la surface, après ce que tout le monde considérera comme un échec, sera long et douloureux. Charest se réinvente en cover-artist (une discipline où nul ne songe à discuter ses compétences), notamment pour des titres Star Wars, et produit en parallèle un comic-strip, Space Girl. Il signera également quelques rares planches pour un épisode intermédiaire entre le run de Mark Millar et Bryan Hitch et celui de Jeph Loeb et Joe Madureira sur Ultimates. Récemment, il a livré des variant covers sur Batman/Catwoman de Tom King et Clay Mann.

C'est donc la première fois depuis une éternité qu'on peut lire un épisode entier dessiné et encré par Charest. Cela, seul Millar pouvait y arriver car, comme avec Frank Quitely, grâce à son partenariat avec Netflix, propriétaire du MillarWorld, il donne le temps qu'il leur faut à ses artistes pour produire ce qu'il leur écrit.

Et franchement, on oublie cela en contemplant les planches de Charest car elles sont réellement époustouflantes de beauté, surpassant déjà celles de Quitely - et on souhaite bien du plaisir à Coipel, Buffagni et Scalera qui passeront après. Charest n'a rien perdu de son génie de narrateur, son trait est d'une précision ahurissante, les détails d'une méticulosité maniaque. Dave Stewart s'est chargé de la colorisation et on sent qu'il a tout fait pour mettre en valeur le dessin de Charest, mais on rêve de voir les planches en noir et blanc.

Plaisir des yeux donc. Mais quel gâchis malgré tout que l'épisode, comme les deux précédents, soit si creux. Je ne comprends pas ce que veut raconter Millar car il ne raconte rien, ou en tout cas pas grand-chose. Chaque numéro semble être un décalque du précédent avec la présentation d'un(e) nouvel(lle) candidat(e) pour intégrer les Ambassadeurs, et guère plus.

Ici, on a donc une mère de famille célibataire qui s'inquiète du comportement de son fils. Elle postule auprès de Choon-He Chung en jouant sur la corde sensible, soulignant que toutes deux savent ce que c'est d'avoir raté leur vie de couple et de devoir assumer des responsabilités. La voilà dotée de pouvoirs, pas davantage originaux (elle peut acquérir des dons divers en fonction de la situation de crise qu'elle doit gérer, un peu l'équivalent de Néo dans Matrix). Mais surprise, elle en a obtenu pour son fils, Jean-Luc.

Mark Millar nous donne donc un dynamic duo clairement inspiré de Batman et Robin à Paris, qui vont, pendant une nuit, arrêter des voleurs de bijoux, sauver des innocents d'un incendie et stopper un train fou. Le scénariste évite les clichés (sauf sur la couverture, mais c'est plus un clin d'oeil qu'une pique), au point de rédiger des dialogues dans la langue de Molière qui sont corrects (bien loin des expressions impossibles qu'écrivent bien des scénaristes anglo-saxons). C'est tonique. Mais complètement anecdotique.

Et c'est pour cela que c'est du gâchis. Parce que Millar peut beaucoup mieux faire. Que le concept de sa série promettait bien mieux. Parce que, quand on Charest pour dessiner un script, on se sort les doigts ! Comment, avec de tels partenaires, Millar a pu aussi peu se fouler ? C'est lamentable. C'est rageant.

Dans quinze jours, ce sera donc au tour de Olivier Coipel de montrer ce qu'il a dans le ventre. Il serait temps que Millar donne davantage, en souhaitant que le dessinateur français soit dans un bon jour (car, avec Coipel, c'est toujours hit or miss). Mais, disons-le tout net : The Ambassadors est lancée dans une vraie course contre la montre pour prouver qu'elle n'est pas une énorme déception sur toute la ligne.

dimanche 23 avril 2023

TED LASSO élu meilleur coach de l'année


Cela faisait un moment que j'entendais parler de Ted Lasso en termes élogieux et dans ce cas-là, on réagit soit en se méfiant (c'est trop beau pour être vrai), soit en étant curieux (voyons voir ce que ça vaut vraiment). Créée par Jason Sudeikis (qui tient le rôle-titre), Bill Lawrence et Joe Kelly, la première saison date de 2020 et se décline en dix épisodes de trente minutes, véritable éloge de la bienveillance et de la résilience avec une bonne dose d'humour.


