samedi 3 décembre 2022

BLACK ADAM, de Jaume Collet-Serra


Dawyne "The Rock" Johnson avait averti : Black Adam allait changer la donne pour le DCEU (DC Extended Universe). Et le public a vu... Que rien n'a changé. Sans être un bide, le film de Jaume Collet-Serra n'a pas fait exploser le box-office et n'a rien révolutionné chez les super-héros de Warner Bros. Tout cela traduit l'égo boursouflé d'une star qui a certes porté ce projet mais sans se soucier de ce qu'il raconterait.



En 2 600 av. J.C., le tyrannique Ahk-Ton prend le pouvoir du Kahndaq et asservit son peuple qu'il envoie exploiter des carrières pour trouver de l'Eterniuim afin de former le couronne de Sabbac, qui lui conférera des pouvoirs divins. Mais un jeune esclave provoque une émeute. Il est sur le point d'être exécuté pour l'exemple lorsque le sorcier Shazam l'investit de pouvoirs lui permettant d'empêcher Ahk-Ton de concrétiser son plan.


De nos jours, l'archéologue Adrianna Tomaz retrouve la couronne de Sabbac mais, trahie par son acolyte Ishmaël, pour empêcher que la relique ne tombe dans les mains de l'Intergang qui règne sur le Kahndaq, elle invoque Shazam. Le champion du sorcier, Teth-Adam resurgit et massacre les pilleurs de tombes. Ces événements ne passent pas inaperçus et Amanda Waller contacte la Société de Justice d'Amérique pour intervenir. Hawkman rassemble une équipe en urgence.


La Société de Justice affronte Teth-Adam déchaîné, poussé par Adrianna Tomaz à purger le Kahndaq de la pègre qui le contrôle. Les méthodes expéditives du champion se heurtent aux ripostes musclés des héros qui tentent de faire comprendre aux autochtones qu'ils soignet le mal par le mal en le supportant. Ishmaël kidnappe le fils d'Adrianna qui lui avait confié la couronne de Sabbac.


Teth-Adam accepte alors de s'allier avec la Société de Justice pour sauver l'enfant et neutraliser Ishmaël. En capturant  des sbires de l'Intergang allié de IshMaël, ils localisent son repaire et s'y rendent. Ishmaël révèle alors être le dernier descendant de Ahk-Ton et que la couronne de Sabbac lui revient donc de droit. Mais Teth-Adam attaque sans avertir ses partenaires et provoque l'explosion du repaire du méchant.


Adrianna et les héros survivent tandis qu'Ishmaël périt. Teth-Adam a cependant compris qu'il n'avait plus sa place dans ce monde et accepte d'être remis à Amanda Waller qui l'enferme dans sa prison en Antarctique. Le Dr. Fate et Adrianna découvrent, eux, une inscription à l'intérieur de la couronne de Sabbac et comprennent que Ishmaël a calculé sa mort pour échouer aux enfers où il serait ressucité par Sabbac lui-même afin de préparer son retour dans notre dimension.


La Société de Justice retourne au Kahndaq où, en effet, Ishmaël/Sabbac reprend le contrôle du territoire avec sa légion de morts-vivants. Dr. Fate écarte ses partenaires pour affronter le démon seul, mais il ne peut le contenir seul et, avant de mourir, il jette un sort pour libérer Teth-Adam de sa prison afin qu'il vienne aider Hawkman, Cyclone et Atom Smasher.


Teth-Adam joint ses forces à ceux des héros et réussit à tuer Ishmaël. Acclamé comme leur libérateur, et ayant gagné l'estime de la Société de Justice, il obtient de rester au Kahndaq pour veiller sur la population qui le rebaptise Black Adam.

Une scène post-générique de fin montre Amanda Waller mettre en garde Black Adam en le menaçant de représailles s'il sort du Kahndaq, sans que cela l'impressionne. Superman arrive alors pour parlementer avec Adam.

"Un mauvais plan vaut mieux que pas de plan du tout" : cette phrase est prononcée à plusieurs reprises par Hawkman et Dr. Fate dans le film comme un aveu de faiblesse face aux difficultés qu'ils s'apprêtent à rencontrer pour maîtriser Black Adam puis Sabbac. Les scénaristes semblent l'avoir écrite comme un aveu de leur part pour dire au spectateur qu'eux aussi ont eu toutes les difficultés du monde à rendre un script convenable.

Black Adam est un projet qui attendait d'être réalisé depuis plusieurs années et Dwayne "the Rock" Johnson a tout fait pour porter à l'écran les exploits de ce personnage. A l'origine, il fut question de l'intégrer au premier film Shazam mais la star convainquit la Warner Bros. d'y renoncer. On pouvait déjà deviner dans cette intention un caprice de diva qui ne comptait pas partager l'affiche.

Et cela se confirme en voyant le résultat où Johnson se taille la part du lion. Mais sans avoir converti son ambition en une oeuvre à la mesure de son rêve de fan de comics. Black Adam n'est pas plus mauvais que d'autres films de Warner Bros. adaptés des comics DC. Mais il n'est franchement pas meilleur non plus.

Et cela renvoie aux déclarations fanfaronnes de Johnson qui, durant la promotion du film, jurait que Black Adam allait changer le rapport de force dans la catégorie des films de super-héros au sein du DCEU mais aussi face à l'ogre Marvel. Aujourd'hui que les chiffres ont parlé, plus implacable que tous les scénarios, Black Panther : Wakanda Forever a réaliser en une semaine l'équivalent du total des profits générés par Black Adam (finissant sa course aux alentours de 325 millions de dollars quand le film de Ryan Googler a dépassé le milliard).

