jeudi 4 mai 2023

DOCTOR STRANGE #2, de Jed MacKay et Pasqual Ferry


Sorti la semaine dernière, j'avais gardé au chaud ce deuxième épisode de Doctor Strange car je manquais de motivation pour en parler après d'autres lectures décevantes. Mais c'est un mal pour un bien puisque je vais en rédiger la critique au milieu de parutions ayant en commun la magie. Et ce sera l'occasion de louer les efforts de Jed MacKay et Pasqual Ferry.


Sollicités par Moon Knight, Doctor Strange et Clea investissent le royaume de Cauchemar pour sauver une fillette. Mais sur place, l'ennemi n'est pas celui qu'il s'attendaient à trouver puisqu'ils sont confrontés à des doubles maléfiques d'eux-mêmes. Et surtout ils devinent qu'une menace plus grande est à l'oeuvre.


Hier, je vous parlai de la relance de Shazam ! par Mar Waid et Dan Mora et, si tout va bien, demain, ke consacrerai une entrée de ce blog au 5ème numéro de Scarlet Witch par Steve Orlando et Russell Dauterman (avant un retour de lecture imprévu plus tard). Vous l'aurez déduit tout seul : c'est une semaine placée sous le signe de la magie dans les comics.


Je ne prétends pas que c'est prémédité de la part des éditeurs, mais le fait est que Marvel comme DC reviennent vers ces univers et leurs héros - DC après l'event Lazarus Planet, Marvel avant l'event Contest of Chaos. La coïncidence est trop grosse pour en être une justement.
 

Sans oublier que la Warner Bris. (qui appartient au même groupe que DC) a prévu de rebooter la saga Harry Potter en série télé et que Mark Millar poursuit sa saga The Magic Order. Autant dire que si vous n'appréciez pas ce type de récits, ce n'est pas une bonne période.

Pour ma part, j'ai toujours été intéressé moins par la magie que par l'illusionnisme et la prestidigitation, dont l'Histoire grouille d'aventures extraordinaires. La magie, c'est autre chose, qui relève davantage du grand spectacle, de la fantaisie, et souvent les illusionnistes n'aiment pas qu'on les qualifie de magiciens car ils trouvent cela trop folklorique, trop caricatural.

Bref, pour goûter aux histoires avec de la magie, il faut accepter quelques conventions littéraires. le Doctor Strange est bien évidemment le magicien le plus célèbre et le plus puissant de l'univers Marvel, mais son titre de docteur renvoie aussi à ses origines de chirurgien qu'un grave accident empêcha de pratiquer et qui se tourna vers les arts occultes dans l'espoir d'une guérison miracle.

Un docteur va au chevet de patients pour les examiner, poser un diagnostic et prescrire des traitements. Jed MacKay respecte ce schéma à la lettre dans ce numéro puisque Moon Knight, avec lequel il entretient pourtant des relations distantes (alors que MK apprécie et est apprécié de Clea), le sollicite pour le cas d'une fillette sujette à des cauchemars violents. MK s'en serait bien chargé seul mais sa psyché dérangé aurait fait courir un risque plus grand encore à l'innocente.

Jed MacKay axe aussi sa série sur le couple Strange-Clea et établit leurs champs de compétences respectifs. Strange est donc un médecin, mais Clea est une guerrière. Strange est un stratège, Clea son bras armé. Là aussi, le récit suit scrupuleusement la caractérisation des personnages et donc Clea combat pendant que Strange cherche la faille et le remède.

En pénétrant dans le royaume de Cauchemar, le scénario rappelle aussi l'affrontement qui a opposé par deux fois ce dernier à Jean Grey (la télépathe des X-Men a sèchement corrigé son vis-à-vis). Mais MacKay nous conduit sur une fausse piste car Cauchemar est dans un sale état et que ce qui agresse la fillette protégée par Moon Knight est bien plus vicieux. A la fin de l'épisode, Wong intervient brièvement pour rappeler ce qui s'est passé lors du dénouement du précédent chapitre, ce qui met Clea dans une situation délicate.

Résumons : Jed MacKay mène très intelligemment sa série, on vérifie qu'il anime proprement ses héros dont la dynamique conjugale est vigoureuse, et que ses intrigues suggèrent une menace plus grande qu'il n'y paraît. On ne perd pas de temps puisque tout ça est mis en place en seulement deux numéros, mais en même temps l'auteur profite du fait qu'il écrit Strange (Stephen ou Clea) depuis un bon moment maintenant.

Visuellement, Pasqual Ferry permet à MacKay de s'appuyer sur un artiste capable de donner corps à des environnements et des manifestations de pouvoirs à la hauteur de son imagination. Doctor Strange a vu passer des dessinateurs de haut niveau, depuis Steve Ditko jusqu'à Chris Bachalo en passant par Paul Smith. Ferry impose sa vision sans trembler.

Ferry a en effet cette particularité d'avoir un trait tout en courbes, en circonvolutions, alors même qu'il travaille avec une tablette graphique. Ainsi échappe-t-il à ce qu'on reproche souvent à ce type de technique, une certaine froideur. Cela prouve surtout, encore une fois, que peu importe au fond l'outil, c'est la manière dont l'artiste s'en sert qui fait la différence.

Strange et Clea revêtent une élégance presque aristocratique, affichant une sorte de flegme, de force tranquille qui rassurent le lecteur et leur donne l'air de détectives de l'occulte. Les décors dans lesquels ils évoluent contrastent avec ce détachement puisqu'on a affaire à des paysages torturés ou épurés, mais qui partagent un aspect inquiétant, torturé. Les couleurs appliquées par Matt Hollingsworth adoucissent cette impression tout conservant l'étrangeté nécessaire à ces environnements.

Le découpage est plutôt sage, très fluide, sans doute pour ne pas que le lecteur soit trop perdu, et en accord avec l'écriture simple et souple.

C'est vraiment très agréable, prenant, singulier. Peut-être pas révolutionnaire ou assez imprévisible, mais la volonté affichée du beau et du character's driven ne saurait être reprochée aux auteurs.

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