Ted Lasso débarque en Angleterre pour entraîner le club de football mal classé en Premier League de l'A.F.C. Richmond. La propriétaire est Rebecca Welton, fraîchement divorcée de Rupert Mannion qui lui a laissé l'équipe et le stade. Les médias sont intrigués car Ted Lasso est initialement un coach de football, mais de football américain !
 

Les joueurs de l'équipe sont eux aussi déconcertés et se demandent bien ce que cela signifie. Ted Lasso reconnaît reconnaît lors de sa première conférence de presse ne rien connaître du soccer mais il demande juste à être jugé sur ses résultats tandis que dans le vestiaire c'est la stupéfaction quand il explique que, défaite ou victoire, l'important est surtout de tout donner sur le terrain pour ne rien regretter et d'adopter la méthde du poisson rouge, c'est-à-dire de tout oublier après un échec !
 

Ted et son adjoint, le coach Beard, enrôle Nate, qui s'occupe de l'entretien du terrain et des besoins de l'effectif, car il connaît les secrets de tous les joueurs et est un vibrant supporter de l'AFC Richmond. Fin connaisseur du championnat, il a un avis sûr sur les adversaires et leurs tactiques. Malgré tout, la rivalité entre le capitaine Roy Kent et l'attaquant Jamie Tartt divise l'équipe.
 

Pour apaiser les deux hommes (l'un en fin de carrière, l'autre prêté par Manchester City au début de la sienne), Ted se fait une alliée de Keeley Jones, la girlfriend de Tartt qui subit en silence de ses infidélités. Cette femme pleine de caractère finit par le quitter pour se rapprocher de Kent, au caractère plus ombrageux mais plus respectueux, ce qui pousse Jamie à se questionner sur son comportement sur et en dehors du terrain.
 

Lorsqu'un papparazzi photographie Keely et Ted dans une situation innocente mais susceptible de créer un scandale, elle mène son enquête et découvre  les manoeuvres de Rebecca Welton : celle-ci, depuis le début, s'emploie à couler le club en précipitant sa relégation, d'abord en embauchant Ted Lasso, ensuite en renvoyant Jamie à Manchesty City, ensuite en faisant croire à une liaison entre Ted et Keeley... Tout ça pour se venger de son ex-mari, attaché sentimentalement à l'AFC Richmond au point, croit-elle, qu'il ne se remettra pas de sa relégation.
 

Mais Ted Lasso pardonne tout à Rebecca quand elle lui avoue piteusement son plan. Il a trouvé un remplaçant à Jamie en attaque avec Dani Rojas, humilie aux fléchettes Rupert quand il rachète via sa nouvelle fiancée des parts du club et surtout motive ses troupes pour une fin de saison en boulet de canon mais qui se jouera au dernier match contre... Manchester City !
  

Je ne vais pas pour dévoiler l'issue de la saison de l'AFC Richmond et s'il reste en Premier League. Mais vous dire qu'il faut regarder Ted Lasso, qui sera disponible via Canal + comme le reste des séries Apple + prochainement. Si vous vous sentez un peu écrasé par tout ce qui se passe dans le monde en ce moment, ça va vous faire un bien fou, promis, juré !


La première fois que le nom de Ted Lasso a retenu mon attention, ça a été au détour d'un tweet de la scénariste de comics Kelly Thompson qui en disait le plus grand bien en louant les vertus de son héros et de son propos. C'est une cure contre le cynisme, le catastrophisme, l'aigreur, la méchanceté, une éloge de la gentillesse et de la résilience, écrivait-elle en substance.


Je sais : valoriser la gentillesse, c'est devenu ringard. Trop bon trop con, comme on dit. Être gentil, c'est pas cool, c'est niais, c'est mièvre, c'est pas assez ceci, pas assez cela. Pourtant, être bienveillant ne coûte rien et ça vous apporte des amis, des amours, la paix de l'âme. Quand vous êtes gentil, vous ne tweetez pas de conneries sur les réseaux sociaux, vous faîtes des efforts constructifs, vous ne sombrez pas dans le commentaire bêtement négatif ni dans une attitude méprisante mais qui se veut affirmée.