"Un mauvais plan vaut mieux que pas de plan du tout". Mais encore faut-il avoir un plan, et on ne distingue jamais celui de Black Adam : ses trois scénaristes (Adam Sztykel, Rory Haines, Sohrab Noshirvani) et son réalisateur (Jaime Collet-Serra, ancien espoir du cinéma espagnol devenu un de ces innombrables "yes men" à qui les majors confient des gros budgets pour des produits sans âme) vont tout simplement trop vite. Le film se veut à la fois une origin story (inutilement tarabiscotée), un actioneer et le début d'une franchise. Il n'est rien de tout ça, faute de développement correct.

Certains éléments narratifs sont grotesques, comme le fait que Adrianna Tomaz retrouve une couronne perdue depuis 5 000 ans aussi facilement, le fait que cette couronne passe de main en main comme un vulgaire bibelot alors qu'elle est censée contenir un pouvoir surpuissant, que la Societé de Justice est introduite sans présentation et réduite à quatre membres (dont deux sont de parfaits rookies), que tout ce beau monde se met sur la tronche avant de faire cause commune, puis d'affronter le vrai grand méchant dans une bataille brouillonne et expédiée.

Le pire reste à venir quand Teth-Adam est acclamé par la foule qui veut en faire son nouveau chef. Peu de temps avant, les mêmes autochtones vouaient aux gémonies les héros américains dans ce qui se voulaient une critique pertinente de l'interventionnisme des Etats-Unis au Moyen-Orient. Mais finalement ces mêmes habitants du Kahndaq applaudissent et réclament un chef qui grille ses ennemis et coupe en deux son adversaire. Ils échangent donc la mafia de l'Intergang aujourd'hui comme hier ils se sont débarrassés de Ahk-Ton pour un pseudo champion à la moralité aussi douteuse et au comportement aussi brutal. On touche le fond.

Le caractère bâtard du film s'affirme encore plus quand il se veut déconnecté de ceux qui l'ont précédé (en faisant appel à la JSA plutôt qu'à la Justice League ou Shazam pour arrêter Teth-Adam) mais ne peut s'empêcher de convoquer Amanda Waller (Viola Davis, qui cachetonne), la patronne de la Task Force X/Suicide Squad, au moment d'appeler à la rescousse la Société de Justice justement. On mesure bien là tout le problème qui pollue le DCEU qui doit encore programmer des films comme Flash (sauf si le patron de Warner Bros. Discovery admet que ce serait vraiment une erreur) tout en préparant sa mue sous l'impulsion de James Gunn (et Peter Safran), désormais en charge de tout le DCU (cinéma, télé, jeux vidéos, films d'animation) sous le titre de DCU.

"Un mauvais plan..." : c'est qu'a l'air de penser durant la majorité du film Pierce Brosnan, le seul à ne pas sombrer avec ce paquebot pas beau. L'ex-interprète de James Bond incarne avec une élégance imparable le Dr. Fate et semble déjà voir, comme son personnage, le désastre à venir. Les scénaristes, qui ne sont plus à ça près, le sacrifient à la fin, mais lui rendent au bout du compte un fier service car le spectateur sait alors que c'était bien le meilleur de tous.

Aldis Hodge en Hawkman n'est pas mauvais mais son rôle est trop bâclé : manquant de charisme, l'acteur a du mal à convaincre en leader trop buté pour saisir les enjeux qui se présentent à lui. Noah Centino est pitoyable, et son Atom Smasher est réduit à un prétexte à gags pas drôles. Quintessa Swindel est jolie comme un coeur mais n'a rien à jouer, le film en fait une toupie multicolore pour justifier des effets spéciaux. Sarah Shahi est vraiment horripilante de bout en bout.

Reste donc Dwayne Johnson, qui cherche constamment à rendre Black Adam cool, mais qui s'embourbe tout seul dans un personnage qui n'a ni l'ambiguité ni la majesté de l'anti-héros des comics. Qu'il soit fan du personnage, c'est certainement sincère, mais cela ne suffit pas. Ni la Warner ni sa star ne veulent assumer le côté malaisant de Black Adam, une brute aux méthodes douteuses, un dieu hors du temps, un champion mais aussi un dictateur. Il suffit d'une courte scène post-générique (tourné d'ailleurs in extremis, après la fin du film) pour comprendre que Henry Cavill/Superman a infiniment plus d'autorité et de classe que "the Rock"/Black Adam... Et se ficher pas mal de savoir si, un jour, on assistera à une bagarre entre ces deux-là (pour ça il faudrait déjà que le studio refasse signer un contrat à Cavill, ce qui n'est toujours pas fait).

Conclusion : je souhaite bien du courage et du plaisir à James Gunn (et Peter Safran) pour leur DCU. Entre les dévots insupportables de Zack Snyder (toujours bruyants sur les réseaux sociaux), le foutoir sans nom des films et séries appartenant ou nom au même monde, et de futurs projets (gravés dans le marbre d'une "bible" qui serait révélée en 2023), il va falloir faire preuve de discernement et de patience pour transformer tout ça en quelque chose de cohérent, connecté et durable. Seule certitude : ça n'aura pas commencé par Black Adam.

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