Et si, malgré tout ça, vous n'êtes toujours pas à l'aise en étant gentil, vous pouvez redevenir en un clin d'oeil un pauvre con, qui n'aime rien, qui se plaint tout le temps, qui vote pour la NUPES ou le RN, et qui vomit sur tout et n'importe qui. Vous redeviendrez tendance en claquement de doigts et vous rentrerez dans le troupeau aussi vite que vous en êtes sortis.

Je suis bien d'accord qu'il n'y a pas grand-chose qui motive à être de bonne humeur et bienveillant en ce moment. Il suffit de regarder le JT et vous ne manquerez pas d'arguments pour faire la gueule à l'humanité entière. Il y a des guerres partout, des réformes qui passent mal, de l'info-spectacle naze, des talk-shows débiles, la pluie mouille, il fait trop chaud en été, tout est trop cher, il faut sortir le chien, etc.

Pas de quoi sauter de joie. Sauf si vous regardez Ted Lasso. Voilà un énergumène qui mérite qu'on s'arrête sur son cas : il débarque des Etats-Unis (l'empire capitaliste du Mal) pour coacher une équipe de foot anglaise alors qu'il n'y connaît rien. Tout le monde le déteste aussitôt et on le traite de "wanker" (branleur) sans arrêt parce que son équipe perd, que sa patronne lui savonne la planche, que le capitaine et le buteur de son effectif en viennent aux mains, que sa femme demande le divorce... Et pourtant, il garde le sourire, il continue d'y croire. Ce type est-il fou ? Ou stupide ?

Non, Ted Lasso est un incorrigible optimiste, un croyant - pas un type qui va à l'église brûler des cierges et prier. Non, c'est un type qui a la foi en ce qu'il fait. Il scotche d'ailleurs sur un mur du vestiaire un papier sur lequel il a écrit en majuscules : BELIEVE (CROIS). Pourquoi y croire ? Parce que, comme il le racontera plus tard à Rupert Mannion l'ex-patron du club, de ses 10 à 16 ans, il a appris à jouer aux fléchettes avec son père avant que celui-ci ne meurt prématurément : comme ni lui ni son paternel n'effrayait personne en compétition, ils gagnaient à la surprise générale parce que les autres ne se méfiaient pas d'eux.

Depuis, Ted Lasso croit en lui et dans les gens qui lui font confiance, qui lui donnent sa chance. Car être gentil, c'est comme croire : ça ne coûte rien et ça réconforte. Si on perd malgré tout, alors il applique la "goldfish method" (la méthode du poisson rouge) : on oublie tout et on repart pour un tour, jusqu'à ce que ça marche. Dès lors, Ted Lasso va se mettre dans la poche même ses plus farouches adversaires : sa patronne à qui il pardonne ses crasses parce que elle comme lui traversent une mauvaise année avec leurs divorces ; les supporters de Richmond parce qu'ils sont des gens de condition modeste pour qui le foot est la seule évasion hebdomadaire, la seule passion ; ses joueurs parce que justement il est le seul à croire encore en eux.

Cela ne signifie pas que Ted Lasso se résume à l'histoire d'un homme qui ne voit que le bon côté des choses et sourit béatement (bêtement ?) à la vie, même quand celle-ci lui glisse des peaux de banane sous les pieds. Un soir de victoire, Rebecca Welton offre une soirée en boîte à toute l'équipe. Un karaoké est organisé et alors que tout le monde chante de bon coeur, Ted est pris d'une crise de panique. Il rentre chez lui après avoir picolé et couche avec une amie d'enfance de son employeuse. Le lendemain, il reçoit des relances par textos de l'avocat de sa femme pour renvoyer les papiers de leur divorce. Il comprend qu'il ne gagnera pas ce match en continuant de le reporter, son couple va mal depuis longtemps, il faut tourner la page, appliquer à lui-même la méthode du poisson rouge. Il signe les papiers et les envoie.

Cette séquence est magnifique car elle montre Ted vulnérable, humain, terriblement attachant. On voit pour la première fois ce coach toujours souriant, positif, limite énervant, fendre l'armure et affronter son reflet dans le miroir. Il n'est pas infaillible, il n'est pas toujours bien dans sa peau, il joue un peu un numéro pour la galerie. Après ça, il s'autorise enfin à être lui-même en toutes circonstances : il ne veut plus seulement tout donner, il veut gagner, pour être heureux autant que les supporters. Ainsi il va être accepté et compris. Et se réconcilier avec lui, admettant même avoir pris du plaisir avec une autre femme (même s'il ignore s'il la reverra).

Et cela rejaillit sur son entourage : Nate va lui aussi s'affirmer, le coach Beard se rendre compte qu'il n'y a pas que le jeu dans l'existence, Rebecca qu'elle ne veut pas que Richmond soit relégué, Roy finir sa dernière saison en beauté...

Les acteurs anglais sont formidables, ça on le savait, mais le charme ici, c'est de les voir entourer un acteur américain et d'observer le malicieux contraste entre eux, de faire de ce contraste un ressort comique efficace mais surtout un échange constructif entre deux manières de jouer. Hannah Waddingham incarne une femme forte mais amère qui va reconnaître se tromper d'ennemi et de cause, avec beaucoup de classe. Juno Temple est très drôle et charmante en groupie avec quand même beaucoup de tempérament. Brett Goldstein et Phil Dunster forment un duo imparable en vétéran râleur et en jeunot insolent. Et c'est chouette de revoir Anthony Stewart Head, le Giles de Buffy contre les vampires, en vieux beau qui nargue son ex au bras de la bombe Keeley Hazell.

Mais bien entendu, ce show ne serait pas ce qu'il est sans Jason Sudeikis. Par chez nous, ce n'est pas une star alors qu'aux Etats-Unis, c'est l'archétype du comédien habitué aux rôles de brave type, qui fut même en couple avec le superbe Olivia Wilde. Ce rôle, c'est celui de sa vie, il se l'est écrit et il le campe avec un naturel impeccable. Vous n'allez pas aimer Ted Lasso vous allez avoir envie de l'avoir comme ami. Il est impossible de lui résister. C'est le héros le plus sympa qu'on ait vu à la télé depuis des lustres.

Alors que la saison 3 est actuellement diffusée, je ne vais pas tarder à me lancer dans la 2 (peut-être ferais-je quand même un crochet par autre chose avant, histoire de ne pas tout regarder trop vite). Mais j'espère que mon coup de coeur sera partagé.

vendredi 21 avril 2023

THE MAGIC ORDER 4 #4, de Mark Millar et Dike Ruan


Ce quatrième épisode de The Magic Order 4 est de loin le plus décevant de ce volume et certainement de toute la série. On achève de le lire sans avoir l'impression d'avoir avancé. Pire : il ressemble à une coquille vide, aussi bien au niveau de l'écriture que des dessins.
 

Cordelia Moonstone et Francis King arrivent dans l'arène où Perditus affronte les magiciens qui se sont égarés dans son royaume. Francis a un plan, vite taillé en pièces. Cordelia s'avance vers ce frère qu'elle n'a jamais connu sans illusions...


Ce quatrième volume de The Magic Order sera décevant quoi qu'il arrive jusqu'à son sixième et dernier épisode. C'est le plus faible arc narratif de toute la saga alors même que le troisième ouvrait des perspectives si prometteuses. Et comme Mark Millar n'a toujours fait aucune annonce concernant le cinquième et ultime acte de sa série, il faudra qu'il soit sacrément fort pour compenser.


Le scénariste écossais a beau avoir plus d'un tour dans sa manche, cette fois même un fan comme moi a du mal y croire et je me demande même si Millar n'a pas présumé de ses forces en promettant autant. Car, enfin, que s'est-il passé pour qu'il livre quelque chose d'aussi mauvais ce mois-ci ?


J'aime pourtant beaucoup The Magic Order, malgré un deuxième arc un peu en deçà, mais contrebalancé par un troisième de haute volée (bien aidé il est vrai par la prestation graphique de Gigi Cavenago). Mais là, c'est le cas de le dire, la magie n'opère pas/plus.

Qu'y a-t-il de plus désagréable que cette impression d'avoir lu une vingtaine de pages et de constater que rien n'a progressé ? C'est exactement le cas ici où tout se résume à quelque scènes qui se succèdent sans ellipse et qui auraient pu tenir en moitié moins de pages. Millar semble gagner du temps et nous en faire perdre par la même occasion. Et cela dure depuis le début de ce volume 4 où on ne peut que s'étonner, s'agacer aussi, que tant d'éléments restent en plan, et que le rythme soit si défaillant.

Pourtant cette rencontre avec Perditus Moonstone s'annonçait comme un grand moment depuis qu'on a appris l'histoire tragique du premier enfant de Leonard et Salomé Moonstone, échangé contre un sorcier surpuissant du royaume de Kolthur (l'oncle Edgar, reclus dans le château Moonstone, amnésique jusqu'à il y a peu). Mais tout retombe comme un soufflé mal cuit.

On comprend vite que Perditus sait tout de ses origines et en veut toujours à sa famille de l'avoir sacrifié pour achever une guerre. Dès lors le sort de Francis King est scellé et l'affrontement avec Cordelia est inéluctable car elle incarne la soeur honnie, préférée à lui. On aimerait compatir pour lui mais Millar présente Perditus comme un barbare pour qui il est impossible de ressentir de la sympathie. Il est brutal, vicieux, rancunier, amer et ne semblait attendre que la visite de sa soeur pour la tuer.

Millar diffère ce duel pour le mois prochain mais ne trompe personne. Il ne tuera pas Cordelia - et personne d'ailleurs ne le souhaite, surtout que, même si elle a ses défauts, elle est angélique par rapport à Perditus, sa mission est noble, on souhaite qu'elle la remplisse avec succès. Réussira-t-elle malgré tout à convaincre Perditus de l'aider ? C'est bien le seul mystère qui nous empêche de renoncer à lire la suite et fin de cet arc.   

Reste que, en dehors de ça, c'est un gâchis. L'oncle Edgar, ancien roi de Kolthur, reste toujours désespérément négligé alors que ces nouveaux épisodes auraient dû servir à avancer sur son dossier, maintenant qu'il a recouvré la mémoire et a assisté au coup d'état de Madame Albany. Celle-ci d'ailleurs, alors qu'elle a détrôné Cordelia, a disparu de la série aussi rapidement qu'elle y était revenue, comme si Millar ne savait plus quoi dire sur le nouvel Ordre Magique, alors qu'il aurait été intéressant de voir quel impact à eu ce changement (on se doute bien qu'une femme machiavélique comme Albany ne va pas se contenter de s'asseoir sur son trône et voir ce qui peut se produire). 

Quant à la mort de Francis King, elle laisse un goût d'inabouti car depuis son introduction dans le volume 2, Millar n'a jamais développé dignement ce personnage pourtant plein de potentiel.

Dike Ruan déçoit lui aussi. Il a du talent, un joli coup de crayon, de quoi voir venir et de quoi faire. Mais ce garçon ne se force pas. Il faudrait pour cela qu'il commence par comprendre que dessiner un décor spectaculaire sur une double page ne suffit pas pour un épisode de vingt planches. La totalité des cases est en effet dénué d'arrière-plan et c'est à la coloriste Giovanna Niro a donc la charge de combler ces vides du mieux qu'elle le peut. Mais rien n'y fait.

Je ne veux rien ajouter de plus sur la partie graphique car je risquerai d'être méchant et j'ai bien trop de respect pour les artistes qui font leur boulot pour ne pas sombrer dans la diatribe pour l'un d'eux qui se contente du strict minimum. Lire The Magic Order après avoir admiré Dan Mora sur World's Finest suffit à exprimer le sentiment de frustration qu'on a devant le manque d'efforts de Ruan. C'est limite honteux.

Je suis moins triste qu'en colère parce que Millar est en train de gâcher une super série et que Ruan vaut mieux que ce qu'il ne fait pas ici. Evidemment, on peut encore espérer un sursaut pour les deux prochains épisodes, mais je n'y crois pas.

BATMAN - SUPERMAN : WORLD'S FINEST #14, de Mark Waid et Dan Mora


S'il n'en restait qu'une, ce serait celle-là - je veux parler de la série avec laquelle on a rendez-vous chaque mois et dont on attend chaque numéro avec plaisir parce qu'on sait qu'on ne sera pas déçu. Le troisième arc de Batman - Superman : World's Finest est une vraie detective story mais où Mark Waid s'amuse à mettre Batman en retrait. Qui a tué Simon Stag ? Interroge la couverture. On n'est pas au bout de nos surprises, dessinées comme d'habitude de main de maître par Dan Mora.
 

Metamorpho cherche qui a voulu lui faire porter le chapeau pour le meurtre de Simon Stagg. Bruce Wayne sort de prison après avoir été à son tour accusé. Superman est aidé de Robin pour enquêter puisque Batman ne peut se montrer sans que son alter ego soit absent. La liste des suspects se réduit...


Je me répète mais à chaque nouvel épisode, c'est un régal de lire Batman - Superman : World's Finest et visiblement je ne suis pas le seul à être amoureux de cette série. Depuis son retour chez DC, Mark Waid pète le feu et semble à lui seul résumer l'état d'esprit de Dawn of DC (avant même que ce statu quo ait été établi).


Pour le troisième arc narratif de la série, le scénariste s'amuse à imaginer une detective story où Batman, le détective par excellence du DCU, est forcé de rester à l'écart... Pour la simple et bonne raison qu'il fait partie des suspects dans l'affaire du meurtre de Simon Stagg. Ou plutôt Bruce Wayne est accusé, suite à l'enquête menée le mois dernier par Jimmy Olsen.


Sur ce cliffhanger très accrocheur, Waid laisser le lecteur, mais Wayne ne reste pas longtemps derrière les barreaux : puisque la série se déroule dans le passé, à une époque où il est encore immensément riche, il a les moyens de se payer les meilleurs avocats et une caution pour être libéré. Mais pas tout à fait libre.

De fait, Waid assigne à résidence Bruce Wayne et donc Batman. Superman doit enquêter seul. Cela donne lieu à un échange piquant entre les deux héros au téléphone sur le fait que Clark Kent travaille tout le temps (comme reporter pour le "Daily Planet" et comme Superman) alors que Bruce Wayne peut déléguer la direction de ses affaires pour se consacrer ) ses activités de justicier. Et quand Robin rejoint Superman à la forteresse de solitude, Superman répond à Bruce qu'il a trouvé un autre acolyte, excellent détective, pour l'assister.

Cette malice pimente un polar qui sans ça ne serait pas aussi jubilatoire. Le reste est terriblement efficace et Waid alterne les scènes avec ses différents protagonistes avec un sens du swing qui épate. Metamorpho, premier suspect du meurtre de Stagg, intimide plusieurs individus louches susceptibles de l'avoir dénoncé : on découvre le héros plus menaçant, plus inquiétant, mais ce n'est pas gratuit, ce n'est pas juste pour le rendre plus sombre, c'est parce qu'il doit prouver son innocence.

Le contraste avec Superman et Robin, symboles des héros positifs, bienveillants, fonctionne pleinement et imprime une dynamique imparable au récit. Quand Batman comprend que l'affaire pourrait concerner d'autres milliardaires, dont Oliver Queen (Green Arrow), Ted Kord (Blue Beetle)..., il a à nouveau le champ libre pour rejoindre Superman, Robin et Metamorpho sur le terrain.

En même temps, la liste des suspects se réduit considérablement et aboutit à deux vieilles connaissances : on comprend alors que la suite de l'histoire va voir apparaître de nouveaux invités sympathiques et d'autres beaucoup moins. Encore une fois, on a droit à un (double) cliffhanger bien prenant...

La série bénéficie du talent extraordinaire du dessinateur le plus excitant actuellement : Dan Mora est vraiment impressionnant. Difficile encore une fois de ne pas être bouche bée devant la productivité du bonhomme qui dessine en parallèle un crossover Teenage Mutant Ninjas Turtles/Mighty Morphin' Powers Rangers, et Shazam !, qui démarre le mois prochain - on va se goinfrer avec deux mensuels DC dessinés par Mora.

Ne croyez pas les pleureuses qui se plaignent de ne plus trouver de dessinateurs tenant les délais et conservant leur qualité de travail, en mentionnant toujours avec nostalgie Jack Kirby. Les comics ont ceci de merveilleux de révéler régulièrement des artistes surprenants : après Immonen, Samnee, Mora est aujourd'hui devenu un phénomène. Il est difficile, pour ne pas dire impossible de résister à son énergie. Ses planches sont toniques, merveilleusement composées, avec une aisance à s'approprier les personnages, les décors, à alterner scènes d'action et moments plus calmes. Waid a encore trouvé un partenaire idéal et il lui taille des histoires sur mesure.

C'est bien simple, comme je le disais en préambule : s'il n'en restait qu'une, ce serait cette série-là qu'il faudrait garder, parce qu'elle met la patate et qu'elle est divinement fabriquée. C'est du comic-book comme on l'aime tous.